Promesses et mensonges de la réouverture
de la ligne d’Oloron-Sainte-Marie à Bedous
“Chacun tourne en réalités,
Autant qu’il peut, ses propres songes :
L’homme est de glace aux vérités ;
Il est de feu pour les mensonges.”
Jean de La Fontaine (1621 – 1695) – Le Statuaire et la Statue de Jupiter –
Livre IX – Fable 6 – 1678
La glace des glaciers des Pyrénées ne cesse de fondre, non à cause du feu des écobuages, mais sous le feu des mensonges de nos politiciens locaux qui se révèlent jour après jour ! Petite revue de toutes les fausses promesses et de tous les vrais mensonges qui ont été entendus pour légitimer la réouverture de la ligne ferroviaire d’Oloron-Sainte-Marie à Bedous et qui sont encore utilisés pour justifier le prolongement jusqu’à Canfranc.
Résumé de l’article
Cet article recense toutes les promesses non tenues et tous les mensonges proférés pour justifier de la réouverture de la section Oloron-Sainte-Marie à Bedous, puis pour justifier une future prolongation jusqu’à Canfranc. Concernant la promesse de désenclavement, les recensements de l’INSEE montrent que la population en vallée d’Aspe diminue depuis 2016 et les articles de journaux montrent que les fermetures de classes sont toujours d’actualité. Concernant la réduction des gaz à effet de serre, les comparaisons entre émissions de CO2 des passagers des automotrices X73500 et émissions de CO2 de véhicules essence, gasoil, hybrides montrent que chaque passager du train émet 1,7 à 2,7 fois plus de CO2 que s’il utilisait une voiture, voire même de 3,0 à 4,8 fois plus en prenant en compte les données de la Cour des comptes. Concernant le report modal des salariés de Safran Landing Systems, les voyageurs en train représentent moins de 2,5% des salariés. Concernant l’investissement pour un siècle, l’histoire montre que les investissements ferroviaires qui n’ont pas tenu un siècle sont légion en région Nouvelle-Aquitaine.
Version initiale du 14 décembre 2021, dernière mise à jour au 3 novembre 2023
Le désenclavement de la vallée d’Aspe
Voici ce que n’hésitait pas à expliquer le premier de nos politiciens locaux lors d’un reportage sur le journal de 20h de France 2 : “C’est tout simplement l’aménagement du territoire. Cette vallée se dépeuple, rouvrir une voie ferrée, c’est la redynamiser” [1]. C’est d’ailleurs l’une des quatre justifications du projet de réouverture des circulations d’Oloron-Sainte-Marie à Bedous et mise en avant en page 8 de la Déclaration d’Utilité Publique : “Réhabiliter une liaison ferroviaire de voyageurs dans cette vallée longtemps enclavée” [2]. Logiquement, l’on devrait donc s’attendre à une augmentation de la population dans la vallée d’Aspe et en particulier entre Oloron-Sainte-Marie et Bedous à partir de la date de la réouverture de 2016. Pourtant et bien au contraire, les recensements de l’INSEE effectués chaque année montrent tout l’opposé : la vallée ne cesse de se dépeupler malgré la présence du train [4].
Les populations des villes et villages en vallée d’Aspe et d’Ossau de 2010 à 2020 sont les suivantes :
Années | 2010 | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 | 2016 | 2017 | 2018 | 2019 | 2020 |
Ville de Pau | 81 166 | 79 798 | 78 506 | 77 575 | 77 489 | 77 215 | 77 251 | 77 130 | 76 275 | 75 627 | 75 665 |
Villages de Pau à Oloron-Sainte-Marie | 23 304 | 23 474 | 23 545 | 23 673 | 23 804 | 23 783 | 23 730 | 23 764 | 23 845 | 23 883 | 23 820 |
Ville d’Oloron-Sainte-Marie | 10 800 | 10 854 | 10 678 | 10 794 | 10 824 | 10 818 | 10 791 | 10 684 | 10 629 | 10 594 | 10 653 |
Villages d’Oloron à Bedous | 5 988 | 5 980 | 6 019 | 6 079 | 6 093 | 6 076 | 6 062 | 6 042 | 6 012 | 5 998 | 5 981 |
Villages de Bedous au Somport | 1 285 | 1 287 | 1 307 | 1 305 | 1 301 | 1 278 | 1 255 | 1 233 | 1 209 | 1 198 | 1 181 |
Villages de Buzy à Laruns | 7 037 | 6 973 | 6 882 | 6 818 | 6 781 | 6 739 | 6 669 | 6 619 | 6 555 | 6 551 | 6 565 |
Avec :
- villages de Pau à Oloron-Sainte-Marie : Buziet, Buzy, Escou, Escout, Estos, Gan, Gelos, Goès, Herrère, Jurançon, Lasseubetat, Ledeuix, Moumour, Ogeu-les-Bains, Précilhon ;
- villages d’Oloron-Sainte-Marie à Bedous : Agnos, Asasp-Arros, Aydius, Bedous, Bidos, Escot, Eysus, Gurmençon, Issor, Lourdios-Ichère, Lurbe-Saint-Christau, Osse-en-Aspe, Sarrance ;
- villages de Bedous au Somport : Accous, Borce, Cette-Eygun, Etsaut, Lées-Athas, Lescun, Urdos ;
- villages de Buzy à Laruns : Arudy, Aste-Béon, Béost, Bielle, Bilhères, Castet, Eaux-Bonnes, Gère-Bélesten, Izeste, Laruns, Louvie-Juzon, Louvie-Soubiron.
En prenant en compte une base 100 à la date de 2015, année précédant la réouverture de la ligne Oloron-Sainte-Marie à Bedous, les variations et graphiques d’évolution des populations pour chaque entité géographique sont les suivants :
Années | 2010 | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 | 2016 | 2017 | 2018 | 2019 | 2020 |
Ville de Pau | 105,1 | 103,3 | 101,7 | 100,5 | 100,4 | 100,0 | 100,0 | 99,9 | 98,8 | 97,9 | 98,0 |
Villages de Pau à Oloron-Sainte-Marie | 98,0 | 98,7 | 99,0 | 99,5 | 100,1 | 100,0 | 99,8 | 99,9 | 100,3 | 100,4 | 100,2 |
Ville d’Oloron-Sainte-Marie | 99,8 | 100,3 | 98,7 | 99,8 | 100,1 | 100,0 | 99,8 | 98,8 | 98,3 | 97,9 | 98,5 |
Villages d’Oloron à Bedous | 98,6 | 98,4 | 99,1 | 100,0 | 100,3 | 100,0 | 99,8 | 99,4 | 98,9 | 98,7 | 98,4 |
Villages de Bedous au Somport | 100,5 | 100,7 | 102,3 | 102,1 | 101,8 | 100,0 | 98,2 | 96,5 | 94,6 | 93,7 | 92,4 |
Villages de Buzy à Laruns | 104,4 | 103,5 | 102,1 | 101,2 | 100,6 | 100,0 | 99,0 | 98,2 | 97,3 | 97,2 | 97,4 |

Ainsi, alors que la ligne ferroviaire d’Oloron-Sainte-Marie à Bedous était en phase de travaux, la population entre ces deux villes a augmenté d’environ 2% de 2010 à 2014. Puis cette même population a diminué d’environ 1,5% de 2015 à 2020 alors que la ligne était rouverte avec 4 allers-retours quotidiens. Qui plus est, au-delà de Bedous, la population n’a cessé de diminuer d’une valeur d’environ 7,5% de 2016 à 2020. C’est d’ailleurs ce que révèle les analyses des journalistes sur la base du recensement de l’INSEE de 2021 [5]. Loin d’attirer les habitants, l’arrivée du train les chasse et accentue le désenclavement de la vallée d’Aspe. La contradiction est donc poussée à son paroxysme : faire croire que le train attire de nouveaux habitants dans la vallée alors que la réalité est l’exacte opposée.
On remarque également que de Buzy à Laruns, la diminution de la population est du même ordre, montrant que la présence d’une ligne ferroviaire n’est pas la solution miracle pour désenclaver les vallées pyrénéennes.
Seuls, les villages situés entre Pau et Oloron-Sainte-Marie profiteraient de la présence des liaisons ferroviaires avec une population totale qui augmente. Mais en regardant dans les détails, ce sont uniquement les villes de Gelos et de Gan dont les populations ont augmenté de respectivement 140 et 66 habitants entre 2016 et 2020 qui sont les seules villes responsables de cette croissance. Est-ce à dire que la vingtaine de voyageurs qui montent et descendent chaque jour aux haltes de Croix-du-Prince et de Gan explique cette augmentation de population ? La réponse est évidemment négative, puisque ces nouveaux habitants sont tous motorisés et utilisent leurs véhicules personnels ou les lignes de bus urbain n°5, n°11 et n°15, surtout à Gelos, pour effectuer leurs déplacements.
La désertification se concrétise d’ailleurs dans les effectifs des écoles de la communauté éducative de la vallée d’Aspe. Autant les enfants furent plus nombreux à la rentrée 2012 avec une institutrice n’hésitant pas à dire “Il y a des décennies que l’on n’avait pas vu ça !” [6], autant c’est la déconvenue depuis 2018 avec des effectifs qui diminuent, ce qui fit dire au maire de Bedous : “Depuis 2018, chaque année, l’effectif global baisse : 65 en 2018, 59 en 2019, et 55, cette année” [7]. L’hémorragie ne se termine malheureusement pas avec de grandes inquiétudes pour les futures rentrées comme l’évoquent divers articles qui tendent à démontrer la volonté de l’inspection d’académie de réduire les effectifs du personnel enseignant [8] [9] [10] [11] [12] [13]. Ce n’est que grâce à la mobilisation des parents d’élèves et des élus, dont certains sont paradoxalement des partisans de la réouverture jusqu’à Canfranc, que l’inspection académique recule [14] [15]. Pourtant, l’argument de la réouverture de la ligne Oloron-Sainte-Marie – Bedous était encore utilisé avant sa remise en service pour dynamiser l’attractivité des villages par l’un de nos politiciens locaux : “Si la baisse des élèves est liée à une problématique nationale de faible natalité, nous sommes en mesure de dynamiser l’attractivité des villages du Haut-Béarn, en améliorant leur accessibilité. Cela passe par une politique ambitieuse en terme de transports : l’amélioration de la RN134 et la construction de la voie ferrée Pau-Canfranc vont dans ce sens” [16].
Les autres services publics pâtissent d’ailleurs de cette situation, puisque l’hôpital d’Oloron-Sainte-Marie accumule, année après année, les crises et les fermetures de services et la Poste de Bedous se réorganise avec une fermeture envisagée de ses locaux [17].
Les professionnels de la vallée d’Aspe disent eux-mêmes que cette liaison entre Oloron-Sainte-Marie et Bedous ne redynamise pas leur vallée. C’est ainsi qu’un sondage réalisé dans le cadre du projet de création du Géotrain [18] pages 67, 68 et 146 auprès de plusieurs acteurs du tourisme montre que, parmi les 15 réponses reçues :
- 2 acteurs du tourisme seulement estiment que la fréquentation a augmenté avec la réouverture de la section ;
- 11 acteurs du tourisme n’ont vu aucun changement ;
- 1 acteur du tourisme estime même qu’il y a eu diminution de l’activité.
La réouverture de la ligne Oloron-Sainte-Marie – Bedous n’a pas permis de désenclaver et de redynamiser la vallée d’Aspe. Bien au contraire, en plus d’avoir coûté très cher en investissement et de maintenant coûter très cher en exploitation, cette ligne ferroviaire accélère l’exode rural et la désertification : l’exacte opposé à ce qui avait été initialement promis. Nos politiciens locaux ont donc tout faux et nous ont bien menti !
La réduction des gaz à effet de serre
Un des grands avantages du transport ferroviaire par rapport au transport routier est la moindre émission des gaz à effet de serre. C’est d’ailleurs deux des quatre justifications du projet de réouverture des circulations d’Oloron-Sainte-Marie à Bedous et mise en avant en page 8 de la Déclaration d’Utilité Publique : “Offrir une alternative aux liaisons routières” et “Améliorer la mobilité tout en préservant l’environnement” [2]. Ceci est d’autant plus vrai que la ligne est électrifiée. Malheureusement, en 2010 et pour limiter les coûts des travaux de rénovation, un choix néfaste a été fait de moderniser la section de Pau à Oloron-Sainte-Marie en désélectrifiant par suppression définitive de la caténaire. De même, vue l’envolée des coûts d’investissement, la section d’Oloron-Sainte-Marie à Bedous a été régénérée sans caténaire. Les automotrices électriques Z7100 ont alors été remplacées par des automotrices diesel X73500, certes plus modernes, mais qui ne sont pas reconnues comme étant très vertueuses en matière d’émission de polluants et de gaz à effet de serre. Se pose alors la question de savoir si l’utilisation du train est plus économe en émission de gaz à effet de serre de type dioxyde de carbone CO2 par rapport à l’utilisation de véhicules personnels à essence, diesel ou hydrides.
Répondre à cette question suppose d’estimer les émissions de dioxyde de carbone CO2 pour chaque voyageur prenant le train par rapport à ce même voyageur utilisant son véhicule personnel.
La fréquentation de la section d’Oloron-Sainte-Marie à Bedous de 2017 à 2022 est connue par la fréquentation en gare :
Nom de la gare | Distance depuis Oloron | Voyageurs par jour | |||||
2017 | 2018 | 2019 | 2020 | 2021 | 2022 | ||
Oloron-Sainte-Marie | 0,0 | – | – | – | – | – | – |
Bidos | 1,8 | 16 | 11 | 20 | 7 | 9 | 14 |
Lurbe-Saint-Christau | 9,0 | 5 | 3 | 6 | 4 | 4 | 3 |
Sarrance | 18,3 | 3 | 3 | 5 | 3 | 4 | 4 |
Bedous | 24,8 | 49 | 35 | 46 | 34 | 45 | 45 |
Total depuis Oloron | 24,8 | 74 | 52 | 77 | 47 | 62 | 67 |
En estimant que chaque voyageur de la section Oloron-Sainte-Marie à Bedous s’arrête, monte ou passe par Oloron-Sainte-Marie pour continuer vers Pau, la fréquentation en voyageurs multipliée par la distance parcourue par jour et par an est la suivante :
Nom de la gare | Distance depuis Oloron | Voyageurs.kilomètres par jour | |||||
2017 | 2018 | 2019 | 2020 | 2021 | 2022 | ||
Oloron-Sainte-Marie | 0,0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
Bidos | 1,8 | 28 | 20 | 36 | 12 | 16 | 26 |
Lurbe-Saint-Christau | 9,0 | 46 | 30 | 50 | 36 | 37 | 26 |
Sarrance | 18,3 | 63 | 50 | 89 | 51 | 74 | 79 |
Bedous | 24,8 | 1 222 | 857 | 1 145 | 831 | 1 122 | 1 124 |
Total | 24,8 | 1 359 | 957 | 1 320 | 930 | 1 248 | 1 254 |
Voyageurs.kilomètres par an | |||||||
Total | – | 496 071 | 349 237 | 481 878 | 339 555 | 455 646 | 457 752 |
L’étape suivante consiste à estimer la distance parcourue chaque année par les automotrices X73500 sur la section d’Oloron-Sainte-Marie à Bedous. Le nombre quotidien de circulations est de 8 jusqu’à Bedous. D’Oloron-Sainte-Marie à Bidos, le nombre de circulations supplémentaires est de 3 du lundi au vendredi et d’1 les samedis, dimanches et fêtes. Le nombre de voyageurs est considéré pour les jours pour lesquels les circulations sont effectives et sont donc corrigés afin de ne pas prendre en compte des nombreuses suppressions dues aux mouvements sociaux d’avril à juin 2018 et de décembre 2019 à janvier 2020, aux confinements successifs liés à la crise sanitaire en 2020, aux arrêts des circulations d’Oloron-Sainte-Marie à Bedous en raison de l’effondrement du mur de soutènement du pont de Lescudé au premier semestre 2022. Il est possible d’en déduire la distance théorique et totale effectuée chaque année par les automotrices X73500 sur la section d’Oloron-Sainte-Marie à Bedous.
Année | Oloron à Bedous : nombre théorique de circulations par an | Oloron à Bidos : nombre théorique de circulations par an | Distance estimée par an en km | ||||
distance en km | lundi au vendredi | samedi, dimanche et fêtes | distance en km | lundi au vendredi | samedi, dimanche et fêtes | ||
2017 | 24,8 | 2 008 | 912 | 1,8 | 753 | 114 | 73 860 |
2018 | 24,8 | 2 016 | 904 | 1,8 | 756 | 113 | 73 863 |
2019 | 24,8 | 2 008 | 912 | 1,8 | 753 | 114 | 73 860 |
2020 | 24,8 | 2 016 | 904 | 1,8 | 756 | 113 | 73 863 |
2021 | 24,8 | 2 032 | 888 | 1,8 | 762 | 111 | 73 871 |
2022 | 24,8 | 2 024 | 896 | 1,8 | 759 | 112 | 73 867 |
La consommation nominale des automotrices X73500 est estimée de 56l à 60l de gasoil pour 100km selon les diverses études [19] page 4 et [20] page 3. La consommation maximale retenue est de 90l de gasoil pour 100km selon les informations de la Déclaration d’Utilité Publique [3] page 75, [21] page 219 et [22] page 47. Etant donné que ces engins sont âgés est que le profil de la section est complexe avec de nombreuses déclivités, une consommation moyenne de 70l par 100km peut être retenue. Il est ainsi possible d’évaluer la consommation annuelle de gasoil des automotrices, puis la consommation par voyageur et par kilomètre parcouru. En définitive, en considérant une équivalence de 2 640g de CO2 rejeté pour un litre de gasoil, se déduisent les émissions de CO2 par voyageur :
Année | Consommation annuelle de gasoil en l | Consommation de gasoil par voyageur en l/100km | Emissions de CO2 par voyageur en g/km | ||||||
nominale | moyenne | maximale | nominale | moyenne | maximale | nominale | moyenne | maximale | |
2017 | 41 361 | 51 702 | 66 474 | 8,3 | 10,4 | 13,4 | 220 | 275 | 354 |
2018 | 41 364 | 51 704 | 66 477 | 11,8 | 14,8 | 19,0 | 313 | 391 | 503 |
2019 | 41 361 | 51 702 | 66 474 | 8,6 | 10,7 | 13,8 | 227 | 283 | 364 |
2020 | 41 364 | 51 704 | 66 477 | 12,2 | 15,2 | 19,6 | 322 | 402 | 517 |
2021 | 41 368 | 51 709 | 66 484 | 9,1 | 11,3 | 14,6 | 240 | 300 | 385 |
2022 | 41 366 | 51 707 | 66 480 | 9,0 | 11,3 | 14,5 | 239 | 298 | 383 |
260 | 325 | 418 |
Ainsi, en première approche, il est envisageable d’estimer que chaque voyageur transporté par les automotrices X73500 émet l’équivalent d’environ 260 à 330g de CO2 par kilomètre parcouru.
Concernant les véhicules, la consommation est très dépendante du type d’énergie et de la date d’achat du véhicule [23]. Ainsi, la consommation moyenne qui est retenue selon le type d’énergie est la suivante :
Année d’achat du véhicule | Consommation par véhicule en l/100km | ||||
essence | gasoil | hybride non-rechargeable | hybride rechargeable | électrique | |
1999 | 7,1 | 6,0 | – | – | – |
2009 | 5,6 | 5,1 | – | – | – |
2019 | 5,6 | 4,4 | 4,4 | 1,3 | 0 |
Puis, en considérant une équivalence de 2 390g de CO2 rejeté pour un litre d’essence et de 2 640g de CO2 rejeté pour un litre de gasoil, se déduisent les émissions de CO2 par type de véhicule :
Année d’achat du véhicule | Emissions de CO2 par véhicule en g/km | ||||
essence | gasoil | hybride non-rechargeable | hybride rechargeable | électrique | |
1999 | 170 | 158 | – | – | – |
2009 | 134 | 135 | – | – | – |
2019 | 134 | 116 | 105 | 31 | 0 |
En considérant une occupation de 1,1 passager par véhicule telle que retenue par la Déclaration d’Utilité Publique [3] page 50, les émissions de CO2 par voyageur sont alors les suivantes :
Année d’achat du véhicule | Emissions de CO2 par voyageur en g/km | ||||
essence | gasoil | hybride non-rechargeable | hybride rechargeable | électrique | |
1999 | 154 | 144 | – | – | – |
2009 | 122 | 122 | – | – | – |
2019 | 122 | 106 | 96 | 28 | 0 |
Ainsi, en première approche, il est envisageable d’estimer que chaque voyageur qui utilise son véhicule émet l’équivalent d’environ :
- 150g de CO2 par kilomètre parcouru avec un véhicule essence ou diesel ancien ;
- 120g de CO2 par kilomètre parcouru avec un véhicule essence ou diesel récent ;
- moins de 40g de CO2 par kilomètre parcouru avec un véhicule hybride rechargeable ;
- 0g de CO2 par kilomètre parcouru avec un véhicule électrique.
Ainsi, un voyageur qui utilise le train émet 1,7 à 2,7 fois de plus de gaz à effet de serre qu’en utilisant son véhicule personnel. Si ce dernier est hybride rechargeable, alors le train représente 6,5 à 8,1 fois plus d’émissions de CO2. Sachant que ce type de véhicule se développera de plus en plus au détriment de véhicules plus anciens et que les automotrices X73500 ne seront pas renouvelées d’ici au moins 20 années, l’écart ne cessera de se creuser en défaveur de l’automotrice.
Ces valeurs sont confirmées et même très sous-évaluées par un calcul similaire réalisé par la Cour des comptes dans son rapport sur les TER en pages 58 à 61 [24]. En prenant l’exemple de la section de Saumur à La-Roche-sur-Yon qui voit circuler des TER diesel transportant en moyenne 10 voyageurs par circulation, la Cour des comptes estime les émissions de CO2 à 539g par voyageur et par kilomètre parcouru. Pour arriver à ce résultat, la Cour des comptes s’appuie sur les données de SNCF Mobilités qui estime la consommation d’un autorail de 80 à 200l de gasoil pour 100km. De même, elle estime qu’une voiture occupée par 1,9 voyageurs émet des émissions de CO2 de 110g par voyageur et par kilomètre parcouru. En transposant à la ligne Oloron-Sainte-Marie à Bedous dont la fréquentation oscille de 5,9 à 9,6 voyageurs par train, les émissions de CO2 varient de 561g à 914g par voyageur et par kilomètre parcouru. De même, avec des voitures occupées par 1,1 voyageurs, les émissions de CO2 sont de 190g par voyageur et par kilomètre parcouru. Ainsi, selon les données de la Cour des comptes, un voyageur qui utilise le train émet 3,0 à 4,8 fois de plus de gaz à effet de serre qu’en utilisant son véhicule personnel.
Si l’on considère les polluants que sont les hydrocarbures imbrûlés, le monoxyde de carbone, les oxydes d’azote et les particules fines, les émissions des automotrices X73500 sont certainement quelques milliers de fois plus importantes que les émissions des véhicules essence ou diesel qui sont dépolluées par des catalyseurs.
Ainsi, utiliser le train plutôt que son véhicule personnel entre Oloron-Sainte-Marie et Bedous contribue à l’augmentation de la pollution dans la vallée d’Aspe ce qui est un paradoxe véritablement navrant et affligeant d’autant plus que l’écart ne cessera de grandir à la défaveur du train.
C’est ainsi que l’on peut avoir d’énormes regrets qu’une solution à base de transport à la demande utilisant des véhicules hybrides n’ait pas était retenue. Cette solution plus flexible aurait certainement intéressé beaucoup de voyageurs et aurait permis de réduire la pollution dans la vallée d’Aspe. Une fois encore, nos politiciens locaux ont donc tout faux et nous ont donc bien menti !
Le report modal à Safran Landing Systems
C’était également un argument fort de nos politiciens locaux : transporter de leur domicile à leur travail les salariés de Safran Landing Systems dont l’usine est située juste à côté de la halte de Bidos. C’est d’ailleurs l’une des quatre justifications du projet de réouverture des circulations d’Oloron-Sainte-Marie à Bedous et mise en avant en page 8 de la Déclaration d’Utilité Publique : “Améliorer la desserte de la périphérie d’Oloron-Sainte-Marie, notamment par celle de Bidos” [2]. Ainsi, le report modal est favorisé en évitant aux salariés de se déplacer avec leur véhicule personnel. L’objectif est-il atteint ? En clair, les salariés de Safran Landing Systems se sont-ils appropriés cette ligne ferroviaire pour réaliser leur trajet domicile – travail ?
Pour le savoir, la fréquentation de la halte de Bidos est connue par les données de fréquentation en gare de SNCF. En considérant que les voyageurs de cette halte sont exclusivement des salariés de Safran Landing Systems qui travaillent du lundi au vendredi, il est possible d’estimer le nombre de salariés utilisant ce service :
Voyageurs par jour | ||||||||
2015 | 2016 | 2017 | 2018 | 2019 | 2020 | 2021 | 2022 | |
Bidos | 0 | 10 | 16 | 11 | 20 | 7 | 9 | 14 |
Voyageurs aller et retour par jour ouvré | ||||||||
Salariés SLS | 0 | 7 | 11 | 8 | 14 | 5 | 6 | 10 |
Ainsi, l’on peut estimer que de 5 à 15 salariés de Safran Landing Systems utilisent la ligne ferroviaire Oloron-Sainte-Marie à Bedous pour leur trajet journalier entre leur domicile et leur travail.
Lors de la Déclaration d’Utilité Publique, une estimation du nombre de salariés susceptibles d’utiliser la ligne ferroviaire avait été réalisée à partir de l’étude de leurs domiciles [3] page 26 et les modélisations montraient qu’il y aurait 625 voyageurs par jour avec la halte de Bidos et 522 voyageurs par jour sans la halte de Bidos, soit 103 voyageurs par jour uniquement grâce à cette halte [3] page 60. En 2010, l’effectif de Safran Landing Systems étaient de 855 salariés, L’effectif est désormais d’environ 750 en 2020. A noter que les très nombreux intérimaires et sous-traitants ne sont pas comptabilisés dans ces effectifs. En reprenant les répartitions par commune du domicile, il est possible d’estimer le nombre de salariés habitant dans chaque commune, et en particulier ceux habitant dans la zone d’étude :
2010 | 2020 | |||
Oloron-Sainte-Marie | 175 | 20% | 154 | |
Vallée d’Aspe | 465 | 55% | 408 | |
Pau | 30 | 4% | 26 | |
Autres communes | 185 | 22% | 162 | |
Total | 855 | 101% | 750 | |
Zone d’étude | 660 | 78% | 579 | |
Proportion d’utilisateurs par rapport : | Minimale | Maximale | ||
– à tous les salariés | 0,7% | 2,0% | ||
– à ceux habitant dans la zone d’étude | 0,9% | 2,6% |
Ce sont donc environ 5 à 15 salariés qui utilisent la ligne ferroviaire par rapport aux 579 salariés qui sont concernés par la proximité de la ligne ferroviaire, sans prendre en compte les intérimaires et sous-traitants. Ceci représente donc une proportion d’environ 1,0 à 2,5%, soit quasiment personne et très loin des 103 voyageurs estimés par la Déclaration d’Utilité Publique.
Ainsi, les salariés de Safran Landing Systems ne sont absolument pas intéressés par utiliser la ligne ferroviaire entre Oloron-Sainte-Marie et Bedous, mais continuent à utiliser leur véhicule personnel comme avant la réouverture. Pour s’en convaincre, il suffit de constater que le parking du personnel est toujours bien rempli. Le report modal des salariés de Safran Landing Systems est donc absolument inexistant et ce n’est pas en prolongeant la ligne jusqu’à Canfranc que les habitudes changeront. Une fois encore, nos politiciens locaux ont donc tout faux et nous ont donc bien menti !
Un investissement pour un siècle
Voici ce qu’en disait le premier de nos politiciens locaux lors d’un reportage de France 3 Nouvelle-Aquitaine : “… un chantier dont les avantages dureront plus d’un siècle, parce que quand vous faites un investissement ferroviaire, vous faites un investissement d’un siècle. Quel est l’investissement public qui est aussi long, ça n’existe pas” [25]. Il est nécessaire de se contenir et de réfléchir avant de faire de grandes envolées lyriques : en effet, les investissements ferroviaires qui n’ont pas tenu un siècle sont légion en région Nouvelle-Aquitaine.
Voici donc une revue non-exhaustives de toutes ces lignes d’Aquitaine que l’on croyait éternelles à leur création et qui ont tiré leur révérence moins qu’un siècle après. Elles sont aujourd’hui déferrées, transformées en voie verte, en totale abandon ou ont disparu à la faveur de nouvelles constructions.
Département | Ligne ferroviaire | Numéro de ligne | Date d’ouverture | Date de fermeture aux | Durée d’ouverture aux | ||
voyageurs | marchandises | voyageurs | marchandises | ||||
Pyrénées-Atlantiques | Puyoô à Mauléon | 662000 | 1884 | 1968 | 1989 | 84 | 105 |
Gironde | Nizan à Luxey | 1873 | 1954 | 1978 | 81 | 105 | |
Landes | Dax à Mont-de-Marsan | 654000 | 1891 | 1970 | 2004 | 79 | 113 |
Gironde | Bordeaux à La Sauvetat-du-Dropt | 637000 | 1873 | 1951 | 1994 | 78 | 121 |
Pyrénées-Atantiques | Bayonne-Anglet-Biarritz | 1877 | 1953 | 76 | |||
Landes | Langon à Gabarret | 641000 | 1866 | 1938 | 1988 | 72 | 122 |
Lot-et-Garonne | Penne-d’Agenais à Tonneins | 634000 | 1869 | 1940 | 1991 | 71 | 122 |
Gironde | Bordeaux à Lacanau-Océan | 1885 | 1954 | 1978 | 69 | 93 | |
Gironde | Facture-Biganos à Lesparre-Médoc | 1884 | 1952 | 1954 | 68 | 70 | |
Lot-et-Garonne | Magnac – Touvre à Marmande | 1886 | 1953 | 67 | |||
Gironde | Saint-Mariens – Saint-Yzan à Blaye | 1873 | 1939 | 1997 | 66 | 124 | |
Pyrénées-Atlantiques | Autevielle à Saint-Palais | 663000 | 1884 | 1949 | 1989 | 65 | 105 |
Landes | Ychoux à Biscarrosse | 1889 | 1950 | 1989 | 61 | 100 | |
Dordogne | La Cave à Ribérac | 620000 | 1881 | 1940 | 1951 | 59 | 70 |
Dordogne | Quéroy-Pranzac à Thiviers | 617000 | 1881 | 1940 | 1985 | 59 | 104 |
Landes | Marmande à Mont-de-Marsan | 642000 | 1882 | 1938 | 1971 | 56 | 89 |
Dordogne | Condat – Le Lardin à Sarlat | 627000 | 1883 | 1939 | 1951 | 56 | 68 |
Lot-et-Garonne | Villeneuve-sur-Lot à Falgueyrat | 635000 | 1901 | 1954 | 53 | ||
Gironde | Marcenais à Libourne | 582000 | 1887 | 1938 | 1960 | 51 | 73 |
Gironde | Margaux à Sainte-Hélène | 1884 | 1933 | 1978 | 49 | 94 | |
Landes | Nérac à Mont-de-Marsan | 644000 | 1890 | 1938 | 1969 | 48 | 79 |
Dordogne | Thiviers à Saint-Aulaire | 616000 | 1898 | 1940 | 1986 | 42 | 88 |
Pyrénées-Atlantiques | Pau-Oloron-Mauléon | 1890 | 1931 | 41 | |||
Dordogne | Hautefort à Terrasson | 623000 | 1898 | 1939 | 1941 | 41 | 43 |
Landes | Labenne à Seignosse | 1912 | 1950 | 1957 | 38 | 45 | |
Dordogne | Carsac à Gourdon | 630000 | 1902 | 1938 | 1955 | 36 | 53 |
Dordogne | Ribérac à Parcoul – Médillac | 619000 | 1906 | 1940 | 1954 | 34 | 48 |
A la vue de cette liste, l’on ne peut avoir que de grands regrets sur la politique du transport ferroviaire en France des années 1930 aux années 1970. Ce n’est pas pour autant qu’il faille faire de quelconques investissements de réouverture de ligne sans certitude d’une fréquentation conséquente, car sinon les mêmes causes produiront les mêmes effets. Avant de faire de grandes envolées lyriques, un peu d’humilité et de réflexion seraient donc les bienvenues.
Quelques références
[1] : Journal télévisé de 20h – L’œil du 20h – France 2 – 23 novembre 2016
[2] : Reprise des circulations ferroviaires entre Oloron et Bedous – Dossier provisoire d’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique, à la mise en compatibilité des documents d’urbanisme et à la suppression des passages à niveau – Pièce B – Présentation du projet – RFF – version D – juin 2012
[3] : Reprise des circulations ferroviaires entre Oloron et Bedous – Dossier provisoire d’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique, à la mise en compatibilité des documents d’urbanisme et à la suppression des passages à niveau – Pièce D – Evaluation socio-économique – RFF – Version E – septembre 2012
[4] : INSEE – https://www.insee.fr/fr/statistiques/2522602 – Historique des populations légales – Recensements de la population 1968-2020 – 29 décembre 2022
[5] : Oloron gagne des habitants, Josbaig en hausse, la Vallée d’Aspe toujours en berne – Gildas Boënnec – La République des Pyrénées – 30 décembre 2022
[6] : Ecole primaire en vallée d’Aspe : effectifs en légère hausse – Odile Isern – La République des Pyrénées – 5 septembre 2012
[7] : Des personnels organisés – Sud-Ouest – 2 septembre 2020
[8] : Regroupement pédagogique d’Accous/Bedous : les maires inquiets – Odile Isern – La République des Pyrénées – 29 janvier 2021
[9] : Suppression de postes au RPI d’Accous : parents et élus se mobilisent – Odile Isern – La République des Pyrénées – 25 février 2021
[10] : Accous-Bedous : les parents d’élèves du RPI en colère et mobilisés – Martine Lacout-Loustalet – La République des Pyrénées – 2 mars 2021
[11] : Une classe menacée de fermeture au sein du RPI Agnos – Gurmençon – Gildas Boënnec – La République des Pyrénées – 1er février 2022
[12] : Accous, Un demi-poste en danger à l’école – La République des Pyrénées – 8 février 2023
[13] : Béarn : deux écoles menacées par des fermetures de postes à Arudy et Accous, Oloron « souffle » – Étienne Czernecka – Sud-Ouest – 1er mars 2023
[14] : Plus de 200 personnes mobilisées à Oloron contre les fermetures de classes en Haut-Béarn – Gildas Boënnec – La République des Pyrénées – 8 février 2022
[15] : Les suppressions de postes annulées à l’école Pondeilh d’Oloron et aux RPI Agnos-Gurmençon et Accous-Bedous – Gildas Boënnec – La République des Pyrénées – 1er mars 2022
[16] : Comment le Haut-Béarn s’adapte à la baisse du nombre d’écoliers – Gildas Boënnec – La République des Pyrénées – 11 avril 2016
[17] : Bedous la réorganisation de la Poste interroge – Odile Isern – La République des Pyrénées – 20 décembre 2021
[18] : Le Géotrain Pyrénéen, un objet géotouristique complexe – Audrey Billerot – Université de Pau et des Pays de l’Adour – 2019
[19] : L’avenir du TER : des transferts sur route ? Idées reçues contre données objectives – FNAUT – Conférence de presse du mercredi 6 février 2013
[20] : Comparaisons autorail – autocar sur des liaisons régionales – Gérard Guyon
[21] : Impact de l’ouverture à la concurrence dans le transport régional ferroviaire de voyageurs sur la consommation d’énergie et sur les émissions de carbone – ADEME – février 2012
[22] : Transports, déplacements et communications pour le Massif central – Volume 4 Scénario de synthèse pour une politique de transports et communications à l’échelle du Massif central – MENSIA – Association pour le développement économique et industriel du Massif central ADIMAC – 3 juillet 2009
[23] : https://carlabelling.ademe.fr/chiffrescles/r/evolutionConsoMoyenne – ADEME Agence de la transition écologique – 2021
[24] : Les transports express régionaux à l’heure de l’ouverture à la concurrence Des réformes tardives, une clarification nécessaire – sous la direction de Didier Migaud, Premier Président – Cour des Comptes Chambres Régionales et Territoriales des Comptes – octobre 2019
[25] : Enquêtes de Région : SNCF : des trains à deux vitesses ? – France 3 Nouvelle-Aquitaine – 18 janvier 2018