Les actualités 2023 de la ligne Pau – Canfranc – Saragosse

31 août 2023 : la commémoration de l’inauguration de la ligne qui se transforme en hommage aux chers disparus, le mirage de l’hydrogène à la fête du fromage

Comme chaque année en juillet, a eu lieu la traditionnelle cérémonie des partisans de la réouverture à l’occasion de la commémoration de l’inauguration de la ligne ferroviaire. Cette cérémonie s’est vite transformée en hommage aux chers disparus, tous se posant la question de savoir qui sera le prochain à avoir droit à sa jolie plaque en gare de Canfranc. Ils étaient tous venus aussi bien du côté français qu’espagnol, tous, enfin presque, car le principal intéressé, à savoir le nouveau président du Gouvernement d’Aragon, Jorge Azcón, n’était pas invité. Certainement un “oubli regrettable”. Pourtant, on aurait tellement aimé assister à la réconciliation entre celui-ci et l’alcade de Canfranc devant la plaque aux chers disparus… Ce sera pour la prochaine fois, peut-être ou peut-être pas ou peut-être jamais ! C’est sûr qu’inviter uniquement les “loosers” du PSOE, du CHA, de Podemos et d’Aragón Existe et oublier d’inviter les “winners” du PP et de Vox ne va pas faciliter les futures relations. Il faudra s’en souvenir l’année prochaine pour éviter un nouvel impair.

Puis ce fût la fête du fromage organisée à Canfranc le 30 juillet pour la seconde année consécutive. Les traditionnels partisans de la réouverture en ont encore profité pour faire leur publicité avec toujours le régional de l’étape venu de sa bergerie de Lescun et qui a proposé qu’ADIF fasse les travaux de Bedous à Canfranc : SNCF Réseau appréciera et saura s’en souvenir à l’avenir…

Après le “comité de soutien à la réouverture” de 2022, on a eu droit cette année à une belle conférence sur l’hydrogène qui est le nouveau graal qui permettrait de sauver la ligne ferroviaire. Il faut dire que devant la quasi impossibilité d’électrifier cette ligne ferroviaire en raison d’un coût exorbitant, il n’y a pas d’autre choix que de trouver une solution technique “propre” pour remplacer le diesel et pour espérer avoir des subventions de l’Europe pour les travaux. Cette solution “propre” serait donc le train à hydrogène, qui est d’ailleurs avant tout un train à batteries avec une pile à combustible alimentée en hydrogène.

Sauf que depuis un an, cette solution de l’hydrogène tant mise sur un piédestal lors de cette fête du fromage est en train de prendre l’eau partout où elle est proposée. Tout est parti de l’analyste Michael Liebreich qui a jeté un froid aux participants du congrès mondial sur l’hydrogène de Rotterdam du 12 octobre 2022 en expliquant que la bulle de l’hydrogène allait bientôt éclater [1]. Précédemment, c’était l’annonce du renoncement de l’agglomération de Montpellier à sa flotte de bus à hydrogène [2] ainsi que l’étude très complète de TTK pour le Land du Bade-Wurtemberg expliquant que le train à hydrogène n’était pas la solution à retenir [3]. Ce fut ensuite la déconfiture de la start-up française Hopium qui abandonne son souhait de réaliser une voiture haut-de-gamme à hydrogène [4]. Mais la douche froide qui a secoué la planète hydrogène est arrivée quatre jours après la conférence de Canfranc avec la décision de l’opérateur LNVG du Land de Basse-Saxe de ne pas commander d’autres trains à hydrogène à Alstom [5] [6] [7] [8]. La raison officielle serait liée aux coûts d’exploitation trop élevés des actuelles automotrices Alstom Coradia iLint. La raison officieuse est liée au manque de fiabilité et de robustesse de ces automotrices qui accumulent les problèmes et qui doivent être régulièrement remplacées par des cars. Cette annonce interroge fortement sur l’avenir de cette filière, particulièrement dans le secteur du ferroviaire.

Tout ceci n’augure rien de bon pour les douze premières automotrices Alstom Régiolis à hydrogène commandées par quatre régions françaises. On attend avec impatience l’année 2025 avec la montée de la rampe des Sauvages près de Tarare pour se faire une opinion sur le devenir de cette technologie pour notre ligne ferroviaire Pau-Canfranc-Saragosse.

[1] Liebreich: ‘Hydrogen is starting to look like an economic bubble – and here’s why’ – Leigh Collins – Hydrogeninsight – 14 octobre 2022
[2] Pourquoi Montpellier abandonne les bus à hydrogène – Michaël Torregrossa – H2 mobile – 17 janvier 2022
[3] Allemagne : une étude ne conseille pas les trains à hydrogène pour le Bade-Wurtemberg – Frédéric de Kemmeter – Railtech.BE – 4 novembre 2022
[4] Automobile : l’avenir se complique pour Hopium et ses voitures à hydrogène, placé en redressement judiciaire – Sud-Ouest – 21 juillet 2023
[5] No more hydrogen trains, Rail company that launched world’s first H2 line last year opts for all-electric future – Leigh Collins – Hydrogeninsight – 3 août 2023
[6] En Allemagne, la Basse-Saxe ne recommande plus de trains à hydrogène, pas assez compétitif – Christelle Guibert – Ouest-France – 8 août 2023
[7] Pourquoi l’Allemagne abandonne le train à hydrogène – Michaël Torregrossa – H2 mobile – 8 août 2023
[8] Les Allemands perdent leurs illusions sur le train à hydrogène – Alexis Riopel – Le Devoir – 9 août 2023

12 juillet 2023 : la subvention de 9M€ de la CINEA pour la poursuite des études, la donne politique qui change en Aragon, les aspois les plus privilégiés de France en matière de transports, le calvaire de la pétition des partisans de la réouverture qui continue

Malheureusement, mais il fallait s’y attendre. La CINEA, le bras armé de l’Europe qui attribue les subventions, a donc accepté de financer 50% des études supplémentaires qui restent à réaliser sur la ligne ferroviaire Pau – Canfranc – Saragosse (projet 22-EU-TG-PCZ 2022) [1]. C’est donc une troisième subvention de 9,094M€ attribuée à la Région Nouvelle-Aquitaine qui s’ajoutent aux deux précédentes. Au total, cela fait donc environ 17M€ de subventions de la CINEA pour des études qui coûteront environ 37M€ ! C’est d’autant plus triste car la CINEA ne financera pas les travaux, et il est fort à parier que tout cet argent soit en définitive jeté à la poubelle ! Encore un beau gaspillage d’argent public. A noter également que la CINEA subventionne l’aménagement du terminal TmZ de Saragosse pour 1,8M€ (projet 22-ES-TG-TmZ750) afin de permettre l’accueil de trains de 750m de longueur.

On peut se demander pourquoi la CINEA accepte cette nouvelle subvention ? Il faut se mettre à sa place et maintenant qu’elle a les pieds et mains liés à cette gabegie, elle peut difficilement se dédire et renoncer. Elle n’a au final, pas d’autres choix que d’accompagner ces études même si elle sait pertinemment que tout cela finira dans le mur. Et puis, que représentent ces 9M€ pour elle ? Elle finance cette année tout de même 6,2G€ de projets, si bien que cette « petite subvention » n’arrive qu’au 63ème rang des 107 subventions et ne contribue qu’à 0,15% du montant global, donc rien du tout ! Quel poids représente cette « petite subvention » de 9M€ à côté des 928M€ attribués aux pays baltes pour la conversion de leur système ferroviaire à l’écartement UIC (projets 22-EU-TG-RBGP Part VIII G et 22-EU-TC-RBGP Part VIII C), aux 700M€ attribués aux travaux du percement du tunnel du Brenner (projet 22-EU-TG-BBT), aux 506M€ attribués aux travaux du canal à grand gabarit Seine – Escaut (projet 22-EU-TG-SEINE- ESCAUT 2.2) ?

A noter également que quatre autres subventions sont attribuées à la région Nouvelle-Aquitaine. Deux subventions de respectivement 32M€ pour les études des lignes nouvelles Bordeaux – Toulouse, Bordeaux – Dax (projet 22-FR-TG-GPSO LN studies) et 27M€ pour les travaux AFSB d’une troisième ligne entre Bordeaux et Saint-Médard-d’Eyrans préalable à la ligne nouvelle Bordeaux – Toulouse (projet 22-FR-TG-AFSB-works-step1), une subvention de 1,2M€ pour la modernisation du pôle multimodal de la gare Saint-Jean de Bordeaux (projet 22-FR-TG-MODERN MULT HUB BSJ) et une subvention de 27M€ pour les études et travaux de la ligne ferroviaire entre Dax et Bayonne (projet 22-FR-TG-CAT-DAX- BAY).
Les autres demandes de subventions liées au RER-M de Bordeaux, au système de transport intelligents des cars express régionaux et à la plateforme multimodale du Centre Européen de Fret de Bayonne-Mouguerre ont été retoqués par la CINEA.

Cette subvention arrive juste au moment où la donne politique change en Aragón. Fini et dehors Javier Lambán et José Luis Soro, les meilleurs amis d’Alain Rousset et de Renaud Lagrave, place désormais à Jorge Azcón du Partido Popular ! En attendant que ce nouveau gouvernement se mette en place en Aragón, les spéculations vont bon train qu’en à l’avenir de la ligne ferroviaire. Le Partido Popular est effectivement pour la réouverture, mais cette posture est avant tout électoraliste. Pas sûr que la volonté du Partido Popular de serrer la vis des finances publiques en Aragón ne soit vraiment compatible avec une politique de réouverture. La précédente mandature du Partido Popular en Aragón de 2011 à 2015 avec Luisa Fernanda Rudi comme chef du gouvernement n’avait pas laissé que des bons souvenirs à la région Aquitaine avec une volonté tiède, voire très tiède, de participer à la réouverture de la ligne ferroviaire. A cela s’ajoutent les relations exécrables entre le futur chef du gouvernement Jorge Azcón et l’alcade de Canfranc, Fernando Sánchez Morales, qui n’ont pas cessé de s’envoyer des invectives et noms d’oiseau en ce début d’année 2023 à propos du contrat très généreux envers le groupe Barceló qui gère l’hôtel Royal Hideaway à la gare de Canfranc.

La commune de Bedous aurait, elle aussi, bien besoin d’une nouvelle donne politique. On se souvient que le maire de Bedous, Henri Bellegarde, avait exhibé une lettre d’un usager de la ligne ferroviaire Pau – Oloron – Bedous lors du comité de ligne du 12 juin 2023 pour se plaindre des conditions d’exploitation, retards et suppressions de trains sur cette ligne ferroviaire. Pour quelqu’un qui est l’un des partisans les plus fervents de la réouverture, c’est tout de même un comble. C’est d’autant plus choquant que ce maire avec ses confrères n’hésite pas à pérenniser le système de Transports à la Demande en vallée d’Aspe avec un investissement de 183k€ jusqu‘en fin d’année 2024 financé à 50% par l’Etat [2] [3]. Et pire, l’intercommunalité du Haut-Béarn va subventionner à hauteur de 48k€ les conducteurs qui adhèrent au système de covoiturage Klaxit [4]. Comble de la malhonnêteté intellectuelle, l’article de La République des Pyrénées nous informe que ce sont les salariés de Safran Landing Systems qui sont les plus intéressés par ce système ! A quoi cela sert-il à la région de se décarcasser à faire des horaires de trains adaptés à la halte de Bidos pour ces salariés qui, de toute façon, utiliseront de préférence le système de covoiturage ???

Donc, pour résumer, si vous faites partie des 11 000 habitants d’Oloron-Sainte-Marie ou des 6 000 habitants d’Oloron à Bedous ou des 1 200 habitants de Bedous au Somport, vous avez le choix pour voyager entre une ligne ferroviaire qui aura coûté plus de 120M€ d’investissement et qui coûte quelques centaines de milliers d’euros d’exploitation chaque année à la collectivité, un service de Transport à la Demande qui coûte quelques dizaines de milliers d’euros chaque année à la collectivité, et un système de covoiturage qui coûte aussi quelques dizaines de milliers d’euros chaque année à la collectivité. Heureux Aspois qui sont certainement les plus privilégiés de France en terme de transports subventionnés !

On pourrait suggérer aussi au maire de Bedous de réfléchir à installer une piste cyclable d’Oloron au Somport, d’installer un téléphérique d’Oloron aux stations de ski du Somport, Candanchu et Astun et passant par tous les villages de la vallée, d’étendre le système de ravitaillement en été des estives par hélicoptères par un système de transport par hélicoptères de tous les habitants et durant toute l’année, de faire installer un aéroport dans le vallon de Bedous pour desservir son village depuis Paris, New York ou Tokyo. Et si ça ne suffit pas, SNCF réfléchit aux trains légers et à l’hyperloop, systèmes que l’on pourrait également installer entre Oloron et le Somport en passant bien évidemment par Bedous… L’important n’est-il pas de désenclaver la vallée d’Aspe toujours et encore !

Et pendant ce temps, le calvaire de la pétition des partisans de la réouverture continue. On se souvient qu’il avait fallu 33 jours pour que cette pétition atteigne 1 000 signataires. Il aura fallu 25 jours supplémentaires pour avoir 100 signataires de plus. Vous ne rêvez pas, après 2 mois d’un long calvaire, la pétition arrive péniblement à 1 104 signatures au 2 juillet 2023 et il y a des jours où il n’y a strictement aucune signature (les 10, 17, 20 et 26 juin). Même la conférence confidentielle à la bibliothèque de Saragosse n’a pas eu l’effet escompté avec seulement 10 signatures de plus. Au rythme où cette pétition avance, l’on se dirige vers une cible, non plus de 1 319, mais de 1 190 signataires puisque la courbe approchée du nombre de signatures répond désormais à l’équation 1190*[1-exp(-nb_jours/20,2)]. Que faire pour éviter une terrible déconvenue tellement cette pétition nous fait pitié au CROC ? Au final, on les aime bien nos partisans de la réouverture, mais ici, c’est vraiment trop dur et on a vraiment beaucoup de peine, de mansuétude et de pitié pour eux. Espérons qu’ils feront signer plein de touristes lors du marché de Bedous où ils seront présents les jeudis matins de cet été ! Il ne reste vraiment plus que cela pour les sauver et les sortir du ridicule…

[1] Transport infrastructure: The European Commission accelerates the shift to sustainable and smart mobility on the TEN-T network with EUR 6.2 billion in grants – European Climate, Infrastructure and Environment Executive Agency – 22 juin 2023
[2] Un essai de 19 mois pour développer le transport à la demande en vallée d’Aspe – Gildas Boënnec – La République des Pyrénées – 17 mai 2023
[3] Bedous : la navette inter-villages change de braquet – Odile Isern – La République des Pyrénées – 29 mai 2023
[4] Haut-Béarn : lancée le 1er juillet, une application de covoiturage va rémunérer les conducteurs – Gildas Boënnec – La République des Pyrénées – 27 juin 2023

12 juin 2023 : comité de suivi 2023 des lignes ferroviaires de l’étoile de Pau, la pire fréquentation depuis 2005 sur Pau – Bedous, la réouverture jusqu’à Canfranc repoussée à 2063 au mieux

Le comité de ligne 2023 des lignes de l’étoile de Pau, toujours autant attendu, a eu lieu ce mardi 30 mai au lycée Saint-Cricq de Pau. Changement de stratégie complète cette année par rapport à l’année 2022, l’exécutif de la Région et de la SNCF a décidé de reprendre les choses en mains : plus question de laisser les commandes au jeune maire fougueux de Labatmale Florent Lacarrère, plus question de laisser Etienne Picher de SNCF Réseau faire des interventions qui font rire et sourire l’assemblée. Cette fois-ci, le Vice-Président du Conseil Régional Renaud Lagrave a décidé de ne rien laisser passer en mettant une chape de plomb sur cette assemblée et en verrouillant la communication. Il était accompagné en cela par du lourd avec Jean-Luc Gary, directeur régional de SNCF Réseau, Hervé Lefèvre, directeur régional de SNCF Voyageurs, Christian Feyssaguet, directeur territorial SNCF Voyageurs accompagné de son adjointe à l’exploitation Delphine Biscaye, Pascal Petel, directeur régional de Gares et Connexions. La Région Nouvelle-Aquitaine était également représentée par Pierre Siguié, responsable de secteur mobilité Sud-Ouest et qui s’occupe de toute l’Aquitaine Sud dont la ligne Pau – Canfranc, pauvre de lui, en attendant que la Région puisse trouver son nouveau chargé de mission.

Rares sont les comités de ligne avec autant de personnalités, il faut dire que le reportage de TF1 du 24 octobre 2022, les actions du collectif « TER, la galère en Béarn », les suppressions permanentes des circulations sur Pau – Oloron – Bedous, commencent véritablement à faire mauvais genre et à faire une publicité dont la Région se dispenserait bien. La trentaine de personnes présentes n’a donc pas entendu une mouche volée et gare à celui qui osait lever le ton. Seul Jean-Luc Gary, certainement fatigué après une longue journée et plus de deux heures de réunion, s’est laissé emporter par une plaisanterie plus que douteuse, voire très douteuse sur les Basques et la qualifiant de « boutade de Béarnais ». Plaisanterie qui n’a fait rire que lui et que les intéressés apprécieront à sa juste valeur.

On passe vite sur l’augmentation de la fréquentation des voyageurs en Nouvelle-Aquitaine, des CPER actuel et futur, de l’augmentation indécente du coût des péages par SNCF Réseau pour arriver au financement des travaux des Lignes de Desserte Fine du Territoire de 30 à 70% par la Région, excepté une ligne qui est financée à 100% par la Région, il s’agit certainement de la section Oloron – Bedous, mais Renaud Lagrave n’a pas osé le préciser !

Puis est présentée la fréquentation en 2022 de la ligne Pau – Oloron – Bedous qui totalise seulement 348 usagers par jour du lundi au vendredi, soit 22 usagers par train en moyenne du lundi au vendredi. Cette valeur de 348 usagers constitue donc une belle baisse d’environ 25% par rapport aux 450 usagers de 2019, et 500 usagers de 2018. Depuis que les comités de ligne existent, le premier ayant eu lieu en 2009, jamais la fréquentation n’avait été aussi mauvaise, et il faut certainement remonter à l’année 2005 pour avoir une aussi mauvaise fréquentation. Qui plus est, lors du premier comité de ligne de 2009, la fréquentation par train était de 26 voyageurs en moyenne, soit plus qu’aujourd’hui ! Ces valeurs véritablement catastrophiques feront dire à Hervé Lefèvre « par rapport à l’an dernier, l’année 2022 est une année mitigée sur le plan de la qualité de la production » et à Christian Feyssaguet « on est stable, il n’y a pas d’augmentation ». Nous divergeons manifestement très fortement avec SNCF Voyageurs sur la notion très qualitative de stabilité et nous soupçonnons fortement que les cadres de SNCF Voyageurs n’ont toujours pas pris la mesure de la catastrophe en cours !

Les mêmes de SNCF Voyageurs se félicitent de la ponctualité des trains sur cette ligne qui serait la meilleure de Nouvelle-Aquitaine. Cependant et pour la première fois, le terme de « suppression pré-opérationnelle » est utilisé, en clair des trains sont supprimés et remplacés par des bus la veille avant 17h00 et ces suppressions ne rentrent pas dans les statistiques de ponctualité et de suppressions opérationnelles. Ce sont ainsi 600 circulations qui ont été supprimées en pré-opérationnel depuis le début de 2023 ! valeur étonnante car elle est supérieure aux nombres de circulation sur cette ligne en 5 mois, mais qui fait dire à Christian Feyssaguet « Pau – Oloron – Bedous, c’est la ligne, une nouvelle fois, qui souffre le plus, … elle excelle en régularité quand ça roule ».

Puis le même Christian Feyssaguet n’a pas manqué d’air quelques minutes plus tard en nous expliquant que « c’est une ligne qui a un trafic peu important pour des raisons structurelles d’infrastructure car c’est de la voie unique ». Et là, on tombe vraiment des nues car c’est tout de même SNCF Réseau (à l’époque RFF) qui a accepté de faire les travaux de réhabilitation et de régénération au rabais en gardant cette voie unique et en supprimant la signalisation pour une exploitation en CAPI et en navette tout en sachant pertinemment ce que ces choix funestes allaient produire à l’avenir : maintenant que nous sommes tous en plein dans le marasme, c’est véritablement l’hôpital qui se moque de la charité.

Jean-Luc Gary est ensuite intervenu pour remercier la Région d’avoir financé les travaux « complexes » sur le viaduc de Lescoudé et dont nous attendons toujours le coût réel de la facture finale. Puis, celui-ci a annoncé des travaux importants à venir près du tunnel de l’Araou qui oblige les automotrices à circuler actuellement à 10km/h. Les travaux se dérouleront d’octobre 2023 à janvier-février 2024 sans fermeture de la ligne, mais en supprimant uniquement une circulation journalière. Il est tout de même choquant de ne pas tout simplement fermer la section Oloron – Bedous pendant seulement 1 mois pour faire ces travaux. D’abord, car cette section n’est utilisée que par une trentaine de voyageurs chaque jour, si bien que sa fermeture ne pénaliserait pas beaucoup d’usagers. Ensuite car des travaux réalisés en situation d’exploitation coûtent 3 à 4 fois plus chers que des travaux réalisés en fermeture de ligne. Pour d’autres lignes de la Nouvelle-Aquitaine à la fréquentation 100 fois plus importante, SNCF Réseau ne se pose pas autant de questions et coupe tout durant plusieurs semaines, quitte à mécontenter plusieurs milliers de voyageurs. C’est une fois de plus la preuve que la Région est prête à toutes les folies et à mettre tous les moyens possibles pour sauver cette section quitte à payer très cher les moindres travaux, SNCF Réseau s’exécutant bêtement puisque ne payant strictement rien.

Par la suite, Pierre Siguié est revenu sur la concertation en cours avec des usagers et des représentants des entreprises Safran Landing Systems, Lindt, l’hôpital d’Oloron, des administrations… afin d’adapter les horaires de fin de journée au départ de Bidos et d’Oloron. On sent bien que cette concertation est une réponse au reportage de TF1 du 24 octobre 2022 où des salariés de Safran Landing Systems expliquaient que les horaires n’étaient pas adaptés à leurs heures de travail. S’en sont suivis trois scénarios de desserte qui sont actuellement à l’étude. On aurait aimé que Pierre Siguié nous rappelle le nombre de fois où les horaires ont été modifiés depuis 2016 pour s’accorder avec les heures de travail des salariés de Safran Landing Systems, sans aucun succès. Il serait temps que la Région comprenne une fois pour toute que les salariés de Safran Landing Systems ne sont pas du tout intéressés par cette ligne ferroviaire.

Tout comme l’année dernière, une usagère abonnée a expliqué « le parcours du combattant » qu’elle vit au quotidien avec circulations supprimées à la dernière minute, bus de remplacement qui partent avec 20 minutes d’avance et qui arrivent à destination avec plus de 30 minutes de retard, négociations avec les lycéens internes munies de lourdes valises pour monter dans les bus,… Un autre usager occasionnel nous a expliqué sa galère d’un train vers Oloron supprimé en raison d’un objet sur la voie, puis l’attente d’un taxi commandé par la SNCF pendant plus d’une heure qui ne viendra jamais, puis sa décision de prendre sa propre voiture et d’emmener avec lui 4 passagers en rade jusqu’à Oloron.

Le maire de Bedous, Henri Bellegarde, a exhibé un courrier d’un des nombreux usagers exaspérés. Cette attitude est vraiment indécente de sa part puisqu’il fut l’un des plus fervents défenseurs de la réouverture d’Oloron à Bedous et est toujours un fervent partisan de sa prolongation jusqu’à Canfranc. A un certain moment, il faut savoir assumer ses erreurs et accepter ses torts car ce n’est pas faute au CROC de l’avoir prévenu que l’exploitation de cette ligne allait être un fiasco total. D’ailleurs, n’est-ce pas ce maire, entre autres, qui étend le « Transport à la demande de la vallée d’Aspe » aux mercredis, jeudis et samedis [1] [2]. Il vient ainsi démontrer que la ligne ferroviaire n’est pas du tout adaptée à la vallée d’Aspe et qu’un simple système de Transport à la demande est beaucoup plus performant et répond beaucoup mieux aux attentes des habitants de la vallée.

En guise de conclusion, cet article se termine avec la retranscription des paroles de la seule personne sensée dans cette assemblée et qui a tout compris depuis longtemps, l’adjoint au maire de Jurançon Pierre Hamelin. Celui-ci n’a pas hésité à lancer un pavé dans la mare en déclarant : « Après, la question du train ligne 55 par rapport à la population à desservir et la masse critique de clientèle, c’est pas moi qui vais réinventer la poudre, j’aurais d’autres choses à dire mais en tant qu’usager, je le mettrais ailleurs, je pense que jusqu’à Bidos, avec Safran et d’autres, ça a sans doute un peu de sens, après peut-être qu’une voie verte aurait attiré des milliers de personnes et des touristes et participé davantage à l’économie montagnarde ». Autant dire que Renaud Lagrave n’a pas vraiment apprécié cette intervention et l’a clairement fait savoir. Heureusement que l’adjoint au maire a précisé qu’il s’exprimait à titre personnel, car sinon la commune de Jurançon se serait vue immédiatement sucrer toutes ses subventions et aides de la part de la Région…

Nous aurions dû nous arrêter là, sauf qu’est intervenu en toute fin de séance un scoop énorme de Jean-Luc Gary qui est passé totalement inaperçu et qui est pourtant lourd de conséquences puisque celui-ci a dit textuellement : « L’ERTMS on ne le verra pas, ni vous, ni moi et un certain nombre d’entre nous ici, mais les plus jeunes oui bien sûr, d’ici 40 ans vraisemblablement sur cette partie du réseau » et tout cela avec l’approbation et l’acquiescement de Renaud Lagrave. Nous qui pensions que l’ERTMS allait être installé sur la ligne ferroviaire Pau – Canfranc – Saragosse dès sa réouverture en 2027 comme mentionné dans les études de convergence, Jean-Luc Gary et Renaud Lagrave nous annoncent abruptement que cette opération est renvoyée à une date ultérieure et vraisemblablement pas avant 2063. Et pourtant, sans ERTMS ou sa déclinaison NExTRegio ETCS, pas de continuité ferroviaire possible à Canfranc et donc pas de réouverture. Est-ce à dire que dans la tête de SNCF Réseau, mais aussi de Renaud Lagrave, la réouverture de la ligne ferroviaire est une chimère sur laquelle plus personne désormais ne croit ???

[1] Un essai de 19 mois pour développer le transport à la demande en vallée d’Aspe – Gildas Boënnec – La République des Pyrénées – 17 mai 2023
[2] Bedous : la navette inter-villages change de braquet – Odile Isern – La République des Pyrénées – 29 mai 2023

7 juin 2023 : la pitoyable pétition des partisans de la réouverture arrive enfin à 1 000 signatures plus d’un mois après sa diffusion !

Que ce fût long ! Que ce fût pénible ! Que ce fût laborieux ! Que ce fût difficile ! Que ce fût ardu ! Mais enfin, après 33 jours d’un long chemin de croix, la pitoyable pétition des partisans de la réouverture a enfin passé le cap des 1 000 signataires. On est bien loin de la pétition de juin 1977 qui avait réuni 4 500 signatures, à une époque où les réseaux sociaux, internet et autres moyens de communication modernes n’existaient pas.

Notre chère association des partisans de la réouverture, au bord de l’apoplexie et ne sachant plus quoi faire pour se faire remarquer, n’a rien trouvé de mieux que de lancer une pétition sur internet. Mal leur en a pris ! Tout avait bien commencé le 3 mai avec le lancement de la pétition suivi les deux jours suivants d’une information avec une belle photo tenant sur un quart de page dans les deux journaux locaux et leurs sites internet. Les membres de cette association, leurs familles, amis et voisins se précipitaient pour signer si bien que les 500 signatures furent atteintes en une semaine. La suite fut plus compliquée avec un calme plat et une indifférence générale. Même l’encart dans la Vie du Rail du 19 mai ne fit pas l’effet escompté : à croire que les cheminots actifs et retraités ne s’émeuvent même plus de cette ligne ferroviaire : un comble ! Il a alors fallu appeler à la rescousse l’association espagnole et amie par deux fois pour sauver le soldat Canfranc. Si bien qu’à partir du 25 mai, ce ne furent quasiment que des Espagnols qui signèrent cette pétition, dont une bonne partie ne sachant sûrement pas lire le texte en français. Et au rythme où les choses avancent, c’est un objectif bien faible de 1 319 signataires que peut espérer notre chère association.

Parlons-en d’ailleurs du texte : il faudrait peut-être que les partisans de la réouverture lisent les études de convergence une fois pour toute et arrêtent de raconter des bobards. Si la réouverture devait se faire, ce serait sans électrification, avec 2 trains de marchandises quotidiens, voire 6 en 2050, avec 4 trains internationaux de voyageurs quotidiens uniquement entre Pau et Saragosse, avec des tunnels au gabarit GB en Espagne. On sera donc très loin des 50 trains par jour, 300 000 voyageurs et 1,5Mt de marchandises tractés par des engins de traction électrique.

Quant aux commentaires qui accompagnent les signatures, certains laissent songeurs, entre nostalgie, délire environnemental, narcissisme et envolées lyriques. Voici un florilège de quelques commentaires parmi les plus délirants, fautes d’orthographe comprises : « Justice sociétale, environnementale, sanitaire, pour le respect de notre vaisseau la Terre & le bien-être du vivant, de son environnement avec tte sa biodiversité… », « Je suis pour, car j’ai connu et emprunté cette ligne jusqu’à Canfranc, il y a bien longtemps », « Par amitié pour Jean Luc Palacio? », « Pour avoir moins de camions en vallée d’Aspe », « C’est mieux pour la planète », « La réouverture de cette ligne est indispensable dans un contexte aussi urgent que le réchauffement climatique. Elle mettrait en outre un frein aux milliers de camions transitants chaque année par cette magnifique vallée d’Aspe et stimulerait nos échanges économiques et culturels entre nos deux », « Parce que j’ai un ami à Zaragoza et que ça nous faciliterait la vie….! », « je voudrais prendre la ligne ferroviaire pour aller à SARAGOSSE », …

Avril-mai 2023 : aussi mauvais en Occitanie qu’en Nouvelle-Aquitaine

L’actualité est bien calme en ce printemps 2023 sur la ligne Pau – Canfranc – Saragosse. Il faut dire que tout le monde attend avec impatience la réponse de la CINEA à la demande de subvention de 50% des études complémentaires chiffrées à 18,2M€, réponse attendue au mois de juin.

Très calme le recrutement d’“Un Chargé ou Une Chargée de Mission ligne ferroviaire Pau-Canfranc-Saragosse”. La Région n’arrive toujours pas à trouver son mouton à 5 pattes capable de défendre la réouverture de la ligne ferroviaire. Il faut dire aussi que les chances de réussir cette mission sont proches de zéro. On comprend que les candidats ne se bousculent pas pour assurer une mission dont l’issue se termine par un échec certain. C’est pourquoi une nouvelle offre d’emploi a été publié le 17 avril 2023 après celle du 4 janvier 2023.

Calme également l’activité sur la ligne Pau – Oloron – Bedous : les grèves à répétition des agents de la SNCF font qu’une partie non négligeable des circulations sont annulées et remplacées par des autocars : les usagers ne s’en émeuvent même plus, tellement cette situation est désormais devenue banale. Ce sujet sera certainement à l’ordre du jour du prochain comité de ligne prévu le 30 mai 2023 à Pau.

Un peu moins calme à l’Hôtel Barceló Royal Hideaway de la gare de Canfranc qui a perdu une occasion de se faire remarquer en donnant un nom très douteux à l’un de ses cocktails. Quelques clients s’en sont émus, la carte des cocktails a vite été modifiée, mais le mal est fait. Sûr que le barman ou la barmaid qui a eu cette idée saugrenue va passer un mauvais quart-d’heure.

Pas du tout calme chez les partisans de la réouverture qui sont au bord de l’apoplexie et qui ne trouvent rien de mieux que de faire une pétition tellement la panique est en train de les gagner. Le premier de nos politiciens locaux en avait parlé lors de la fête du fromage de juillet 2022 à Canfranc mais n’a jamais été capable de la mettre en œuvre. Ce sont donc les partisans de la réouverture qui s’y collent avec pas vraiment de succès, mais l’important est toujours de faire parler de soi.

Mais c’est de l’autre côté de la frontière régionale que nous amène l’actualité importante de ce mois. La Région Occitanie, dont les politiciens sont manifestement aussi mauvais qu’en Nouvelle-Aquitaine, traîne des pieds et ne cesse de tergiverser pour faire rouvrir la section au fret entre Tarbes et Bagnères-de-Bigorre et demandée avec insistance par CAF à Bagnères-de-Bigorre. Il faut dire que transporter par camions des rames de trains de Bagnères à Tarbes ne fait vraiment pas sérieux pour une entreprise ferroviaire. Résultat des courses : le premier marché des 28 automotrices Oxygène (Confort 200) destinées au POLT en 2024 seront fabriquées à Reichshoffen alors qu’il était initialement prévu de les fabriquer à Bagnères. Il en sera certainement de même pour la seconde tranche optionnelle de 75 automotrices pour les TET. Tant mieux pour les Alsaciens, tant pis pour les Bigourdans à qui l’on avait promis plusieurs centaines d’emplois… Le site de Bagnères sera affecté à fabriquer uniquement les tramways CAF destinés au marché français. Vu l’ultra domination de ce marché par Alstom en France, ce ne sont pas les quelques rames de tramways à construire pour les agglomérations de Montpellier et Marseille qui vont assurer un long plan de charge à CAF : clairement le site de Bagnères est sur la sellette et sa pérennité n’est pas assurée.

Alstom à Tarbes n’aura même pas eu besoin de savonner la planche de CAF à Bagnères-de-Bigorre, les politiciens d’Occitanie s’en sont chargés eux-mêmes.

24 février 2023 : le rapport final du COI, une deuxième banderille qui fait mal, mais vraiment très mal

Il ne s’était pourtant strictement rien passé depuis le 6 janvier, jour où la deuxième banderille, le rapport préliminaire du Conseil d’Orientation des Infrastructures, avait fuité dans la presse (voir le post sur l’actualité du 31 janvier 2023). 

Puis, depuis quelques jours, tout s’emballe avec la publication du rapport définitif [1] [2]. Les aragonais s’énervent du refus de l’Etat français d’investir dans les travaux de réhabilitation de la section Pau – Canfranc [3] [4] [5] [6]. Le Président du Conseil Régional de Nouvelle-Aquitaine souligne que l’Etat français avait pourtant participé à la signature de son machin à Saragosse le 28 février 2022, le Groupement Européen d’Intérêt Economique [7]. Il oublie cependant de dire que ce jour à Saragosse, l’Etat français était représenté par M. Amoussou-Adéblé, qui est seulement Secrétaire Général pour les Affaires Régionales de Nouvelle-Aquitaine : il y a certainement mieux pour représenter l’Etat français (voir le post sur l’actualité du 28 février 2022). Et ne parlons même pas du comité de suivi du 24 mars 2022 où l’Etat français était représenté par une illustre inconnue de la DGITM (Direction Générale des Infrastructures des Transports et des Mobilités), certainement plus intéressée par aller dire bonjour à sa famille au bassin d’Arcachon que de s’occuper de ce dossier sans beaucoup d’intérêt pour elle (voir le post sur l’actualité du 24 mars 2022). La presse ferroviaire internationale en vient d’ailleurs à se demander si la France n’est pas en train de renoncer définitivement à Pau – Canfranc – Saragosse [8]. En effet, la priorité du Gouvernement est désormais donnée à la modernisation du réseau ferré et aux RER métropolitains, à savoir transporter des dizaines de milliers de voyageurs vite et fréquemment. Certains ne comprennent toujours pas que transporter des voyageurs qui se comptent sur les doigts d’une main dans une rame dont la vitesse oscille entre 30 et 60km/h et avec 2 aller-retour par jour ne soit pas une priorité ! D’ailleurs, cela a-t-il été un jour une priorité pour l’Etat français ?

Quoiqu’il en soit, on ne se lasse pas de lire et relire la page 77 du rapport annexe du COI [2] tellement cette page a un certain caractère jouissif. Et pour vous faire partager notre émotion, nous vous la présentons ici, vous épargnant d’aller la chercher dans le document :

1.20 Réouverture de la ligne ferroviaire Pau Canfranc Saragosse

La liaison ferroviaire internationale (voyageurs et fret) entre Pau et Saragosse via le col du Somport a été interrompue en 1970, à la suite d’un accident ferroviaire qui a détruit le pont de l’Estanguet. En 2003, le tunnel routier du Somport sur la RN134, parallèle au tunnel ferroviaire, a été mis en service. La ligne ferroviaire a été remise en service jusqu’à Oloron, puis sur 25 km supplémentaires jusqu’à Bedous en 2016. 33 km de ligne de Bedous à Canfranc restent fermés. La ligne est inscrite au réseau global du RTE-T Européen.

Le projet consiste en la réactivation de la ligne, avec mise au gabarit GB (permettant le passage du fret et de conteneurs) de Pau à Canfranc, l’adaptation des ouvrages d’art et de l’armement de la ligne pour des convois à 22,5 tonnes à l’essieu, l’aménagement des gares et haltes desservies, la suppression de passages à niveau, la modernisation de la signalisation et des télécommunications sur l’ensemble de la ligne. L’électrification des voies est envisagée dans un second temps. La ligne côté espagnol, restée en activité, fait également l’objet de travaux successifs, avec la perspective de mise à l’écartement UIC de la section Huesca – Canfanc.

Avis COI 2018 : Même si le projet pourrait présenter un intérêt en matière de fret ferroviaire avec la desserte de la plateforme de Saragosse (ce dont doutent toutefois certains membres du Conseil) et bénéficie de financements européens au titre de son caractère transfrontalier, il s’agit avant tout d’une infrastructure d’intérêt local dont le caractère prioritaire pour l’Etat n’apparait pas clairement au Conseil. Alors que les financements de l’Etat sont insuffisants pour satisfaire l’ensemble des besoins et après analyse comparative des enjeux des différents investissements qu’il a eu à considérer, il ne considère pas utile à ce stade de mobiliser des financements nationaux pour ce projet.

L’Etat français, la région Nouvelle Aquitaine, le gouvernement espagnol et le gouvernement d’Aragon (« groupe quadripartite ») ont signé le 28 février 2022 à Saragosse une déclaration commune sur la poursuite du projet « rétablir les liaisons manquantes entre la France et l’Espagne : tronçon ferroviaire transfrontalier Pau-Saragosse ». Cette déclaration a validé les spécifications techniques et prévu la création d’une structure commune pérenne pour piloter et coordonner les principales missions nécessaires à la concrétisation du projet, sous la forme d’un Groupement Européen d’lntérêt Economique (GEIE). Le projet est actuellement en phase d’études d’avant-projet côté français et d’études préliminaires côté espagnol (Urdos – Canfranc, comprenant le tunnel du Somport transfrontalier). Les études sont financées par l’Union européenne à hauteur de 50% dans le cadre du MIE, la part française est apportée par la région Nouvelle-Aquitaine. Une première estimation du coût du projet, réalisée en 2020, s’établit entre 360 et 480 M€2019, estimation non encore validée par les partenaires français qui s’attendent à un montant supérieur. Le financement des aménagements de sécurité concomitants du tunnel routier du Somport et du tunnel ferroviaire (qui en constitue l’issue d’évacuation) constituera un point d’attention. Le financement des travaux est recherché à hauteur de 50 % par des fonds européens. L’actualisation des prévisions de trafic voyageurs et des projections de trafic fret a été conduite en 2022 et devrait être poursuivie par des études socio-économiques en 2023. Les études de trafic réalisées en 2022 montrent un trafic interne France présentant un gain de l’ordre de 29 000 voy/an (82% de report, 18% induit) pour un trafic total de 174 000 voy/an, un trafic international de 171 000 voy/an (93% de report, 7% induit) et un trafic fret (céréales, conteneurs) avec 6% à 11% de report modal à la mise en service. Le projet réutilise les emprises existantes, mais désaffectées depuis plus de 50 ans, et le tracé traverse de nombreuses zones de très forte richesse et sensibilité environnementales (parc national des Pyrénées, 12 ZNIEFF, etc.) qui demanderont une attention particulière. Son impact indirect (limiter le trafic routier, et éviter des accidents de poids lourds, tels que celui qui a conduit à une pollution du gave d’Aspe en 2018) est à évaluer en fonction du coût carbone à la construction et du report modal

Le COI confirme en l’absence d’éléments nouveaux la position prise par le COI2018 de ne pas mobiliser de financements nationaux pour ce projet.

On peut d’ailleurs remarquer qu’il n’y a eu strictement aucune modification du texte entre la version officieuse qui a été publiée le 6 janvier 2023 et la version officielle publiée ce 24 février 2023 [1] [2]. Cela en dit très long sur la perte d’influence du Président du Conseil Régional de Nouvelle-Aquitaine, actuellement englué dans la LGV Bordeaux – Toulouse / Dax avec sa taxe qui ne passe pas auprès des citoyens et collectivités locales, car on se doute que les coups de téléphones n’ont pas manqué et les réseaux d’influence et de lobbying ont dû être activés pour tenter de faire modifier le texte durant cette période de 2 mois.

Le rapport du COI ne se limite pas qu’à la réouverture de Pau – Canfranc – Saragosse. Exemple, le rapport de synthèse [1] explicite en page 45 les projets susceptibles d’être éligibles au MIE 2021-2027 et financés par la CINEA. Ainsi, sur les 11,3G€ alloués aux pays à PIB élevés, la France est susceptible d’en demander 5G€, soit presque la moitié, et ceci pour la liaison ferroviaire Lyon-Turin, le canal Seine-Nord Europe, la LNPCA, Roissy-Picardie, LNMP, Massy-Valenton, GPSO,… Autant dire que la DGITM n’appuiera pas une quelconque demande de subvention pour la ligne Pau-Canfranc-Saragosse, de peur d’entraver les subventions pour ces projets autrement plus importants et stratégiques.

D’autre part, le rapport de synthèse [1] souligne en page 46 la nécessaire maturité des projets à présenter à la CINEA : « La maturité des dossiers est un critère essentiel : il ne sert à rien de présenter des dossiers avant de respecter ce critère. » Et c’est ainsi que nous nous sommes bien trompés dans notre post sur l’actualité du 31 janvier 2023 en parlant d’une troisième banderille, à savoir l’absence de dépôt de demande de subvention à la CINEA pour l’année 2023. Nous pensions bêtement que la Région Nouvelle-Aquitaine et l’Aragon allaient prendre leur temps à déposer un dossier en janvier 2024, le temps d’embaucher un nouveau chargé de mission, d’attendre que le rapport du COI soit quelque peu digéré et oublié, et de monter un dossier bien mature.

Que nenni, un dossier a bien été déposé à la CINEA au 18 janvier 2023 ! On peut donc se poser de sérieuses questions sur sa maturité, d’autant plus que le coût des études supplémentaires à subventionner ne s’élève pas à 10M€ comme annoncé précédemment, mais à 18,2M€, 18 188 384€ exactement [9] [10] [11], on ne peut pas être plus précis !

Après les 14,71M€ de l’étude “Etablir les liaisons manquantes entre la France et l’Espagne : Etudes pour la réhabilitation du tronçon ferroviaire transfrontalier Pau-Saragosse” financée par l’INEA à hauteur de 50% sous la référence 2016-EU-TA-0210-S, auquel l’on peut rajouter au minimum 0,4M€ d’avenants payés cash par la Région Nouvelle-Aquitaine,

Après les 1,1M€ de l’étude “Etude pour la réouverture du tunnel ferroviaire du Somport” financée par l’INEA à hauteur de 32% sous la référence 2019-EU-TA-0040-M,

Ce sont donc 50% d’une étude d’un montant de 18,2M€ qui vont être demandés à la CINEA, ce qui fait un coût total des études de 37M€ pour 33km de voie à regénérer ! Il faut vraiment n’avoir peur de rien, et surtout pas peur de se ridiculiser, pour oser demander une subvention pour une étude dont l’on sait, d’ores et déjà, que les travaux ne seront pas financés par son principal et indispensable contributeur, à savoir l’Etat français et que les travaux ne seront pas subventionnés par la CINEA en raison d’un planning intenable… La CINEA appréciera à sa façon la maturité de cette demande, mais il ne faudra pas s’étonner d’avoir un refus poli mais ferme au mois de juin prochain : cette fois ci, ce ne sera pas une troisième banderille, mais un véritable coup d’épée synonyme de coup de grâce !!!

[1] Investir plus et mieux dans les mobilités pour réussir leur transition Rapport de synthèse : stratégie 2023-2042 et propositions de programmation – COI Conseil d’Orientation des Infrastructures – Décembre 2022

[2] Investir plus et mieux dans les mobilités pour réussir leur transition Rapport annexe : compléments sur les programmes et revue de projets – COI Conseil d’Orientation des Infrastructures – Janvier 2023

[3] Francia no contempla invertir a corto plazo en la reapertura del tren Pau-Canfranc-Zaragoza – Ramón J. Campo – Heraldo de Aragon – 22 febrero 2023

[4] Ligne Pau-Canfranc : un rapport ministériel français recommande de ne pas investir, les Espagnols fulminent – Marie-Lilas Vidal et Etienne Czernecka – Sud-Ouest – 22 février 2023

[5] Les Espagnols fulminent face à un rapport ministériel français – Marie-Lilas Vidal et Etienne Czernecka – Sud-Ouest – 23 février 2023

[6] Un rapport conseille à l’état de ne pas mobiliser de financements – La République des Pyrénées – 22 février 2023

[7] Rapport du COI sur la ligne Pau-Canfranc : Alain Rousset pointe les contradictions de l’État – Etienne Czernecka – Sud-Ouest – 22 février 2023

[8] Is France giving up on this border crossing with Spain – Marco Raimondi – Railtech.com – 24th of February 2023

[9] España y Francia piden 18 millones de euros a la UE para el Canfranc – H. A. – Heraldo de Aragon – 22 febrero 2023

[10] Nueva solicitud de fondos para la reapertura de la línea internacional de Canfranc a través del Mecanismo Conectar Europa – Aragón Hoy – 22 febrero 2023

[11] La reapertura de la línea de Canfranc opta a 18 millones de fondos europeos – El Periódico de Aragón – 22 febrero 2023

31 janvier 2023 : une inauguration sans tambour ni trompettes… et trois banderilles qui font très mal

L’année 2023 devait pourtant bien commencer.

A tout seigneur, tout honneur, c’est l’hôtel Barceló Royal Hideaway à la gare de Canfranc qui a eu droit le 27 janvier à une inauguration sans tambours ni trompettes et dans la discrétion. Théoriquement, c’est la faute de la neige qui a retardé l’inauguration. En pratique, une polémique commence à sérieusement enfler en Aragon à propos du très avantageux contrat accordé au groupe Barceló. Cette société paiera à l’Aragon les sommes ridicules de 0€ en 2023, 100 439€ en 2024, 200 879€ en 2025, 301 319€ en 2026, 303 428€ en 2027 puis ce montant augmentera de 0,7% chaque année pour atteindre 474 178€ en 2091, soit dans 69 ans et ceci sans actualisation, autant dire que tout sera mangé par l’inflation. On peut y ajouter l’opacité du contrat qui fait penser que le groupe Barceló, groupe pas vraiment reconnu pour son altruisme, sa philanthropie et sa bienveillance, a certainement demandé quelques garanties en cas d’échec de la fréquentation. 

On ne peut que se réjouir effectivement que le bâtiment soit sauvé de la ruine et de la décrépitude, mais en faire un hôtel de luxe dans cet endroit improbable où il n’y a strictement rien à faire, souvent dans le brouillard et rarement ensoleillé, c’est vraiment prendre de très gros risques. Ceux qui ont eu l’occasion de fréquenter les hôtels Royal Hideaway en Andalousie ou aux Canaries remarqueront que l’hôtel de Canfranc usurpe quelque peu cette dénomination. Autant l’on peut passer une semaine au soleil dans les premiers, autant rester deux jours à Canfranc relève quasiment de l’exploit. Une fois terminée la période où tous les ferrovipathes et passionnés d’histoire auront passé ces deux jours, qui pour fréquenter cet hôtel de luxe ? Il n’y aura aucune clientèle affaires faute d’industries et d’activités commerciales à Canfranc. Les riches Aragonais et Espagnols choisiront toujours les hôtels de Baqueira-Beret, de Grandvalira ou de la Sierra Nevada situés au pied des pistes, ou les hôtels en Andalousie et aux Canaries pour chercher le soleil. Quant à faire de Canfranc, une station aussi huppée et fréquentée par la jet-set que le sont Megève, Courchevel, Gstaad, Zermatt ou Cortina d’Ampezzo, il vaut mieux oublier… 

Précédemment cette inauguration, le Président du Conseil Régional s’en est allé une fois de plus faire du lobbying à Bruxelles le 24 janvier 2023 pour s’assurer que l’Europe financera bien la LGV Bordeaux-Toulouse/Dax. A-t-il glissé quelques mots à Herald Ruijters à propos de Pau – Canfranc – Saragosse ? Pas sûr, car le fiasco des études actuelles devrait lui requérir de l’humilité et de la discrétion. Et finalement, vues les difficultés de faire accepter la LGV par certains élus locaux et la population, la bonne stratégie envers l’Europe ne serait-elle pas de sacrifier Pau – Canfranc – Saragosse pour obtenir les subventions de l’Europe pour la LGV ?

Cela ne l’empêche pas, avec les partisans de la réouverture, d’évoquer la Déclaration d’Utilité Publique qui devrait se réaliser en 2023 ou 2024. On parle déjà d’une réouverture pour 2028, soit un siècle après l’inauguration triomphale de juillet 1928. Quel beau symbole ! Et plutôt que de se poser des questions sur ces dates extravagantes, on palabre encore et encore sur l’inscription de la ligne ferroviaire Pau – Canfranc – Saragosse au Patrimoine Mondial de l’Unesco : rien que cela ! Après tout, la ville du Havre, qui partage avec Lorient et Brest le podium des trois villes reconstruites d’après-guerre les plus laides de France, est bien inscrite au Patrimoine Mondial de l’Unesco, alors pourquoi pas la ligne Pau – Canfranc – Saragosse ? 

Et puis soudainement en ce mois de janvier, 3 banderilles, à première vue inaperçues, donnaient un début de coup de grâce à cette réouverture.

La première banderille arrivait le 4 janvier 2023 : c’est ce jour que la Région publiait une offre d’emploi pour “Un Chargé ou Une Chargée de Mission ligne ferroviaire Pau-Canfranc-Saragosse”. Tout est à refaire sur ce poste hautement stratégique et éjectable. Pourtant, le précédent avait été embauché à grand renfort de publicité le 1er juillet 2021. Il aura tenu 9 mois avant de jeter l’éponge ou d’être débarqué, un peu des deux, de son poste. Il faut donc tout recommencer pour pourvoir le poste en avril 2023. Cette fois-ci, la Région recherche un profil technique qui a une “Très bonne connaissance du domaine des transports et des infrastructures ferroviaires”, cela change de la précédente offre. Au final, l’on doit en être au moins à 4 fonctionnaires territoriaux qui ont été usés par cette mission et qui ont rarement tenu chacun plus de deux années. A croire que ce poste, à l’image de cette ligne ferroviaire, est maudit.

La deuxième banderille arrivait le 6 janvier 2023 : initialement, elle devait arriver en décembre 2022, mais pour ne pas faire de peine aux partisans de la réouverture qui croient toujours et encore au Père Noël, elle est arrivée quelques jours plus tard. Car c’est du lourd, du très lourd ! C’est en effet ce 6 janvier 2023 qu’a été fourni aux journalistes sous la forme d’un document de travail le rapport préliminaire du Conseil d’Orientation des Infrastructures présidé par le député des Vosges David Valence. Sous la présidence d’un grand défenseur et partisan du ferroviaire à l’origine de la réouverture de la ligne Epinal – Saint-Dié-des-Vosges (voir l’article “Vidéos et articles sur la ligne” du 28 août 2022), on pouvait penser que le Conseil d’Orientation des Infrastructures allait changer quelque peu d’orientation par rapport à la ligne intransigeante de Philippe Duron et allait accorder un certain crédit à la réouverture de la ligne Pau – Canfranc – Saragosse. C’était certainement ce que pensait Renaud Lagrave en accueillant les membres du Conseil le 18 novembre 2021 à Bordeaux pour présenter les projets d’infrastructure de la Région Nouvelle-Aquitaine. Il n’en est absolument rien et la conclusion du rapport est cinglante : “Le COI confirme en l’absence d’éléments nouveaux la position prise par le COI2018 de ne pas mobiliser de financements nationaux pour ce projet.” Avec une telle assertion, la messe est dite…

La troisième banderille arrivait le 18 janvier 2023 à 17h00 : c’est ce jour et à cette heure que s’établissaient la date et l’heure limites pour déposer une demande de subvention à la CINEA au titre du MIE 2022-2027. La Région n’a pas voulu prendre de risques en se précipitant à déposer le dossier lié à la nouvelle demande d’une subvention de 5M€ pour les 10M€ d’études restantes à réaliser. Le risque est certainement trop grand de se faire retoquer. Avant toute chose, il vaut mieux préparer la CINEA à digérer le retard supplémentaire des études de deux années et le besoin de financement supplémentaire associé. Et puis, il y a un sacrifice à faire pour avoir la LGV. Tout ceci explique le besoin d’embaucher au plus vite un nouveau chargé de mission afin de préparer, d’informer puis de déposer le dossier en janvier 2024. Après ceux de 2022 et 2023, ce troisième appel sera le dernier pour participer au MIE 2022-2027. Si le dossier n’est pas déposé ou s’il est retoqué, il faudra attendre que la CINEA fasse un nouvel MIE, pas avant 2028, pour espérer avoir des subventions de l’Europe.

Avec ces trois banderilles portées coup sur coup, le projet de réouverture n’est toujours pas mort, mais que son agonie est longue… reste plus que l’inscription au Patrimoine Mondial de l’Unesco pour la sauver.