Quel trafic de marchandises envisageable
sur la ligne Pau – Canfranc – Saragosse ?
“אַשְׁרֵי אָדָם, מָצָא חָכְמָה; וְאָדָם, יָפִיק תְּבוּנָה
כִּי טוֹב סַחְרָהּ, מִסְּחַר-כָּסֶף; וּמֵחָרוּץ, תְּבוּאָתָהּ”
14-13.3 משלי
N’est-il pas encore temps de trouver la sagesse plutôt que de vouloir gagner de l’argent à tout prix, ou tout au moins espérer en gagner, en rouvrant au trafic de marchandises la ligne Pau – Canfranc – Saragosse ? Ce proverbe doit inciter à la sagesse, mais également à la prudence et à la raison. Comme décrit par la suite, le potentiel de marchandises susceptibles d’être transportées par la ligne ferroviaire reste bien faible et doit être absolument confirmés par les entreprises locales. Confirmés non par un vague soutien de façade, mais par des engagements fermes sur des volumes de marchandises et des quantités de circulation.
Résumé de l’article
Cet article analyse la décroissance régulière du trafic de marchandises en France ces dernières décennies, ainsi que le faible trafic de marchandises par rail en Espagne qui reste marginal par rapport au trafic par mer et par route. Un ferroutage de type autoroute ferroviaire est abandonné par les études actuelles d’avant-projet en raison du faible gabarit des tunnels et de la nécessité de les équiper de systèmes de sécurité. Un transport combiné de type caisses mobiles ou containers est peu probable en raison de l’absence d’électrification de la ligne et de l’impossibilité d’avoir des trains de 750m. Il reste donc un trafic de fret classique sous forme de coupons de wagons ou de wagons isolés à courte distance et de dimension locale. L’article analyse l’ensemble des entreprises locales susceptibles d’utiliser la ligne pour leur transport de marchandises pour en conclure que seules 6 entreprises pourraient éventuellement utilisées cette ligne ferroviaire, et de manière épisodique pour 4 d’entre elles. Dans l’état actuel des choses, il n’existe certainement pas le potentiel pour transporter, ne serait-ce que 1Mt de marchandises chaque année.
Version initiale du 14 octobre 2021, dernière mise à jour au 19 mars 2022
En France, un trafic de marchandises en constante décroissance
Malgré les volontés politiques et les nombreux plans de relance successifs, force est de constater que le trafic de marchandises en France n’est pas au beau fixe et est en décroissance constante. Sa part de marché est aujourd’hui à peine de 10%, il est loin le temps d’avant le premier choc pétrolier où le rail trustait la moitié du trafic total de marchandises. Les raisons de ce déclin sont multiples et connues : fermetures des mines de charbon et de fer, déclin de l’industrie, manque de synergie avec les ports, péages élevés, manque de voies banalisées, manque d’itinéraires fret alternatifs, manque de voies électrifiées, embranchements particuliers mal entretenus, gabarits restreints, plages travaux de nuit incessantes, mouvements sociaux fréquents… L’incident de Rastatt du 10 août 2017 a d’ailleurs montré l’incapacité de la France a fourni des sillons alternatifs aux chargeurs d’Europe du Nord et d’Italie pour trouver un itinéraire de contournement. Tous ces facteurs ont pour effet de détourner les chargeurs du transport ferroviaire. L’ouverture à la concurrence n’a pas eu l’effet souhaité, puisque certains opérateurs ferroviaires de fret ont renoncé au marché français et les autres se positionnent uniquement sur les marchés à haute valeur ajoutée.
En Espagne, une situation bien pire
La situation du trafic de marchandises est différente et pire en Espagne. L’Espagne est le pays où le trafic du fret ferroviaire est le moins développé en Europe avec l’Irlande et la Grèce. Moins de 2,5% des marchandises transitent par le rail. La décroissance est constante depuis les années 2000 et est pire que dans les autres pays européens. L’Espagne a fait le choix de privilégier le trafic de marchandises par la route en développant considérablement ses infrastructures routières avec la construction de plus de 13 000km d’autoroutes et de voies rapides pour la plupart gratuites.
Le fret ferroviaire se concentre principalement d’Albacete à Madrid, puis de Madrid à Miranda de Ebro, de Cerbère à Barcelone puis Madrid, de Castejon à Casetas puis Madrid. Le trafic reste faible avec souvent moins de 30 circulations par jour sur chacune de ces lignes. Le trafic avec le Portugal ne concerne qu’une dizaine de circulations par jour. Le trafic avec la France reste marginal et passe principalement par Hendaye, Portbou avec pour chaque une vingtaine de circulations par jour et, dans une moindre mesure, par le tunnel du Perthus. Ces échanges transfrontaliers représentent 3,6Mt/an en 2017 et se font à 46,3% vers l’Allemagne, 22,4% vers la Belgique et 18,1% vers la France [1]. Ainsi, une grande majorité des trains suivent le couloir rhodanien, la Franche-Comté et la Lorraine. Concernant la France, les échanges sont à 96% des exportations de la France vers l’Espagne et à seulement 4% des exportations de l’Espagne vers la France [1]. Ces 3,6Mt/an transportés par rail au travers des Pyrénées sont à comparer avec les 109,4Mt/an transportés par la route et les 159,9Mt/an transportés par la voie maritime [1]. Cette faible proportion n’encourage pas le gouvernement espagnol à privilégier le rail. On comprend qu’il préfère continuer à développer les routes et les infrastructures portuaires.
Quel type de trafic de marchandises ?
La volonté initiale des partisans de la réouverture de la ligne Pau – Canfranc – Saragosse est de mettre les poids-lourds sur des trains pour supprimer le trafic des poids-lourds sur la route nationale RN134. Ce projet de ferroutage ne peut se concevoir que sur des longues distances car réaliser une autoroute ferroviaire avec toutes ses installations terminales pour une centaine de kilomètres n’a que peu d’intérêt. Il s’agirait déjà de trouver l’espace nécessaire pour établir les installations terminales de type CargoBeamer ou Modalohr à Canfranc, Jaca, Huesca ou Saragosse et à Bedous, Oloron-Sainte-Marie ou Pau. Relier cette autoroute ferroviaire vers la future autoroute ferroviaire Saragosse – Algésiras demanderait une installation supplémentaire de transbordement à Saragosse pour s’affranchir de la différence d’écartement des rails, ce qui augmenterait les coûts du transport. Relier cette autoroute ferroviaire vers la future autoroute ferroviaire Cherbourg – Mouguerre, projet porté par Brittany Ferries et qui devrait aboutir en 2023, demanderait la construction d’un pont supplémentaire sur le Gave de Pau pour s’affranchir du rebroussement en gare de Pau, ce qui serait difficilement envisageable dans une zone classée Natura 2000. Une autoroute ferroviaire demande de dégager le gabarit GB1 dans tous les tunnels, des vérifications s’imposent pour s’assurer de la compatibilité de tous les tunnels en prenant en compte les caténaires en 25kV, la ventilation, le désenfumage, le chemin piétonnier de secours, la rigole d’évacuation des fuites de liquide,… systèmes qui devront être mis en œuvre selon les exigences réglementaires. Des systèmes de sécurité supplémentaires adaptés au ferroutage en raison de la moindre maîtrise des matières transportées par les poids-lourds devront également être prévus. Toutes ces raisons expliquent certainement pourquoi les études d’avant-projet en cours ont abandonné cette hypothèse d’autoroute ferroviaire. Ainsi, les poids-lourds ne seront jamais transportés par ferroutage en vallée d’Aspe.
Le transport combiné des caisses mobiles et containers est une option qui est théoriquement faisable car tous les tunnels devraient être compatibles au gabarit GA. Ce transport se fait généralement avec des trains électrifiés et longs de 750m entre un port et son hinterland ou des terminaux multimodaux. Cependant les ports susceptibles d’être reliés sont uniquement les ports de l’Océan Atlantique et de la Mer Méditerranée en France et en Espagne, donc ceux qui utilisent déjà les corridors existants aux extrémités des Pyrénées. Seul, un éventuel trafic des terminaux de Saragosse-Plaza ou TMZ à Toulouse-Saint-Jory pourrait être envisagé, à la condition que ce trafic puisse avoir un sens. En ajoutant les handicaps de la rampe de Capvern et ceux de la ligne Pau – Canfranc – Saragosse, il est bien peu probable qu’un tel trafic de transport combiné puisse être sérieusement considéré à l’avenir.
Reste donc le fret classique constitué des pondéreux, vrac, produits chimiques, voitures neuves, produits sur palettes, transports exceptionnels… qui est réalisé par des wagons bâchés, des wagons-plats, des wagons-tombereaux, des wagons-citernes, des wagons porte-automobiles… Ce fret est généralement réalisé, soit sous forme de trains dédiés, soit de trains formés de coupons de wagons, soit de wagons isolés. Cependant, les caractéristiques de la ligne Pau – Canfranc – Saragosse obligent à scinder les trains de 750m en deux ou trois trains courts, à utiliser des locomotives de pousse et à prendre en compte le rebroussement en gare de Pau, si bien que seuls des trains courts formés de coupons de wagons ou de wagons isolés seraient adaptés, excluant de ce fait les trains longs et dédiés. Il s’ensuit que, tout comme le transport combiné, le transport sur longue distance sera exclu, les chargeurs préférant toujours les corridors atlantique et méditerranéen situés aux extrémités des Pyrénées. C’est donc un trafic fret de courte distance, de dimension locale et constitué principalement de wagons isolés qui serait le plus susceptible d’être en adéquation avec les caractéristiques de la ligne Pau – Canfranc – Saragosse. Ce type de fret est en concurrence directe avec le transport routier qui sera toujours plus flexible et plus rapide, malgré les difficultés de circuler sur la RN134. Les handicaps de la ligne ferroviaire, à savoir la traction en mode thermique en attendant une éventuelle électrification, le rebroussement à Pau, les déclivités, la longueur et la lenteur du trajet font que le transport de marchandises par rail ne sera compétitif qu’à la condition d’être très fortement subventionné.
Quelles entreprises pour un transport de marchandises uniquement local ?
C’est donc un transport de marchandises uniquement local qui serait susceptible d’utiliser la ligne Pau – Canfranc – Saragosse. Le “Livre Blanc” [2] édité par la Région Nouvelle-Aquitaine et le Gouvernement d’Aragon ne s’est pas trompé en listant la liste des entreprises locales susceptibles d’utiliser cette ligne pour leur transport de marchandises. Malheureusement, cette liste ne précise pas le niveau d’engagement de ces entreprises en matière de transport de marchandises sur la ligne Pau – Canfranc – Saragosse en prévision d’une éventuelle réouverture. Il est cependant possible d‘avoir une première approche au cas par cas du transport de marchandises par rail de chacune de ces entreprises.
Décathlon :
Décathlon ne possède pas d’usines spécifiques en France et en Espagne, mais fait sous-traiter sa production par des entreprises dont certaines sont situées en Espagne. Pour sa distribution des produits depuis les différentes usines de ses sous-traitants vers ses magasins, elle utilise comme point central son centre logistique de Dourges qui permet de transborder les marchandises à la fois par rail depuis la Chine et par navires porte-containers depuis l’Asie. Ces navires transportent ensuite les produits dans ses gigantesques entrepôts situés dans les ports de Séville et de Barcelone qui se chargent de distribuer en Europe du Sud et en Afrique du Nord. Dans cette organisation logistique très bien maîtrisée et qui fonctionne en juste-à-temps, il est très peu probable que Décathlon fasse appel à la ligne Pau – Canfranc – Saragosse pour le transport de ses produits.
Groupe Daniel :
Le Groupe Daniel est une entreprise de matériaux de construction présente dans les Pyrénées-Atlantiques, les Hautes-Pyrénées et les Landes où elle possède des carrières, des gravières, des centrales à béton, des usines de fabrication et un réseau de distribution. Son implantation est locale et elle a certainement tout intérêt à développer son implantation dans le Sud-Ouest plutôt que de chercher à s’installer en Espagne où d’autres acteurs sont déjà présents. Eventuellement, il pourrait être possible d’utiliser des carrières en Espagne situées le long de la section de Canfranc à Saragosse à partir de laquelle elle pourrait transférer des granulats vers la France. Cependant, le Groupe Daniel ne possède aucun embranchement particulier et réalise tous ses transports par transport routier. Il serait donc tout d’abord nécessaire de revoir complètement sa logistique pour s’embrancher au Réseau Ferré National, ce qui présuppose une politique de ses transports totalement différente de l’actuelle et synonyme d’une implantation nationale plutôt que régionale. Dans l’état actuel, il semble peu probable que le Groupe Daniel fasse appel à la ligne Pau – Canfranc – Saragosse pour le transport de ses granulats et matériaux de construction.
CELSA France :
CELSA France est une aciérie qui produit des billettes d’acier de différents grades à partir de résidus d’acier et de dérivés du fer. Elle est située à Boucau et est l’entreprise la plus importante du port de Bayonne. C’est une filiale du Groupe CELSA installé à Barcelone, elle fournit en acier d’autres usines du groupe dont l’usine CELSA de Laracha dans la province de la Corogne. Sa proximité du port de Bayonne la destine à utiliser majoritairement le transport maritime pour son approvisionnement et la livraison de ses clients. Elle est cependant reliée au réseau ferré et pourrait utiliser la ligne Pau – Canfranc – Saragosse pour exporter ses produits finis vers les aciéries du groupe CELSA en Catalogne. Cependant, le trajet le plus pratique, le plus simple et certainement le plus économique consiste à passer par Hendaye, Saint Sébastien, Pampelune, Saragosse, Tarragone puis Barcelone. Excepté la différence d’écartement à la frontière, ce trajet est entièrement électrifié, sans aucun rebroussement, et sans déclivités importantes demandant des locomotives de pousse. Dans ses relations avec les différentes aciéries du Groupe CELSA, il est donc peu probable que CELSA France fasse appel à la ligne Pau – Canfranc – Saragosse pour le transport de ses produits finis.
Euralis :
Euralis est une coopérative agricole et agroalimentaire fortement ancrée dans le Sud-Ouest mais qui s’étend également à l’international. Son siège social est situé à Lescar et elle possède de très nombreux sites de productions, de stockage et de transformation en France et particulièrement dans le Sud-Ouest. L’une de ses principales activités est la commercialisation du maïs grain produit par les agriculteurs. A ce titre, elle vend des semences, des céréales et du maïs à Silos Canfranc qui se charge des expéditions dans toute l’Espagne. Silos Canfranc utilisait le fret ferroviaire sur la section Canfranc – Saragosse depuis Canfranc jusqu’à Barcelone, mais ce transport de marchandises par fer est à l’arrêt depuis décembre 2019 en raison de la défection de son chargeur [3]. En attendant de trouver un nouveau chargeur, Silos Canfranc utilise désormais le transport routier pour expédier ses produits. D’autre part, les trains de céréales et de maïs sont des trains lourds qui devront affronter les fortes déclivités de Bedous à Canfranc, ce qui renchérira d’autant plus le coût du transport. Enfin, vouloir développer le transport ferroviaire de céréales ou de maïs stockés par Euralis signifie également réactiver ou créer des embranchements particuliers reliés à ses entrepôts de stockage mais aussi rouvrir les lignes ferroviaires entre Mont-de-Marsan, Eauze et Tarbes et entre Auch et Agen afin de bien desservir tous les entrepôts de stockage d’Euralis. Ainsi, une fois que toutes ces réhabilitations seront réalisées, il semble tout à fait envisageable qu’Euralis fasse appel à la ligne Pau – Canfranc – Saragosse pour le transport de ses céréales et de son maïs.
GIP Chemparc :
Le GIP Chemparc et un groupement d’intérêt public dont l’objectif est la revitalisation économique du bassin de Lacq. Ce GIP rassemble les différents industriels locaux et accompagne toute nouvelle entreprise désirant s’installer sur ce bassin. Les activités actuelles englobent la chimie industrielle, la chimie fine, les polymères, les énergies renouvelables… Ces différentes entreprises sont donc susceptibles d’utiliser la ligne Pau – Canfranc – Saragosse pour leurs activités de transport, d’autant plus qu’il existe des embranchements particuliers reliés directement à la ligne ferroviaire de Puyoô à Pau. A titre d’exemple, un pôle hydrogène est actuellement en développement à Huesca et est susceptible d’établir des relations avec certaines entreprises du bassin de Lacq. Il y aura nécessité cependant d’adapter les installations ferroviaires et les tunnels en particulier aux exigences du transport de matières dangereuses. Ainsi, il semble tout à fait envisageable que les entreprises membres du GIP Chemparc fassent appel à la ligne Pau – Canfranc – Saragosse pour le transport de leurs différents produits.
Safran Landing Systems :
Safran Landing Systems produit des trains d’atterrissages pour tous types d’avions civils et militaires. Cette entreprise située à Bidos travaille principalement pour Airbus, ATR, Boeing, Dassault si bien que ses produits sont à destination des sites des constructeurs aéronautiques situés en France ou à l’étranger dont le site d’Airbus à Séville qui reçoit les trains d’atterrissages de l’A400M. Cependant, la production aéronautique est considérée comme de la petite série, voire de la moyenne série et ne justifie pas l’utilisation du ferroviaire pour son transport. Ainsi, l’A400M est assemblé à une dizaine d’exemplaires chaque année, si bien que l’option d’utiliser la ligne Pau – Canfranc – Saragosse pour le transport des trains d’atterrissage vers Séville est nulle. De même, le peu de fournisseurs espagnols de Safran Landing Systems ne justifie pas l’utilisation de cette ligne ferroviaire. Il est donc très peu probable que Safran Landing Systems ou ses fournisseurs fassent appel à la ligne Pau – Canfranc – Saragosse pour le transport de leurs produits.
Ogeu Groupe :
Ogeu Groupe est un embouteilleur d’eaux minérales situé à Ogeu-les-Bains. Il exploite plusieurs sources d’eaux minérales situées en France et produit de la bière à Bayonne à destination du marché du Sud-Ouest. Toutes ses activités sont situées en France et sont principalement destinées à la grande distribution avec distribution exclusive en France. Il exporte également en Asie, Afrique, Russie ou Etats-Unis, mais pas en Espagne. A moins qu’Ogeu Groupe n’achète une source d’eau minérale en Espagne, il existe peu de raison pour que cette société se développe en Espagne où le marché des eaux minérales est déjà très concurrentiel. Il est donc très peu probable qu’Ogeu Groupe fasse appel à la ligne Pau – Canfranc – Saragosse pour le transport de ses produits.
Total :
Total possède des importants centres scientifique et technique à Pau et Lacq. Il n’y a pas de production dans ces centres mais uniquement de la recherche et du développement. Excepté quelques livraisons de produits divers et variés, le besoin en transport reste faible et marginal. Aucun transport ferroviaire n’est spécifiquement identifié vers l’Espagne et la ligne Pau – Canfranc – Saragosse ne sera strictement d’aucune utilité pour cette entreprise. Il est donc très peu probable que Total fasse appel à la ligne Pau – Canfranc – Saragosse pour un quelconque transport.
BSH Hausgeräte GmbH et Balay :
BSH Hausgeräte GmbH et sa filiale espagnole Balay produisent des appareils électro-ménagers dans leurs usines de Saragosse et de Navarre. Ces appareils sont principalement destinés à la consommation intérieure espagnole mais également exportés dans toute l’Europe et le monde entier. Les exportations vers les centres logistiques d’Allemagne font que le transport ferroviaire privilégie d’abord le couloir méditerranéen. Il n’est cependant pas exclu que quelques exportations vers la France ou que quelques importations d’équipements depuis la France puissent se faire par la ligne Pau – Canfranc – Saragosse. Cependant, pour d’évidentes raisons économiques, les importations et exportations par les extrémités des Pyrénées resteront toujours majoritaires. Ainsi, il semble peu envisageable que BSH Hausgeräte GmbH et sa filiale espagnole Balay fassent appel à la ligne Pau – Canfranc – Saragosse pour le transport de leurs appareils d’électro-ménager et, dans un tel cas, seul un transport ferroviaire entre Saragosse et la France serait probable.
Stellantis :
Stellantis possède une usine d’assemblage située à Figueruelas à 25km de Saragosse. Dans cette usine sont montées principalement des voitures de marque Opel mais également de marques Peugeot et Citroën. Les liaisons avec les autres sites d’Opel de Rüsselsheim am Main, d’Eisenach ou de Stellantis se font principalement par les ports de Valence, Barcelone mais aussi Vigo où se situe l’une des plus grandes usines de Stellantis en Europe. Les éventuels transports ferroviaires à partir de l’usine de Figueruelas se feraient principalement par le couloir méditerranéen car les autres sites de Stellantis et de ses fournisseurs se situent principalement dans l’est de la France, en Allemagne et en Europe de l’Est. Ainsi, excepté éventuellement la nécessité de réaliser du transport ferroviaire avec les usines Stellantis de Rennes – La Janais ou Poissy, il est donc très peu probable que Stellantis ou ses fournisseurs fassent appel à la ligne Pau – Canfranc – Saragosse pour le transport des voitures et équipements.
Grupo Pikolin :
Grupo Pikolin est l’un des leaders européens de la fabrication de matelas, sommiers, oreillers et lits. Il est très présent et leader sur son marché en Espagne, au Portugal et en France. Son siège social et deux de ses usines sont situées à Saragosse, une autre est située à Valence. Il possède également quatre usines en France dans la Sarthe, l’Eure, la Haute-Saône et la Haute-Vienne. Chaque pays est relativement indépendant si bien que les produits fabriqués sont peu destinés à passer les frontières même s’il est toujours possible que des produits fabriqués en Espagne soient expédiés en France ou vice-versa. Ainsi, il semble peu envisageable que Grupo Pikolin fasse appel à la ligne Pau – Canfranc – Saragosse pour le transport de ses produits entre Saragosse et ses usines de la Sarthe, de l’Eure, de la Haute-Saône ou de la Haute-Vienne.
Grupo SAMCA :
Grupo SAMCA est un conglomérat d’entreprises assez hétéroclites présentes dans le secteur des minerais, des polymères, des fibres synthétiques, des céramiques, de l’agro-alimentaire, de l’agrochimie, des énergies renouvelables, de la promotion immobilière et de la logistique. Il a la spécificité de gérer le terminal intermodal de Monzon situé entre Huesca et Lérida. Ce terminal traite les containers, le vrac, les céréales, le frigorifique à destination des ports de Pasajes, Bilbao, Tarragone, Barcelone, Castellon, Valence et des couloirs ferroviaires atlantique et méditerranéen. Sa localisation s’explique par sa proximité avec une éventuelle future Traversée Centrale des Pyrénées. Grupo SAMCA promeut et développe avec l’autorité du port de Barcelone l’utilisation des trains lourds et longs de 750m afin de rejoindre le port de Barcelone et le tunnel du Perthus. Il n’est donc pas dit que Grupo SAMCA soit très enthousiaste à l’idée d’utiliser la ligne Pau – Canfranc – Saragosse pour ses activités. Ainsi, Il est donc peu probable que Grupo SAMCA fasse appel à la ligne Pau – Canfranc – Saragosse pour l’une de ses différentes activités industrielles.
Saica :
Saica est une entreprise qui fabrique des emballages en carton, des emballages flexibles et du papier. Son implantation est internationale avec de nombreuses usines en Espagne et en France et son siège social est situé à Saragosse. Chaque usine est relativement indépendante si bien que les cartons et papiers fabriqués sont peu destinés à passer les frontières. Néanmoins, il est toujours possible que des produits fabriqués en Espagne soient expédiés en France ou vice-versa. Ainsi, il semble tout à fait envisageable que Saica fasse appel à la ligne Pau – Canfranc – Saragosse pour le transport de ses produits entre Saragosse, Pampelune et ses usines de tout l’ouest de la France.
CAF :
CAF est une entreprise internationale de matériel ferroviaire qui fabrique des trains, locomotives, wagons, tramways, métros, autobus et systèmes de signalisation ferroviaire. Son siège social et sa principale usine sont situés à Beasain, elle possède également une importante usine à Saragosse et a acquis en 2008 l’ancienne usine ferroviaire Soulé de Bagnères-de-Bigorre. En première approche, il pourrait être évident que les transports de systèmes ferroviaires se fassent entre Saragosse et Bagnères-de-Bigorre. Cependant, l’usine française est exclusivement orientée vers le marché français et il est donc plus probable que les échanges se fassent entre Beasain et Bagnères-de-Bigorre, donc par le couloir atlantique. A noter cependant qu’il est d’abord nécessaire de réhabiliter le tronçon ferroviaire entre Tarbes et Bagnères-de-Bigorre, réhabilitation en cours car actuellement impulsée par les politiciens locaux de la Région Occitanie qui ont une approche intelligente et pragmatique du ferroviaire en investissant là où le potentiel existe. Ainsi, il semble peu envisageable que CAF fasse appel à la ligne Pau – Canfranc – Saragosse pour le transport de son matériel ferroviaire, et si tel est le cas, ce transport se fera uniquement de Saragosse à Bagnères-de-Bigorre.
Le classement critique des différentes entreprises listées par le “Livre Blanc” [2] comme susceptibles d’utiliser la ligne Pau – Canfranc – Saragosse est le suivant :
Entreprises | Localisations | Besoins de transport | Utilisation de la ligne ferroviaire |
GIP Chemparc
| Entreprises du bassin industriel de Lacq | Transports de produits issus de la chimie industrielle, de la chimie fine, des polymères et des énergies renouvelables Transport de matières dangereuses | Envisageable entre Lacq et l’Aragon |
Euralis | Siège social à Lescar Sites de productions, de stockage et de transformation en France et dans tout le Sud-Ouest | Transport de céréales et de maïs vers l’Espagne | Envisageable uniquement de la France vers l’Espagne |
Saica | Siège social à Saragosse Usines d’emballage et de papiers à Saragosse, Pampelune, et dans tout l’ouest de la France | Transports d’emballages et de papiers d’Espagne vers la France Transports d’emballages et de papiers de France vers l’Espagne | Peu envisageable entre Saragosse et la France |
Grupo Pikolin | Siège social à Saragosse Usines de matelas et sommiers à Saragosse | Transports de matelas et sommiers d’Espagne vers la France Transports de matelas et sommiers de France vers l’Espagne | Peu envisageable entre Saragosse et la France |
CAF | Siège social à Beasain Usines à Beasain, Saragosse et Bagnères-de-Bigorre | Transport de matériel ferroviaire, d’équipements ou de sous-ensembles de Saragosse à Bagnères-de-Bigorre | Peu envisageable entre Saragosse et Bagnères-de-Bigorre |
BSH Hausgeräte GmbH et Balay | Usines à Saragosse et en Navarre | Transport d’équipements depuis ses fournisseurs français Exportation d’appareils électro-ménagers vers la France Transport d’électroménager vers ses entrepôts d’Allemagne et vers toute l’Europe | Peu envisageable entre Saragosse et la France |
Grupo SAMCA | Siège social à Saragosse Usines en Aragon et terminal intermodal de Monzon | Transports de containers, vrac, céréales, frigorifiques vers la France Liens avec les ports et corridors atlantique et méditerranéen | Peu probable |
CELSA France | Usine sidérurgique à Boucau située dans le port de Bayonne | Transport de ferrailles depuis ses fournisseurs Transport d’acier vers ses clients Utilisation du transport maritime et ferroviaire par le corridor atlantique | Peu probable |
Groupe Daniel | Carrières à Asasp-Arros et Louvie-Juzon, centrale à béton à Lescar,… | Transports de granulats de ses carrières et gravières vers ses entrepôts logistiques des Pyrénées-Atlantiques Transport de ses matériaux de construction dans tout le Sud-Ouest Utilisation du transport routier | Peu probable |
Stellantis | Usine automobile Opel à Figueruelas | Transport d’équipements depuis ses fournisseurs Transport de voitures vers le monde entier Utilisation du transport maritime par les ports de Valence, Barcelone et Vigo | Très peu probable |
Total | Centres scientifiques et techniques pétrolier à Pau et Lacq | Faible car volume de marchandises restreint | Très peu probable |
Ogeu Groupe | Usine d’embouteillage d’eau à Ogeu-les-Bains et de bières à Bayonne | Aucun car marché exclusivement français et à l’exportation hors Espagne | Très peu probable |
Décathlon | Magasins de sport et d’habillement : Laruns, Lescar, Tarbes, Orthez, Tudela, Lérida, Huesca, Saragosse | Transports de produits de ses usines de sous-traitants vers ses entrepôts logistiques de Séville et Barcelone Transport de ses produits depuis ses entrepôts logistiques de Séville et Barcelone vers ses magasins Utilisation du transport maritime | Très peu probable |
Safran Landing Systems | Usine de fabrication de trains d’atterrissage à Bidos | Fourniture des trains d’atterrissage A400M à Airbus Séville Petite production exportée par transport maritime, routier et aérien | Très peu probable |
Même les marchandises les plus farfelues !
En 2013 est apparu un projet assez ahurissant de captage d’eau de source à Bedous ou Urdos, eau de source qui serait ensuite expédiée en Chine et en Inde par containers depuis les ports de Bassens, Fos-sur-Mer ou Barcelone [4]. La condition de mise en œuvre du projet fut bien évidemment liée à la remise en service de la ligne Pau – Canfranc – Saragosse pour transporter les containers jusqu’aux ports. Nos politiciens locaux en ont évidemment conclu que ce projet allait désenclaver la vallée d’Aspe et qu’il fallait au plus vite rouvrir la ligne. Il est inutile de dire que ce projet à fait pschitt comme une bouteille d’eau gazeuse, ce qui n’a pas empêché nos politiciens locaux d’y croire tellement ils sombrent dans toutes les folies dès que l’on évoque la ligne Pau – Canfranc – Saragosse.
Conclusion
Les caractéristiques de la ligne Pau – Canfranc – Saragosse font que le ferroutage et le transport combiné ne seront pas possibles, et que seul du fret ferroviaire classique constitué de coupons de wagons ou de wagons isolés pourra y circuler. De plus, bien peu d’entreprises seraient susceptibles d’utiliser cette ligne ferroviaire pour leur transport de marchandises. Sur les 14 entreprises locales identifiées par le “Livre Blanc” [2], seules 6 pourraient éventuellement utilisées cette ligne ferroviaire, et de manière épisodique pour 4 d’entre elles. Ainsi, avant toute réouverture, il est absolument nécessaire de réaliser un étude socio-économique sérieuse et de demander à ces entreprises des engagements fermes sur des volumes de marchandises et quantités de circulation avant d’investir dans une réouverture hasardeuse. En effet, dans l’état actuel des choses, il n’existe certainement pas le potentiel pour transporter, ne serait-ce que 1Mt de marchandises chaque année.
Quelques références
[1] : Observatorio hispano-francés de Tráfico en los Pirineos – Documento n°9 – Ministerio de Transportes, Movilidad y Agenda Urbana, Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire – diciembre 2020
[2] : Livre Blanc – Les leviers d’optimisation du trafic de la ligne Pau-Canfranc-Saragosse – Avec le projet Canfraneus – Fundacion Transpirenaica, Région Nouvelle-Aquitaine, Interreg POCTEFA, Gobierno de Aragon – décembre 2019
[3] : Silos de Canfranc negocia para recuperar el tren del maíz – Ramon J. Campo – Heraldo de Aragon – 2 marzo 2020
[4] : De l’eau des Pyrénées pour l’Asie ? – Jean Testemale – Sud-Ouest – 26 avril 2013