Promesses et mensonges de la réouverture

de la ligne d’Oloron-Sainte-Marie à Bedous 

 

La réduction des gaz à effet de serre

“Chacun tourne en réalités,

Autant qu’il peut, ses propres songes :

L’homme est de glace aux vérités ;

Il est de feu pour les mensonges.”

Jean de La Fontaine (1621 – 1695) – Le Statuaire et la Statue de Jupiter –

Livre IX – Fable 6 – 1678

La glace des glaciers des Pyrénées ne cesse de fondre, non à cause du feu des écobuages, mais sous le feu des mensonges de nos politiciens locaux qui se révèlent jour après jour ! Petite revue de toutes les fausses promesses et de tous les vrais mensonges qui ont été entendus pour légitimer la réouverture de la ligne ferroviaire d’Oloron-Sainte-Marie à Bedous et qui sont encore utilisés pour justifier le prolongement jusqu’à Canfranc.

Résumé des articles

Ces quatre articles recensent toutes les promesses non tenues et tous les mensonges proférés pour justifier de la réouverture de la section Oloron-Sainte-Marie à Bedous, puis pour justifier une future prolongation jusqu’à Canfranc. Concernant la réduction des gaz à effet de serre, les comparaisons entre émissions de CO2 des passagers des automotrices X73500 et émissions de CO2 de véhicules essence, gasoil, hybrides montrent que chaque passager du train émet 1,7 à 2,7 fois plus de CO2 que s’il utilisait une voiture, voire même de 3,0 à 4,8 fois plus en prenant en compte les données de la Cour des comptes.

Version initiale du 14 décembre 2021, dernière mise à jour au 4 janvier 2024

La réduction des gaz à effet de serre

Un des grands avantages du transport ferroviaire par rapport au transport routier est la moindre émission des gaz à effet de serre. C’est d’ailleurs deux des quatre justifications du projet de réouverture des circulations d’Oloron-Sainte-Marie à Bedous et mise en avant en page 11 de la Déclaration d’Utilité Publique : “Offrir une alternative aux liaisons routières” et “Améliorer la mobilité tout en préservant l’environnement” [1]. Ceci est d’autant plus vrai que la ligne est électrifiée. Malheureusement, en 2010 et pour limiter les coûts des travaux de rénovation, un choix néfaste a été fait de moderniser la section de Pau à Oloron-Sainte-Marie en désélectrifiant par suppression définitive de la caténaire. De même, vue l’envolée des coûts d’investissement, la section d’Oloron-Sainte-Marie à Bedous a été régénérée sans caténaire. Les automotrices électriques Z7100 ont alors été remplacées par des automotrices diesel X73500, certes plus modernes, mais qui ne sont pas reconnues comme étant très vertueuses en matière d’émission de polluants et de gaz à effet de serre. Se pose alors la question de savoir si l’utilisation du train est plus économe en émission de gaz à effet de serre de type dioxyde de carbone CO2 par rapport à l’utilisation de véhicules personnels à essence, diesel ou hydrides.

Répondre à cette question suppose d’estimer les émissions de dioxyde de carbone CO2 pour chaque voyageur prenant le train par rapport à ce même voyageur utilisant son véhicule personnel.

La fréquentation de la section d’Oloron-Sainte-Marie à Bedous de 2017 à 2022 est connue par la fréquentation en gare :

Nom de la gareDistance depuis OloronVoyageurs par jour
201720182019202020212022
Oloron-Sainte-Marie0,0
Bidos1,81611207914
Lurbe-Saint-Christau9,0536443
Sarrance18,3335344
Bedous24,8493546344545
Total depuis Oloron24,8745277476267

En estimant que chaque voyageur de la section Oloron-Sainte-Marie à Bedous s’arrête, monte ou passe par Oloron-Sainte-Marie pour continuer vers Pau, la fréquentation en voyageurs multipliée par la distance parcourue par jour et par an est la suivante :

Nom de la gareDistance depuis OloronVoyageurs.kilomètres par jour
201720182019202020212022
Oloron-Sainte-Marie0,0000000
Bidos1,8282036121626
Lurbe-Saint-Christau9,0463050363726
Sarrance18,3635089517479
Bedous24,81 2228571 1458311 1221 124
Total24,81 3599571 3209301 2481 254
  Voyageurs.kilomètres par an
Total496 071349 237481 878339 555455 646457 752

L’étape suivante consiste à estimer la distance parcourue chaque année par les automotrices X73500 sur la section d’Oloron-Sainte-Marie à Bedous. Le nombre quotidien de circulations est de 8 jusqu’à Bedous. D’Oloron-Sainte-Marie à Bidos, le nombre de circulations supplémentaires est de 3 du lundi au vendredi et d’1 les samedis, dimanches et fêtes. Le nombre de voyageurs est considéré pour les jours pour lesquels les circulations sont effectives et sont donc corrigés afin de ne pas prendre en compte des nombreuses suppressions dues aux mouvements sociaux d’avril à juin 2018 et de décembre 2019 à janvier 2020, aux confinements successifs liés à la crise sanitaire en 2020, aux arrêts des circulations d’Oloron-Sainte-Marie à Bedous en raison de l’effondrement du mur de soutènement du pont de Lescudé au premier semestre 2022. Il est possible d’en déduire la distance théorique et totale effectuée chaque année par les automotrices X73500 sur la section d’Oloron-Sainte-Marie à Bedous.

AnnéeOloron à Bedous : nombre théorique de circulations par anOloron à Bidos : nombre théorique de circulations par anDistance estimée par an en km
distance
en km
lundi au vendredisamedi, dimanche et fêtesdistance
en km
lundi au vendredisamedi, dimanche et fêtes
201724,82 0089121,875311473 860
201824,82 0169041,875611373 863
201924,82 0089121,875311473 860
202024,82 0169041,875611373 863
202124,82 0328881,876211173 871
202224,82 0248961,875911273 867

La consommation nominale des automotrices X73500 est estimée de 56l à 60l de gasoil pour 100km selon les diverses études [3] page 4 et [4] page 3. La consommation maximale retenue est de 90l de gasoil pour 100km selon les informations de la Déclaration d’Utilité Publique [2] page 75, [5] page 219 et [6] page 47. Etant donné que ces engins sont âgés est que le profil de la section est complexe avec de nombreuses déclivités, une consommation moyenne de 70l par 100km peut être retenue. Il est ainsi possible d’évaluer la consommation annuelle de gasoil des automotrices, puis la consommation par voyageur et par kilomètre parcouru. En définitive, en considérant une équivalence de 2 640g de CO2 rejeté pour un litre de gasoil, se déduisent les émissions de CO2 par voyageur :

AnnéeConsommation annuelle
de gasoil en l
Consommation de gasoil
par voyageur en l/100km
Emissions de CO2
par voyageur en g/km
nominalemoyennemaximalenominalemoyennemaximalenominalemoyennemaximale
201741 36151 70266 4748,310,413,4220275354
201841 36451 70466 47711,814,819,0313391503
201941 36151 70266 4748,610,713,8227283364
202041 36451 70466 47712,215,219,6322402517
202141 36851 70966 4849,111,314,6240300385
202241 36651 70766 4809,011,314,5239298383
       260325418

Ainsi, en première approche, il est envisageable d’estimer que chaque voyageur transporté par les automotrices X73500 émet l’équivalent d’environ 260 à 330g de CO2 par kilomètre parcouru. 

Concernant les véhicules, la consommation est très dépendante du type d’énergie et de la date d’achat du véhicule [7]. Ainsi, la consommation moyenne qui est retenue selon le type d’énergie est la suivante :

 

Année d’achat du véhiculeConsommation par véhicule en l/100km
essencegasoilhybride non-rechargeablehybride rechargeableélectrique
19997,16,0
20095,65,1
20195,64,44,41,30

Puis, en considérant une équivalence de 2 390g de CO2 rejeté pour un litre d’essence et de 2 640g de CO2 rejeté pour un litre de gasoil, se déduisent les émissions de CO2 par type de véhicule :

 

Année d’achat du véhiculeEmissions de CO2 par véhicule en g/km
essencegasoilhybride non-rechargeablehybride rechargeableélectrique
1999170158
2009134135
2019134116105310

En considérant une occupation de 1,1 passager par véhicule telle que retenue par la Déclaration d’Utilité Publique [2] page 50, les émissions de CO2 par voyageur sont alors les suivantes :

 

Année d’achat du véhiculeEmissions de CO2 par voyageur en g/km
essencegasoilhybride non-rechargeablehybride rechargeableélectrique
1999154144
2009122122
201912210696280

Ainsi, en première approche, il est envisageable d’estimer que chaque voyageur qui utilise son véhicule émet l’équivalent d’environ :

  • 150g de CO2 par kilomètre parcouru avec un véhicule essence ou diesel ancien ;
  • 120g de CO2 par kilomètre parcouru avec un véhicule essence ou diesel récent ;
  • moins de 40g de CO2 par kilomètre parcouru avec un véhicule hybride rechargeable ;
  • 0g de CO2 par kilomètre parcouru avec un véhicule électrique.

Ainsi, un voyageur qui utilise le train émet 1,7 à 2,7 fois de plus de gaz à effet de serre qu’en utilisant son véhicule personnel. Si ce dernier est hybride rechargeable, alors le train représente 6,5 à 8,1 fois plus d’émissions de CO2. Sachant que ce type de véhicule se développera de plus en plus au détriment de véhicules plus anciens et que les automotrices X73500 ne seront pas renouvelées d’ici au moins 20 années, l’écart ne cessera de se creuser en défaveur de l’automotrice.

Ces valeurs sont confirmées et même très sous-évaluées par un calcul similaire réalisé par la Cour des comptes dans son rapport sur les TER en pages 58 à 61 [8]. En prenant l’exemple de la section de Saumur à La-Roche-sur-Yon qui voit circuler des TER diesel transportant en moyenne 10 voyageurs par circulation, la Cour des comptes estime les émissions de CO2 à 539g par voyageur et par kilomètre parcouru. Pour arriver à ce résultat, la Cour des comptes s’appuie sur les données de SNCF Mobilités qui estime la consommation d’un autorail de 80 à 200l de gasoil pour 100km. De même, elle estime qu’une voiture occupée par 1,9 voyageurs émet des émissions de CO2 de 110g par voyageur et par kilomètre parcouru. En transposant à la ligne Oloron-Sainte-Marie à Bedous dont la fréquentation oscille de 5,9 à 9,6 voyageurs par train, les émissions de CO2 varient de 561g à 914g par voyageur et par kilomètre parcouru. De même, avec des voitures occupées par 1,1 voyageurs, les émissions de CO2 sont de 190g par voyageur et par kilomètre parcouru. Ainsi, selon les données de la Cour des comptes, un voyageur qui utilise le train émet 3,0 à 4,8 fois de plus de gaz à effet de serre qu’en utilisant son véhicule personnel.

Si l’on considère les polluants que sont les hydrocarbures imbrûlés, le monoxyde de carbone, les oxydes d’azote et les particules fines, les émissions des automotrices X73500 sont certainement quelques milliers de fois plus importantes que les émissions des véhicules essence ou diesel qui sont dépolluées par des catalyseurs.

Ainsi, utiliser le train plutôt que son véhicule personnel entre Oloron-Sainte-Marie et Bedous contribue à l’augmentation de la pollution dans la vallée d’Aspe ce qui est un paradoxe véritablement navrant et affligeant d’autant plus que l’écart ne cessera de grandir à la défaveur du train.

C’est ainsi que l’on peut avoir d’énormes regrets qu’une solution à base de transport à la demande utilisant des véhicules hybrides n’ait pas était retenue. Cette solution plus flexible aurait certainement intéressé beaucoup de voyageurs et aurait permis de réduire la pollution dans la vallée d’Aspe. Une fois encore, nos politiciens locaux ont donc tout faux et nous ont donc bien menti !

Quelques références

[1] : Reprise des circulations ferroviaires entre Oloron et Bedous – Dossier provisoire d’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique, à la mise en compatibilité des documents d’urbanisme et à la suppression des passages à niveau – Pièce B – Présentation du projet – RFF – version D – juin 2012

[2] : Reprise des circulations ferroviaires entre Oloron et Bedous – Dossier provisoire d’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique, à la mise en compatibilité des documents d’urbanisme et à la suppression des passages à niveau – Pièce D – Evaluation socio-économique – RFF – Version E – septembre 2012

[3] : L’avenir du TER : des transferts sur route ? Idées reçues contre données objectives – FNAUT – Conférence de presse du mercredi 6 février 2013

[4] : Comparaisons autorail – autocar sur des liaisons régionales – Gérard Guyon

[5] : Impact de l’ouverture à la concurrence dans le transport régional ferroviaire de voyageurs sur la consommation d’énergie et sur les émissions de carbone – ADEME – février 2012

[6] : Transports, déplacements et communications pour le Massif central – Volume 4 Scénario de synthèse pour une politique de transports et communications à l’échelle du Massif central – MENSIA – Association pour le développement économique et industriel du Massif central ADIMAC – 3 juillet 2009

[7] : https://carlabelling.ademe.fr/chiffrescles/r/evolutionConsoMoyenne – ADEME Agence de la transition écologique – 2021

[8] : Les transports express régionaux à l’heure de l’ouverture à la concurrence Des réformes tardives, une clarification nécessaire – sous la direction de Didier Migaud, Premier Président – Cour des Comptes Chambres Régionales et Territoriales des Comptes – octobre 2019