Promesses et mensonges de la réouverture

de la ligne d’Oloron-Sainte-Marie à Bedous

 

Le désenclavement de la vallée d’Aspe

“Chacun tourne en réalités,

Autant qu’il peut, ses propres songes :

L’homme est de glace aux vérités ;

Il est de feu pour les mensonges.”

Jean de La Fontaine (1621 – 1695) – Le Statuaire et la Statue de Jupiter –

Livre IX – Fable 6 – 1678

La glace des glaciers des Pyrénées ne cesse de fondre, non à cause du feu des écobuages, mais sous le feu des mensonges de nos politiciens locaux qui se révèlent jour après jour ! Petite revue de toutes les fausses promesses et de tous les vrais mensonges qui ont été entendus pour légitimer la réouverture de la ligne ferroviaire d’Oloron-Sainte-Marie à Bedous et qui sont encore utilisés pour justifier le prolongement jusqu’à Canfranc.

Résumé des articles

Ces quatre articles recensent toutes les promesses non tenues et tous les mensonges proférés pour justifier de la réouverture de la section Oloron-Sainte-Marie à Bedous, puis pour justifier une future prolongation jusqu’à Canfranc. Concernant la promesse de désenclavement, les recensements de l’INSEE montrent que la population en vallée d’Aspe diminue depuis 2016 et les articles de journaux montrent que les fermetures de classes sont toujours d’actualité.

Version initiale du 14 décembre 2021, dernière mise à jour au 4 janvier 2024

Le désenclavement de la vallée d’Aspe

Voici ce que n’hésitait pas à expliquer le premier de nos politiciens locaux lors d’un reportage sur le journal de 20h de France 2 : “C’est tout simplement l’aménagement du territoire. Cette vallée se dépeuple, rouvrir une voie ferrée, c’est la redynamiser” [1]. C’est d’ailleurs l’une des quatre justifications du projet de réouverture des circulations d’Oloron-Sainte-Marie à Bedous et mise en avant en page 11 de la Déclaration d’Utilité Publique : “Réhabiliter une liaison ferroviaire de voyageurs dans cette vallée longtemps enclavée” [2]. Logiquement, l’on devrait donc s’attendre à une augmentation de la population dans la vallée d’Aspe et en particulier entre Oloron-Sainte-Marie et Bedous à partir de la date de la réouverture de 2016. Pourtant et bien au contraire, les recensements de l’INSEE effectués chaque année montrent tout l’opposé : la vallée ne cesse de se dépeupler malgré la présence du train [3].

Les populations des villes et villages en vallée d’Aspe et d’Ossau de 2010 à 2021 sont les suivantes :

Années201020112012201320142015201620172018201920202021
Ville de Pau81 16679 79878 50677 57577 48977 21577 25177 13076 27575 62775 66577 066
Villages de Pau à Oloron-Sainte-Marie23 30423 47423 54523 67323 80423 78323 73023 76423 84523 88323 82023 777
Ville d’Oloron-Sainte-Marie10 80010 85410 67810 79410 82410 81810 79110 68410 62910 59410 65310 616
Villages d’Oloron à Bedous5 9885 9806 0196 0796 0936 0766 0626 0426 0125 9985 9816 005
Villages de Bedous au Somport1 2851 2871 3071 3051 3011 2781 2551 2331 2091 1981 1811 165
Villages de Buzy à Laruns7 0376 9736 8826 8186 7816 7396 6696 6196 5556 5516 5656 565

Avec :

  • villages de Pau à Oloron-Sainte-Marie : Buziet, Buzy, Escou, Escout, Estos, Gan, Gelos, Goès, Herrère, Jurançon, Lasseubetat, Ledeuix, Moumour, Ogeu-les-Bains, Précilhon ;
  • villages d’Oloron-Sainte-Marie à Bedous : Agnos, Asasp-Arros, Aydius, Bedous, Bidos, Escot, Eysus, Gurmençon, Issor, Lourdios-Ichère, Lurbe-Saint-Christau, Osse-en-Aspe, Sarrance ;
  • villages de Bedous au Somport : Accous, Borce, Cette-Eygun, Etsaut, Lées-Athas, Lescun, Urdos ;
  • villages de Buzy à Laruns : Arudy, Aste-Béon, Béost, Bielle, Bilhères, Castet, Eaux-Bonnes, Gère-Bélesten, Izeste, Laruns, Louvie-Juzon, Louvie-Soubiron.

En prenant en compte une base 100 à la date de 2015, année précédant la réouverture de la ligne Oloron-Sainte-Marie à Bedous, les variations et graphiques d’évolution des populations pour chaque entité géographique sont les suivants :

Années201020112012201320142015201620172018201920202021
Ville de Pau105,1103,3101,7100,5100,4100,0100,099,998,897,998,099,8
Villages de Pau à Oloron-Sainte-Marie98,098,799,099,5100,1100,099,899,9100,3100,4100,2100,0
Ville d’Oloron-Sainte-Marie99,8100,398,799,8100,1100,099,898,898,397,998,598,1
Villages d’Oloron à Bedous98,698,499,1100,0100,3100,099,899,498,998,798,498,8
Villages de Bedous au Somport100,5100,7102,3102,1101,8100,098,296,594,693,792,491,2
Villages de Buzy à Laruns104,4103,5102,1101,2100,6100,099,098,297,397,297,497,4

Ainsi, alors que la ligne ferroviaire d’Oloron-Sainte-Marie à Bedous était en phase de travaux, la population entre ces deux villes a augmenté d’environ 2% de 2010 à 2014. Puis cette même population a diminué d’environ 1,2% de 2015 à 2021 alors que la ligne était rouverte avec 4 allers-retours quotidiens. Qui plus est, au-delà de Bedous, la population n’a cessé de diminuer d’une valeur d’environ 8,8% de 2015 à 2021. C’est d’ailleurs ce que révèle les analyses des journalistes sur la base des recensements de l’INSEE de 2020 [4] et 2021 [5]. Loin d’attirer les habitants, l’arrivée du train les chasse et accentue le désenclavement de la vallée d’Aspe. La contradiction est donc poussée à son paroxysme : faire croire que le train attire de nouveaux habitants dans la vallée alors que la réalité est l’exacte opposée.

On remarque également que de Buzy à Laruns, la diminution de la population est du même ordre, montrant que la présence d’une ligne ferroviaire n’est pas la solution miracle pour désenclaver les vallées pyrénéennes.

Seuls, les villages situés entre Pau et Oloron-Sainte-Marie profiteraient de la présence des liaisons ferroviaires avec une population totale qui augmente. Mais en regardant dans les détails, ce sont surtout les villes de Gelos et de Gan dont les populations ont augmenté de respectivement 110 et 94 habitants entre 2016 et 2021 qui sont les seules villes responsables de cette croissance. Est-ce à dire que la vingtaine de voyageurs qui montent et descendent chaque jour aux haltes de Croix-du-Prince et de Gan explique cette augmentation de population ? La réponse est évidemment négative, puisque ces nouveaux habitants sont tous motorisés et utilisent leurs véhicules personnels ou les lignes de bus urbain n°5, n°11 et n°15, surtout à Gelos, pour effectuer leurs déplacements.

La désertification se concrétise d’ailleurs dans les effectifs des écoles de la communauté éducative de la vallée d’Aspe. Autant les enfants furent plus nombreux à la rentrée 2012 avec une institutrice n’hésitant pas à dire “Il y a des décennies que l’on n’avait pas vu ça !” [6], autant c’est la déconvenue depuis 2018 avec des effectifs qui diminuent, ce qui fit dire au maire de Bedous : “Depuis 2018, chaque année, l’effectif global baisse : 65 en 2018, 59 en 2019, et 55, cette année” [7]. L’hémorragie ne se termine malheureusement pas avec de grandes inquiétudes pour les futures rentrées comme l’évoquent divers articles qui tendent à démontrer la volonté de l’inspection d’académie de réduire les effectifs du personnel enseignant [8] [9] [10] [11] [12] [13]. Ce n’est que grâce à la mobilisation des parents d’élèves et des élus, dont certains sont paradoxalement des partisans de la réouverture jusqu’à Canfranc, que l’inspection académique recule [14] [15]. Pourtant, l’argument de la réouverture de la ligne Oloron-Sainte-Marie – Bedous était encore utilisé avant sa remise en service pour dynamiser l’attractivité des villages par l’un de nos politiciens locaux : “Si la baisse des élèves est liée à une problématique nationale de faible natalité, nous sommes en mesure de dynamiser l’attractivité des villages du Haut-Béarn, en améliorant leur accessibilité. Cela passe par une politique ambitieuse en terme de transports : l’amélioration de la RN134 et la construction de la voie ferrée Pau-Canfranc vont dans ce sens” [16].

Les autres services publics pâtissent d’ailleurs de cette situation, puisque l’hôpital d’Oloron-Sainte-Marie accumule, année après année, les crises et les fermetures de services et la Poste de Bedous se réorganise avec une fermeture envisagée de ses locaux [17].

Les professionnels de la vallée d’Aspe disent eux-mêmes que cette liaison entre Oloron-Sainte-Marie et Bedous ne redynamise pas leur vallée. C’est ainsi qu’un sondage réalisé dans le cadre du projet de création du Géotrain [18] pages 67, 68 et 146 auprès de plusieurs acteurs du tourisme montre que, parmi les 15 réponses reçues :

  • 2 acteurs du tourisme seulement estiment que la fréquentation a augmenté avec la réouverture de la section ;
  • 11 acteurs du tourisme n’ont vu aucun changement ;
  • 1 acteur du tourisme estime même qu’il y a eu diminution de l’activité.

La réouverture de la ligne Oloron-Sainte-Marie – Bedous n’a pas permis de désenclaver et de redynamiser la vallée d’Aspe. Bien au contraire, en plus d’avoir coûté très cher en investissement et de maintenant coûter très cher en exploitation, cette ligne ferroviaire accélère l’exode rural et la désertification : l’exacte opposé à ce qui avait été initialement promis. Nos politiciens locaux ont donc tout faux et nous ont bien menti ! 

Quelques références

[1] : Journal télévisé de 20h – L’œil du 20h – France 2 – 23 novembre 2016

[2] : Reprise des circulations ferroviaires entre Oloron et Bedous – Dossier provisoire d’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique, à la mise en compatibilité des documents d’urbanisme et à la suppression des passages à niveau – Pièce B – Présentation du projet – RFF – version D – juin 2012

[3] : INSEE – https://www.insee.fr/fr/statistiques/2522602 – Historique des populations légales – Recensements de la population 1968-2021 – 28 décembre 2023

[4] : Oloron gagne des habitants, Josbaig en hausse, la Vallée d’Aspe toujours en berne – Gildas Boënnec – La République des Pyrénées – 30 décembre 2022

[5] : Oloron perd des habitants, tandis qu’Arette et la vallée de Josbaig voient leurs populations progresser – Benoît Rouzaud – La République des Pyrénées – 2 janvier 2024

[6] : Ecole primaire en vallée d’Aspe : effectifs en légère hausse – Odile Isern – La République des Pyrénées – 5 septembre 2012

[7] : Des personnels organisés – Sud-Ouest – 2 septembre 2020

[8] : Regroupement pédagogique d’Accous/Bedous : les maires inquiets – Odile Isern – La République des Pyrénées – 29 janvier 2021

[9] : Suppression de postes au RPI d’Accous : parents et élus se mobilisent – Odile Isern – La République des Pyrénées – 25 février 2021

[10] : Accous-Bedous : les parents d’élèves du RPI en colère et mobilisés – Martine Lacout-Loustalet – La République des Pyrénées – 2 mars 2021

[11] : Une classe menacée de fermeture au sein du RPI Agnos – Gurmençon – Gildas Boënnec – La République des Pyrénées – 1er février 2022

[12] : Accous, Un demi-poste en danger à l’école – La République des Pyrénées – 8 février 2023

[13] : Béarn : deux écoles menacées par des fermetures de postes à Arudy et Accous, Oloron « souffle » – Étienne Czernecka – Sud-Ouest – 1er mars 2023

[14] : Plus de 200 personnes mobilisées à Oloron contre les fermetures de classes en Haut-Béarn – Gildas Boënnec – La République des Pyrénées – 8 février 2022

[15] : Les suppressions de postes annulées à l’école Pondeilh d’Oloron et aux RPI Agnos-Gurmençon et Accous-Bedous – Gildas Boënnec – La République des Pyrénées – 1er mars 2022

[16] : Comment le Haut-Béarn s’adapte à la baisse du nombre d’écoliers – Gildas Boënnec – La République des Pyrénées – 11 avril 2016

[17] : Bedous la réorganisation de la Poste interroge – Odile Isern – La République des Pyrénées – 20 décembre 2021

[18] : Le Géotrain Pyrénéen, un objet géotouristique complexe – Audrey Billerot – Université de Pau et des Pays de l’Adour – 2019