Fiasco et gabegie de Pau à Bedous

Les coûts d’investissement de la réhabilitation Oloron – Bedous

“…die Gewinne von heute sind die Investitionen von morgen

und die Arbeitsplätze von übermorgen.

Helmut Schmidt (1918 – 2015) – Théorème de Schmidt – 1974

Pauvre Helmut Schmidt ! Heureux pour vous que vous soyez décédés un an avant la réouverture d’Oloron – Bedous, car vous auriez eu la démonstration par l’absurde que votre célèbre théorème, dit théorème de Schmidt, s’applique partout dans le monde, sauf en vallée d’Aspe !

Résumé de l’article

Cet article essaie de répondre à cette question : comment la réhabilitation de 25km de voies ferrées fermées 30 années précédemment et dont les coûts ont été initialement estimés à 30M€ avec mise en place d’une signalisation automatique permettant d’avoir des trains de marchandises et un cadencement des trains de voyageurs à 2 heures en heures creuses et 1 heure en heures de pointe, a-t-elle pu déraper pour arriver à des coûts de l’ordre de 122M€, soit 4 fois plus cher, mais avec des travaux faits au rabais, sans signalisation automatique, sans trains de marchandises, sans cadencement, mais avec un système de navettes antédiluvien ne permettant que seulement 6 aller-retours par jour ?

Version initiale du 30 janvier 2024

La réhabilitation d’Oloron-Sainte-Marie à Bedous en 2014-2016

L’histoire de cette section

La section de ligne Oloron – Bedous a été mise en service le 21 avril 1914 et exploitée originellement par la Compagnie du Midi en traction à vapeur. La ligne entière a été électrifiée en tension de 1 500V en avril 1928 puis exploitée en traction électrique. Etant une ligne de faible intérêt, elle n’a fait l’objet tout au long du XXème siècle que de maintenance à son niveau minimal et n’a jamais connu de rénovation importante. Son exploitation au trafic voyageurs est arrêtée le 31 mai 1980 en raison d’une fréquentation très faible de 10 à 15 voyageurs par train et d’un déficit chronique de 2,5MF par an. Par la suite, le 24 janvier 1986, les derniers wagons de marchandises quittent la gare de Bedous, si bien que plus aucun train ne circule sur cette section Oloron – Bedous à partir de cette date.

Une réhabilitation à la suite de la rénovation Pau – Oloron

Dès 2000, la réhabilitation complète de la ligne Pau – Oloron – Bedous est inscrite dans le CPER 2000-2006 pour un budget de 340MF pour une exploitation en traction électrique 25kV. Aucune décision n’est prise par la Région et le budget de 340MF du CPER 2000-2006 n’est pas consommé.

En 2007, une demande officielle est faite à RFF de rouvrir la section Oloron – Bedous pour une exploitation en traction thermique des voyageurs et marchandises afin de desservir l’usine Toyal d’Accous qui serait susceptible d’affréter 1 000t de marchandises chaque année. L’idée de la Région est de profiter de la rénovation de la section Pau – Oloron pour réhabiliter “dans la foulée” la section Oloron – Bedous.

Des études d’avant-projet sont lancées par RFF. Le coût de cette réhabilitation est estimé à 30M€ et la réouverture est envisagée pour 2010 simultanément avec la rénovation de la section Pau – Oloron. La Région Aquitaine financerait seule cet investissement tout en sollicitant une subvention européenne. Devant le peu d’intérêt de la SNCF pour cette réouverture, l’exploitation serait alors confiée à un autre opérateur, si possible espagnol.

Le débroussaillage a lieu de fin janvier à avril 2008 pour 100k€ pour permettre de déroulement des études d’avant-projet. A la suite de ces études d’avant-projet, des études de projet devraient être lancées jusqu’en 2009 pour un coût de 2,1M€, l’objectif étant de réaliser les 6 mois de travaux en 2010 pour une réouverture en fin d’année 2010. L’Etat annonce définitivement son intention de ne pas participer au financement, la Région dépose alors une subvention afin d’obtenir des fonds européens. L’Europe décline la demande de subvention, le projet est bloqué, les études de projet ne débutent pas.

En janvier 2009, RFF soulève la problématique de l’application de la directive Bussereau sur les passages à niveau à supprimer ou à déniveler. Potentiellement, 25 passages à niveau sont concernés sur toute la section. A un coût minimum de 2M€ par passage à niveau à déniveler, ce seraient 50M€ à rajouter aux 30M€ prévus initialement. En effet, cette directive datée du 26 juin 2008 et émise par le Secrétaire d’Etat chargé des Transports, Dominique Bussereau, exige dans sa mesure n°20 de ne pas créer de nouveaux passages à niveau sur des réouvertures de ligne aux voyageurs.

En juin 2009, la Région obtient une dérogation à l’application stricte de la directive Bussereau auprès du Ministre de l’Ecologie, Jean-Louis Borloo. Une étude de sécurité permettra de justifier de la non-application de la suppression ou dénivellation de certains passages à niveau. Ces différents contretemps mènent à un report de la réouverture à 2011, puis à 2012.

La liste des travaux à effectuer est conséquente : il faut refaire la plateforme sur 70cm de profondeur et la voie, assainir cette voie, remettre du ballast neuf et des traverses neuves, reprendre et réhabiliter tous les ouvrages d’art, retravailler tous les ouvrages en terre, installer une signalisation de type Block Automatique, refaire les points d’arrêts de Bidos, Lurbe-Saint-Christau et Bedous, supprimer ou déniveler les passages à niveau, poser des artères-câbles et des filets de détection de chutes de pierres… et tout cela avec des difficultés d’accès au chantier et dans des zones classées Natura 2000. En décembre 2009, est évoquée une réouverture pour 2013, mais le Président du Conseil Régional exige de tenir la date de 2012.

En mars 2010, le report de la réouverture à 2013 est confirmé et est expliqué par le retard induit par l’application de la directive Bussereau. En novembre 2010, débutent enfin les études de projet.

Une explosion des coûts de la réouverture

En février 2011, un véritable coup de tonnerre se produit ! La nécessité de déniveler 6 passages à niveau et le réajustement des coûts des travaux font passer l’estimation des coûts de la réouverture de 30M€ à 122M€ ! La Région annonce qu’elle ne pourra pas financer seule la réouverture, elle fait de nouveau appel à l’Etat et à l’Europe et envisage sérieusement de s’appuyer sur un financement privé. Pour couronner le tout, le coût des études de projet est réajusté de 2,6M€ à 4,7M€.

Après négociation, la Région obtient de ne déniveler que 3 passages à niveau au lieu de 6, les coûts sont alors réajustés à 105M€. L’inflation globale s’explique par le caractère mouvementé du relief et les nombreux ouvrages d’art à refaire entièrement.

Finalement, la Région accepte de financer seule les 105M€. Sur les 27 passages à niveau, 13 seront supprimés, 11 seront automatisés et 3 seront dénivelés. La date de la réouverture est repoussée à 2015.

Le débroussaillage débute, des oppositions au projet se font jour

Enfin, en novembre 2011, le débroussaillage de grande ampleur préalable aux travaux débutent. Avec lui, les premières oppositions se font entendre : des habitants de la résidence la Baline en sortie du tunnel d’Oloron, des riverains, le maire de Bidos,… tous dénoncent l’explosion des coûts pour un projet non rentable qui consiste à remplacer un bus qui transporte quelques personnes par un train qui transportera toujours aussi peu de personnes. Personne ne croit aux estimations des 200 voyageurs par jour et des 200 salariés de Messier-Dowty à Bidos qui seraient intéressés par utiliser le train quotidiennement.

C’est d’autant plus vrai que la confusion règne sur les coûts de la réouverture. En février 2012, RFF annonce désormais un coût de 122M€ au lieu de 105M€ ! Qui plus est, pour limiter encore ces coûts, l’installation de la signalisation de type Block Automatique est abandonnée au profit d’une exploitation de type navette. Cette exploitation antédiluvienne sans signalisation n’autorise qu’un et un seul unique train à être présent sur la voie entre Oloron et Bedous. Avec un tel système, la circulation des trains de marchandises est exclue, et le nombre d’aller-retours des trains de voyageurs est fortement limité. Ce seront donc uniquement 4 aller-retours qui seront effectués d’Oloron à Bedous et 2 aller-retours supplémentaire d’Oloron à Bidos, bien loin des objectifs initiaux de la Région d’appliquer le cadencement aux 2 heures en heures creuses et à 1 heure en heures de pointe.

Les leurres pour apaiser les esprits

L’annonce du réajustement à 122M€ font l’effet d’une bombe auprès des aquitains et des politiciens locaux, la Région doit donc rétropédaler en expliquant que le coût est de 100M€ aux conditions économiques de 2010, mais réajusté à 120M€ aux conditions économiques de 2012.

Qui plus est, le Président de la Région annonce qu’une société privée, la société canadienne SNC Lavalin, est disposée à financer en partie la ligne à condition d’en prendre la gestion pour y faire circuler des trains de marchandises et un train touristique. Il faut dire que cette société gère déjà l’aéroport de Tarbes-Lourdes et lorgne fortement sur celui de Pau-Pyrénées dont la délégation doit être renouvelée en 2015. Bien évidemment, tout cela n’est qu’un leurre supplémentaire qui n’a pas pour objectif d’aboutir, mais pour uniquement calmer les esprits qui s’échauffent.

Ceci est d’autant plus vrai que l’Autorité Environnementale en charge de faire des prescriptions non contraignantes, émet son rapport en décembre 2012 et soulève le risque très élevé d’une non-rentabilité pour une ligne qui remplace un autocar qui transporte seulement 5 passagers en moyenne.

L’enquête publique

Le 8 avril 2013 débute l’enquête publique. Le dossier mentionne un projet non-rentable d’un coût de 122M€ et une estimation du nombre de voyageurs à 200 à un niveau modéré et de 330 à un niveau optimiste. Une nouvelle embrouille apparaît au niveau des coûts de la réouverture. Les 100M€ aux conditions économiques de 2010 diminuent à 90,5M€ aux conditions économiques de 2011, ce qui correspondrait à 102M€ actualisé en juillet 2013. Tout cela n’inspire pas la confiance et fait penser à de grosses entourloupes et magouilles gérées directement par la Région.

De plus, la Région revient à la charge auprès de l’Europe pour obtenir une subvention de 30% des travaux, soit 30,6M€, dans le cadre du développement du réseau européen de transport RTE-E. Bien évidemment, cette subvention ne sera jamais accordée.

Tout cela ne fait plus vraiment très sérieux, alors pour noyer le poisson, un autre projet farfelu sort du chapeau en avril 2013. Il s’agirait maintenant de créer une usine d’embouteillage d’eau de source à Bedous ou Urdos, bouteilles qui seraient ensuite acheminées par train de marchandises depuis Bedous jusqu’aux ports de Bassens, Fos-sur-Mer ou Barcelone puis envoyer par containers en Asie ! Tout cela restera bien évidemment lettre-morte mais tout est bon pour faire diversion.

Le 17 juillet 2013 et après 3 mois d’enquête publique, les trois commissaires-enquêteurs déposent leur rapport avec un avis défavorable à la réouverture, ce qui était une évidence pour tout le monde dès le départ. Bien évidemment, les partisans de la réouverture fulminent et en particulier le Président de la Région Nouvelle-Aquitaine qui n’hésite pas à dénigrer personnellement les trois commissaires-enquêteurs en expliquant qu’ils n’ont strictement rien compris car le coût des travaux n’est que de 100M€ et que le déficit annuel n’est que de 0,5M€.

Coup d’état chez les préfets des Pyrénées-Atlantiques

La réhabilitation de la section Oloron – Bedous est clairement en danger !

Qui plus est, le préfet des Pyrénées-Atlantiques Lionel Beffre, ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin, n’est pas du tout enclin à signer une Déclaration d’Utilité Publique à la vue d’un tel rapport si défavorable à la réouverture.

La Région et son Président se doivent donc d’agir…

C’est alors qu’arrive le coup d’état du 21 août 2013 : en plein été et alors que tout le monde revient de vacances, le préfet Lionel Beffre est promptement débarqué de son poste par Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, après seulement 18 mois de présence dans les Pyrénées-Atlantiques et est envoyé au bout du monde en Polynésie Française.

Que s’est-il passé en ce mois d’août 2013 entre la rue François de Sourdis à Bordeaux et la place Beauvau à Paris: seuls les fantômes le savent… On rappellera simplement que le Président du Conseil Régional et Manuel Valls furent très actifs lors de la campagne présidentielle de François Hollande en 2012, que Manuel Valls viendra soutenir le Président du Conseil Régional à Poitiers le 25 novembre 2015 pour les élections régionales, et que le Président du Conseil Régional appellera à voter pour Manuel Valls lors de la primaire du Parti Socialiste le 22 janvier 2017.

Quoi qu’il en soit, le 16 septembre 2013, le nouveau préfet des Pyrénées-Atlantiques, Pierre-André Durand, arrive à Pau et annonce d’emblée et sans embarras qu’il a été nommé pour signer la Déclaration d’Utilité Publique et qu’il va la signer. Les maires de Bidos, Gurmençon et d’Asasp-Arros sont furieux d’être mis devant le fait accompli d’une décision prise sans concertation et qui va à l’encontre des valeurs démocratiques les plus élémentaires.

Comme il s’y était engagé auprès de son Ministre et de ses amis, le préfet Pierre-André Durand signe la Déclaration d’Utilité Publique le 19 février 2014. Un recours devant le tribunal administratif sera aussitôt déposé par le CROC sans beaucoup d’espoir. Le recours est effectivement rejeté sur la forme le 19 juin 2014 puis sur le fond le 21 avril 2017.

Les travaux débutent, puis s’arrêtent puis repartent

Rien ne s’oppose alors aux travaux qui débutent le 26 septembre 2014 avec la cérémonie d’ouverture qui rassemblent tous les acteurs de ce projet. A partir de ce moment, la communication de la Région est verrouillée : le coût de la réouverture est définitivement fixé à 102M€, quels que soient les travaux ou avenants supplémentaires. Plus question d’avoir des coûts qui oscillent entre 90M€ et 122M€ et qui ajoutent de la confusion à la confusion, au détriment des partisans de la réouverture !

Quelques jours après la réouverture, les travaux sont stoppés en deux endroits différents en raison de la présence d’une plante, l’œillet magnifique, Dianthus superbus. Il faudra attendre l’autorisation de la DREAL pour les reprendre.

En février 2015, la commune de Sarrance sollicite la mise en place d’une halte ferroviaire sur ses hauteurs pour permettre aux touristes et pèlerins du chemin de Saint-Jacques d’accéder au riche patrimoine architectural de son église et de son monastère. Les études de RFF avaient pourtant démontré qu’une telle halte n’aurait pas beaucoup de succès. La Région accède cependant à cette demande et enjoint SNCF Réseau de réaliser la halte. Le coût de cette digression ne sera jamais connu et communiqué par SNCF Réseau et la Région. Ce qui sera connu en revanche, c’est le nombre d’usagers qui s’arrêteront à Sarrance par la suite : 1 à 2 en moyenne par jour. Même pas suffisant pour célébrer dans l’église et son monastère un Te Deum à la gloire de la ligne ferroviaire !

En mars 2015 et à la suite d’un éboulement arrivé en janvier précédemment, une énorme complication apparait au Pont-Suzon à Sarrance au carrefour des routes RN134, D214 et de la voie ferrée. Toute la falaise menace désormais de s’effondrer. Il n’y a pas d’autre choix que de couler des tonnes et des tonnes de béton pour stabiliser le relief et créer des murs de 8m de hauteur, et ceci sans aucune remontrance des associations écologiques prêtes à fermer les yeux devant toutes ces aberrations et cette véritable verrue environnementale. En raison de ce chantier monumental, les travaux devront être faits et refaits en 2015, 2016 et 2017. Ici aussi, le coût de cette digression ne sera jamais connu et communiqué par SNCF Réseau et la Région.

Un contrat de plan très trouble

Le 23 juillet 2015, le CPER 2015-2020 est signé entre la Région Aquitaine et l’Etat. Alors que les aspects financiers ont été normalement réglés entre la Région, l’Etat et SNCF Réseau, ce contrat de plan ajoute encore de la confusion à la confusion. Ce CPER mentionne un coût des travaux de la réouverture de 96M€ qui seraient la part de la Région et de l’Europe. Il réintègre les coûts des suppressions du passage à niveau 50 d’Escot pour 6M€ pour arriver au total officiel de 102M€. Au final, la Région ne financerait que 73M€, le Département 3,8M€ et l’Europe 19,2M€. Une fois de plus, l’on cherche à faire croire que l’Europe financera alors qu’elle ne financera strictement rien. De plus, la suppression du passage à niveau d’Herrère pour 8,1M€ sort du volet ferroviaire pour être intégré dans le volet routier car financer à 50% par l’Etat.

Des coûts supplémentaires

RFF puis SNCF Réseau et SNCF Voyageurs n’ont jamais caché leur hostilité à ce projet, elles ne veulent donc pas en assurer les déficits et font donc payer très chers à la Région tous les à-côtés de l’exploitation de la ligne. C’est ainsi que les aspects suivants font l’objet de contrats avec la Région :

  • mise en place de 9 afficheurs légers dans chaque gare de Pau à Bedous et 3 en gare d’Oloron pour un coût d’exploitation de 18 664€ par an à prendre en charge par la Région ;
  • prise en charge par la Région du déficit d’exploitation de la section Oloron – Bedous estimé à 1,29M€ par an, à réajuster toutes les 5 années ;
  • prise en charge par la Région des charges d’entretien de la section Oloron – Bedous estimé à 1,2M€ par an, à réajuster toutes les 5 années ;
  • crédits supplémentaires de 5,1M€ en 2019 pour solder les travaux et installer de la télésurveillance sur 17 passages à niveau.

Et le plus extraordinaire et le plus incroyable : la participation de la Région à hauteur de 35%, soit 46k€ pour la construction d’un abribus en gare de Canfranc dont le coût total est de 140k€ !

Ici aussi, la déception et des travaux faits au rabais

Après 21 mois de travaux acharnés, la section Oloron – Bedous est rouverte le 26 juin 2016 et l’inauguration officielle en présence des officiels de la Région et de la SNCF se déroule le 1er juillet 2016. Même le Président de la SNCF, Guillaume Pépy, sera du voyage. Manifestement très gêné par les questions des journalistes sur le rôle pas très glorieux de RFF puis de SNCF Réseau dans cette gabegie, il éludera gentiment les questions des journalistes pour ramener constamment les responsabilités à l’Etat et à la Région et réutilisera les poncifs éculés du Président du Conseil Régional comme justification de la réouverture.

Passé les premiers jours euphoriques, il faut très vite se rendre à l’évidence, la fréquentation est un véritable flop. Et cela pose un problème, non sur les coûts d’investissements et d’exploitation, car ce sont les contribuables qui paieront la facture, mais sur la crédibilité du Président du Conseil Régional. Il doit en effet se rendre à Bruxelles le 18 octobre 2016 pour quémander des subventions afin de financer 40% des études et des travaux de la prolongation de la ligne ferroviaire jusqu’à Canfranc pour achever définitivement l’axe Pau – Canfranc – Saragosse. Pas question pour lui de passer pour un bouffon et un menteur !

C’est alors qu’est mise en place une honteuse campagne de désinformation et de propagande par le Conseil Régional de Nouvelle-Aquitaine avec la complicité des partisans de la réouverture, des journaux locaux et des télévisions locales pour faire croire à une fréquentation au-delà des espérances et pour sauver les apparences. Gare à ceux qui osent mettre en cause la doxa officielle ! Le CROC l’a appris à ses dépens : ayant réalisé des comptages début octobre qui quantifient l’ampleur du désastre, ce n’est qu’après le 18 octobre 2016 que les journaux locaux osent enfin évoquer ces comptages.

Mais dès l’automne 2016, les conditions d’exploitation sont difficiles avec les feuilles mortes, les mouvements sociaux, les difficultés de faire le plein des automotrices X73500, si bien que de nombreux voyageurs préfèrent définitivement renoncer à leurs voyages.

En 2017, un ralentissement à 40km/h et mis en place à Lurbe-Saint-Christau en raison de la présence d’un rocher surplombant la voie et menaçant de se décrocher de la falaise. Entre septembre et décembre 2017, la moitié des circulations sont annulées et remplacées par des bus de substitution en raison des conditions météorologiques, de la défectuosité du matériel et des mouvements sociaux.

Le 16 juillet 2018, une coulée de boue provoquée par de fortes pluies près de la gare de Buzy oblige à stopper toutes les circulations le temps de réparer la voie sur une vingtaine de mètres. Le retour à la normale a lieu le 31 juillet 2018 avec la mise en place de ralentissements.

En l’année 2020, la crise sanitaire a un effet délétère sur la circulation des trains entre Pau et Bedous. Déjà soumise à de fortes annulations depuis décembre 2019 en raison de nombreux mouvements sociaux, la ligne est fermée dès le mois de mars et ne rouvre que le 11 mai 2020 sur la section de Pau à Oloron puis le 9 juin 2020 sur la section d’Oloron à Bedous. Il faut dire qu’un glissement de terrain survenu le 15 avril 2020 au niveau de la falaise de l’Araou en entrée de Bedous a demandé des travaux de consolidation qui ont retardé la réouverture.

Le 31 janvier 2022, le mur de soutènement du viaduc de Lescoudé s’effondre en raison des crues successives du gave. Ce potentiel problème avait été initialement identifié lors de la réhabilitation de cette section mais n’avait pas été traité faute de budget. Les circulations sont définitivement interrompues entre Oloron et Bedous et ne reprennent que le 2 juillet 2022 mais avec une limitation de vitesse à 10km/h. Entre temps, de lourds travaux de confortement sont effectués en mai et juin 2022 par SNCF Réseau en utilisant une grue de 350t, l’une des plus performantes de France. Les travaux se poursuivent en septembre et octobre 2022 pour consolider l’ensemble du mur et du viaduc et permettre la reprise des circulations à la vitesse normale. Et pourtant, ce chantier hors norme réalisé avec du matériel de haute technicité n’a officiellement coûté que 2,2M€, entièrement payés par la Région, ce qui interroge vraiment !

Le 24 octobre 2022, des travaux sur une ligne électrique à hauteur de Bizanos obligent à couper la ligne ferroviaire jusqu’au 13 novembre 2022, des bus de substitution sont alors mis en place.

De février à la mi-mars 2023, un premier chantier de rénovation du pont polygonal en sortie de la gare de Pau est effectué de nuit sans coupure des circulations. Ce chantier consiste à changer toutes les traverses et n’est rien à côté du chantier d’ampleur qui devra être effectué à terme sur ce pont. Ce chantier d’un coût de 500k€ est financé pour 330k€ par la Région et 170k€ par l’Etat.

De septembre 2023 à janvier 2024, des travaux de grande importance sont réalisés au niveau de la falaise sur 300m de long et 30m de hauteur en sortie du tunnel de l’Araou et en entrée de Bedous. Ces travaux consistent à conforter la falaise en projetant du béton et à installer des câbles haute résistance et des grillages de protection pour éviter les éboulements et chutes de pierres. Le projet fait l’objet d’un arrêté de dérogation à l’interdiction de destructions d’espèces animales protégées, tellement les dégâts sur la faune et la flore sont importants, sans que les associations écologistes ne s’en offusquent. Les circulations sont interrompues en journées, ce qui renchérit encore le coût du chantier. Pourtant, ce chantier réalisé par des entreprises de haute technicité dans les travaux acrobatiques ne coûte officiellement que 2,3M€, entièrement payés par la Région, ce qui, ici aussi, interroge vraiment !

Au final, quel coût exact pour cette réhabilitation d’Oloron à Bedous ?

Voici une question qui ne connaîtra jamais de réponse ! ou bien la seule et unique réponse officielle : 102M€ ! Valeur qui ne convainc personne.

Alors est-on plus proche de 102M€, que de 122M€ comme écrit dans la Déclaration d’Utilité Publique, voire plus ? La seule certitude est que le financement est apporté par la Région Nouvelle-Aquitaine et elle-seule. De base, certainement que le coût est plus proche de 122M€, mais auquel il faut rajouter :

  • la réalisation de la halte de Sarrance ;
  • le bétonnage massif de la falaise au Pont-Suzon.

Mais également tous les travaux qui ont été faits depuis la réouverture et dont certains avaient été identifiés mais non réalisés initialement par faute de budget. Les deux principaux travaux restent cependant :

  • le confortement du mur de soutènement du viaduc de Lescoudé, dont le coût officiel est de 2,2M€ ;
  • le confortement de la falaise en sortie du tunnel de l’Araou et en entrée de Bedous, dont le coût officiel est de 2,3M€.

Il est difficile d’avancer des valeurs réalistes, mais ce sont certainement des millions d’euros supplémentaires dépensés dans ces lourds travaux demandant l’intervention d’entreprises spécialisées dans des chantiers aux conditions difficiles.

Et ce n’est pas terminé, le pont polygonal en sortie de la gare de Pau doit être entièrement refait : le tablier métallique, mais aussi, et c’est à confirmer, les piles du pont. C’est un énorme chantier qui a d’ores et déjà été provisionné à hauteur de 15M€ en avril 2021 dans le “Protocole d’accord entre l’Etat et la Région Nouvelle-Aquitaine sur l’avenir des lignes ferroviaires de desserte fine du territoire”. Certainement que ces 15M€ seront bien insuffisants s’il faut changer les piles du pont : voilà un chantier qui interrompra les circulations durant plusieurs mois et dont l’on n’a pas fini d’entendre parler…

Pour le contribuable néo-aquitain, la note devient, vraiment, mais vraiment très salée !