La Wunderline, une liaison transfrontalière au passé similaire
au Pau – Canfranc – Saragosse mais qui connaît
un destin bien différent
“Le génie français est perdu ; il veut devenir anglais, hollandais et allemand.
Nous sommes des singes qui avons renoncé à nos jolies gambades, pour imiter mal les bœufs et les ours.”
Voltaire (1694-1778) – lettre à Madame du Boccage – 2 février 1759
Cher Voltaire, le génie français est effectivement perdu, tout particulièrement en vallée d’Aspe chez les partisans de la réouverture. En ont-ils eu d’ailleurs ? Et pour vous contredire, cette fois ci, nous aimerions devenir hollandais et allemands, quitte à mal imiter les bœufs et les ours. Car en termes de génie, sur la Wunderline, hollandais et allemands nous montrent le chemin à suivre comme nous allons le voir maintenant.
Résumé de cet article
Cet article analyse les travaux en cours sur la Wunderline qui relie Groningue à Brême. Après avoir eu son principal pont ferroviaire détruit en 2015, cette ligne transfrontalière en voie d’abandon renaît grâce aux subventions et aux encouragements de l’Europe. Pour limiter les coûts, la ligne n’accueillera pas de trafic de marchandises car estimé au mieux à 1,5Mt/an, soit trop faible pour des investissements conséquents. La comparaison avec la ligne Pau – Canfranc – Saragosse montre que cette dernière ne tient pas la route : à populations pourtant similaires, la ligne Pau – Canfranc – Saragosse accueillera un trafic de voyageurs 25 à 40 fois moins important, le coût des travaux sera sans commune mesure, les coûts d’exploitation seront élevés, le trajet en train ne sera jamais compétitif face à la voiture, l’intermodalité ne sera pas assurée… Tout le contraire de la Wunderline qui est un projet réaliste, bien conçu, bien justifié, bien réfléchi, bien maîtrisé, soutenu par les états néerlandais, allemand et par l’Europe.
Version initiale du 27 septembre 2021, dernière mise à jour au 26 juillet 2024
Présentation de la Wunderline
La Wunderline (“ligne des merveilles”) relie Groningue aux Pays-Bas à Brême en Allemagne. C’est une ligne transfrontalière qui a connu des aléas très semblables à ceux de la ligne Pau – Canfranc – Saragosse, mais dont le destin futur s’annonce bien différent. C’est une ligne ferroviaire qui relie deux villes en tout point semblables à Pau et à Saragosse en population des agglomérations, bien que les villes intermédiaires soient cependant plus peuplées et les densités de population plus importantes.
Cette ligne est à voie unique et non électrifiée dans sa partie frontalière. Elle constitue une partie de l’ancienne ligne qui reliait Amsterdam à Hambourg. Pourtant, mal entretenue et quelque peu oubliée, certaines de ses portions ont connu des limitations de vitesse et une fréquentation qui n’a cessé de diminuer au fil du temps. Le coup de grâce est advenu le 3 décembre 2015 lorsqu’une barge descendant l’Ems a raté sa manœuvre et a enfoncé une pile du pont levant ferroviaire Friesenbrücke interdisant désormais tout trafic aux trains.
Le renouveau de la Wunderline donne des ailes à l’Europe qui a ainsi décidé de créer un nouveau couloir ferroviaire d’Amsterdam à Copenhague dénommé Lelyline et qui empruntera le tunnel du Fehmarnbelt actuellement en construction entre l’Allemagne et le Danemark. Cette nouvelle ligne est désormais intégrée dans le corridor Mer du Nord – Baltique du projet RTE-T.
Le futur de la Wunderline
C’en était fini définitivement de la Wunderline et de cette connexion ferroviaire entre le nord des Pays-Bas et l’ouest de la Basse-Saxe. Pourtant, un consortium mené par la province de Groningue, le Ministère Néerlandais des Infrastructures et de Gestion de l’Eau, le Land de Basse-Saxe, la ville hanséatique libre de Brême ont relevé leurs manches et ont décidé de relever le défi : faire renaître la Wunderline, reconstruire le pont détruit, moderniser la ligne avec une mise de certaines sections à double voie, adapter la signalisation, relever les vitesses, aménager les gares, développer l’intermodalité et avoir des objectifs ambitieux de fréquentation.
Une étude [5] a démontré le potentiel économique et sociétal de la réouverture de la Wunderline. Un plan ambitieux a donc été mis en œuvre dont l’objectif consiste à en faire une liaison plus rapide et plus confortable pour les travailleurs, les étudiants et les touristes. Il est ainsi prévu que la liaison transportera 1 900 frontaliers par jour au lieu de 700 actuellement. A terme en 2030, la durée du trajet en train sera de 2h11 entre Groningue et Brême, soit une durée compétitive avec la durée du trajet en voiture qui est d’environ 1h50 pour 180km d’autoroute. La Wunderline constituera alors la sixième connexion ferroviaire entre les Pays-Bas et l’Allemagne.
Le phasage des travaux
La feuille de route mise en place comprend trois phases successives de travaux :
- la phase 1 de 2019 à 2025 : elle consiste à augmenter la vitesse de certaines sections à 130km/h aux Pays-Bas et 120km/h en Allemagne, à améliorer la signalisation en Allemagne, à mettre des sections en double-voie aux Pays-Bas, à aménager des gares, à réouvrir la halte de Bunde et à reconstruire le pont Friesenbrücke sur l’Ems ;
- la phase 2 de 2025 à 2030 : elle consiste à augmenter la vitesse de certaines sections à 130km/h aux Pays-Bas, à améliorer la signalisation en Allemagne, à mettre des sections en double-voie en Allemagne, à rouvrir la halte d’Ihrhove et à optimiser la jonction à Leer ;
- la phase 3 après 2030 : elle consiste à faire une liaison directe de Groningue à Brême sans changement de train à Leer en doublant la voie pour augmenter la capacité et en investissant dans des nouvelles automotrices plus performantes et qui pourraient être propulsées par batteries ou hydrogène.
De plus, l’accent est également mis sur l’intermodalité [6] avec le réaménagement des abords de toutes les gares qui est pris en charge par les municipalités [3], ceci afin d’améliorer les correspondances avec les bus et l’utilisation des vélos ou des trottinettes pour le dernier kilomètre.
A côté de la réhabilitation de la ligne qui débute officiellement le 12 janvier 2023, il est nécessaire également de reconstruire le pont Frisenbrücke sur l’Ems. Les travaux ont débuté le 23 juillet 2021 pour une livraison prévue en 2025 avec la fin de la phase 1. Ces travaux consistent à démanteler l’ancien pont levant qui datait de 1951 et à faire un pont tournant de 335m de long. Ce pont tournant sera alors le plus grand pont tournant en Europe, il laissera passer les trains à une vitesse maximale de 130km/h durant 20min chaque heure et les nombreux navires qui empruntent cette voie fluviale très fréquentée le reste du temps.
Le coût des travaux et la contribution de l’UE
Le coût estimé des travaux est le suivant :
- pour les études préliminaires : le coût des études s’élève à 16,6M€ dont la moitié, soit 8,3M€, a fait l’objet d’une subvention de l’Union Européenne (projet 2014-EU-TA-0122-S) ;
- pour la phase 1 : le coût des travaux s’élève à 53,4M€, dont 12,7M€, soit 25%, a fait l’objet d’une subvention de l’Union Européenne (projet 2019-EU-TA-0003-W), d’ailleurs supérieure à ce que le consortium espérait initialement, c’est-à-dire de 5 à 10M€ ;
- pour la phase 2 : le coût des travaux s’élève à 74,9M€ avec une subvention de l’Union Européenne dont le consortium espère qu’elle sera d’au moins 10M€ ;
- pour la phase 3 : le coût des travaux sera supérieur à 90M€, si bien que cette phase n’est pas encore planifiée et ne sera peut-être jamais réalisée.
Une seconde subvention de l’Union Européenne pour les travaux en Allemagne concernant les phases 1 et 2 a été attribuée en 2024 pour un montant de 52M€ (projet 23-DE-TG-Wunderline23) soit bien supérieure aux 10M€ de prévu initialement.
Les études préliminaires ont montré que le bilan entre les avantages attendus par rapport aux coûts de réalisation et d’exploitation seront supérieurs à 1 pour les phases 1 et 2, si bien que le projet pourra bénéficier des aides du gouvernement fédéral allemand.
A noter que le coût de la reconstruction du pont Friesenbrücke sur l’Ems estimé à plus de 200M€ n’est pas pris en charge par le consortium, mais est directement financé par l’état fédéral allemand, par le Land de Basse-Saxe et par le gestionnaire de réseau allemand DB Netze.
La commission européenne ne cesse de faire l’éloge de ce projet, comme le démontre ces citations extraites du Bidbook [1] :
- page 6 : “Die Europäische Kommission förderte die Untersuchungsphase der Wunderline und wies das Projekt als Leuchtturmprojekt für grenzüberschreitende Infrastruktur und als fehlendes Bindeglied im europäischen Schienennetz aus.” (“La Commission européenne a financé la phase d’études de la Wunderline et a désigné le projet comme un projet phare pour les infrastructures transfrontalières et un chaînon manquant du réseau ferroviaire européen.”) ;
- page 49 : “2015 bewilligte die EU acht Millionen Euro an CEF-T-Fördermitteln und wies die Wunderline als Leuchtturmprojekt aus: ein beispielhaftes Projekt zur Verbesserung der grenzüberschreitenden Infrastruktur und Nachhaltigkeit.” (“En 2015, l’UE a accordé un financement de huit millions d’euros au titre du CEF-T et a désigné la Wunderline comme un projet phare : un projet exemplaire pour l’amélioration des infrastructures transfrontalières et de la durabilité.”) ;
- page 58 : “Die Wunderline wurde unterdes als ‘pre-identified’ ausgewiesen, wodurch sie nach 2020 für eine Förderung aus dem CEF-T-Programms in Betracht kommt. Das ist ein wichtiger Schritt, um neben der Mitteln aus dem aktuellen Programm auch Gelder für die Realisierungsphase zu erhalten.” (“La Wunderline a également été désignée comme “pré-identifiée”, ce qui la rend éligible au financement du programme CEF-T après 2020. Il s’agit d’une étape importante pour obtenir des fonds pour la phase de réalisation en plus des fonds du programme actuel.”).
L’UE n’a ainsi pas hésité à accorder une subvention de 12,7M€, supérieure à ce qui était attendu, comme le signale très clairement la lettre d’information de février 2020 [4] dans son article sur l’Europe et Bruxelles : “Auch die EU verfolgt die Fortschritte der Wunderline mit großem Interesse. Gemeinsame Lobbyarbeit der nordniederländischen Provinzen, Niedersachsens, Bremens und des niederländischen Ministeriums für Infrastruktur und Wasserwirtschaft führte zur Bewilligung von 12,7 Millionen Euro für den Bau der Wunderline. Regionalministerin Fleur Gräper zeigte sich hocherfreut, denn der bewilligte Betrag liegt höher als die beantragten 10 Millionen Euro… Die Wunderline erhielt in dieser EU-Förderantragsrunde die besten Bewertungen.” (“L’UE suit également avec grand intérêt l’évolution de la Wunderline. Le lobbying conjoint des provinces du nord des Pays-Bas, de la Basse-Saxe, de Brême et du Ministère Néerlandais des Infrastructures et de la Gestion de l’Eau a conduit à l’approbation d’un montant de 12,7 millions d’euros pour les travaux de la Wunderline. La ministre régionale Fleur Gräper s’est réjouie, car le montant accordé est supérieur aux 10 millions d’euros demandés…La Wunderline a reçu les meilleures évaluations lors de cette phase de demande des financements à l’UE.”).
Le renoncement au transport des marchandises
Dès la mise en œuvre des études, la question s’est posée de rendre la future ligne ferroviaire Wunderline accessible au transport des marchandises. Une étude a été réalisée par la société d’ingénierie TTS TRIMODE Transport Solutions GmbH [2] et démontre les points suivants :
- le manque d’électrification totale de la ligne est un obstacle structurel ;
- les principaux axes proches de la Wunderline sont tous électrifiés ;
- les locomotives diesel dédiées au fret ont un coût d’entretien 25% plus élevé et un coût d’exploitation 150% plus élevé que les locomotives électriques ;
- les itinéraires alternatifs électrifiés à longue distance offrent des conditions de transport plus court et plus rapide.
En considérant les différents travaux prévus pour la Wunderline, le potentiel de trafic estimé en 2035 serait de 0,5Mt/an de fret, ce qui correspondrait à environ 1 200 trains par an (fret de 525 à 540t par train), soit un maximum de 5 trains par jour (280 jours par an). Dans le cas idéal, c’est-à-dire avec une électrification complète de la ligne et divers autres travaux, le potentiel de trafic estimé en 2035 serait de 1,5Mt/an de fret, ce qui correspondrait à environ 2 700 trains par an, soit un maximum de 10 trains par jour.
Cette analyse qui démontre un volume de fret relativement faible, même en électrifiant entièrement la ligne, et ceci en raison de l’existence d’autres lignes en double voies électrifiées et plus performantes entre les Pays-Bas et l’Allemagne ont mené le consortium à renoncer au transport des marchandises. Ainsi, les travaux, en se focalisant uniquement sur le transport des voyageurs seront bien moins coûteux et plus rapidement terminés. C’est ainsi que le Bidbook [1] conclut en page 32 : “Die Investitionen des Wunderline-Projekts konzentrieren sich auf die Aufwertung des Personenverkehrs. Untersuchungen belegen, dass Investitionen in den Güterverkehr keinen Mehrwert bedeuten würden. Bereits in der heutigen Situation übersteigt die Kapazität auf der Schiene die Nachfrage des grenzüberschreitenden Güterverkehrs. Auch in Zukunft wird die potenzielle Nachfrage bei höchstens 5 bis 6 Zügen pro Tag liegen. Mit den geplanten Anpassungen im Rahmen der Wunderline reicht die Kapazität, um den regionalen grenzüberschreitenden Schienengüterverkehr auch künftig abzuwickeln.” (“Les investissements du projet Wunderline sont axés sur la modernisation du transport de passagers. Des études montrent que les investissements dans le transport des marchandises n’apporteraient aucune valeur ajoutée. Dans la situation actuelle, la capacité des chemins de fer dépasse déjà la demande de transport transfrontalier des marchandises. À l’avenir également, la demande potentielle sera au maximum de 5 à 6 trains par jour. Avec les ajustements prévus dans le cadre de la Wunderline, la capacité est suffisante pour traiter également à l’avenir le trafic ferroviaire transfrontalier régional des marchandises.”)
Le résumé des différentes phases des travaux
Situation | En 2015 | Phase 1 | Phase 2 | Phase 3 |
Dates des travaux | 2019 – 2025 | 2025 – 2030 | Après 2030 | |
Durée du trajet | 2h43 | 2h26 | 2h11 | 2h11 |
Correspondance | Leer | Leer | Leer | Aucune |
Voie électrifiée Voie non-électrifiée | 107km 66km | 107km 66km | 107km 66km | 107km 66km |
Voie unique Voie double | 88km 85km | 83km 90km | 70km 103km | A définir ultérieurement |
Voyageurs frontaliers | 700 | 1 900 | 1 900 | 1 900 |
Coût des études et travaux | Etudes 16,6M€ | Travaux 53,4M€ | Travaux 74,9M€ | Travaux >90M€ |
Contribution de l’UE | Etudes 8,3M€ | Travaux 12,7M€ pour 5 à 10M€ prévus | Travaux 52M€ pour 10M€ prévus | A définir ultérieurement |
Principaux travaux | Augmentation de la vitesse aux Pays-Bas 130km/h et en Allemagne 120km/h Signalisation en Allemagne Mise à double voie aux Pays-Bas Reconstruction du pont Friesenbrücke | Optimisation de la jonction à Leer Augmentation de la vitesse aux Pays-Bas 130km/h Signalisation en Allemagne Mise à double voie en Allemagne | Liaison directe de Groningue à Brême Achat de nouvelles automotrices |
L’avenir : une liaison internationale rapide d’Amsterdam à Copenhague
Dès 2022, les gouvernements néerlandais et allemand ont milité auprès de l’Union Européenne pour que la ligne d’Amsterdam à Copenhague dite Lelyline devienne une réalité. L’objectif est de diminuer les temps de trajets en profitant des aménagements en cours le long de cette ligne. A terme en 2050, le temps de parcours entre les deux capitales distantes de 800km sera de 7 heures, bien loin de la situation actuelle qui demande plus de 11 heures de trajet et 4 correspondances. La ligne suivra alors l’itinéraire suivant : Amsterdam – Groningue – Brême – Hambourg – Lübeck – Nykøbing – Copenhague. Dès 2030, il est prévu une amélioration notable de la durée du trajet avec la mise en service de la phase 2 de la Wunderline et du tunnel Fehmarnbelt. En 2035, la mise en œuvre de la phase 3 de la Wunderline avec la suppression du changement de train à Leer permettra encore d’améliorer la situation. Mais c’est véritablement en 2050 avec l’amélioration des vitesses des trains qu’il sera possible de rejoindre les deux capitales en 7 heures et en effectuant seulement 2 correspondances.
La comparaison avec la ligne Pau – Canfranc – Saragosse
“Comparaison n’est pas raison”, et pourtant un parallèle peut être fait entre la Wunderline et la ligne Pau – Canfranc – Saragosse, et l’on peut dire que la comparaison ne va vraiment pas à l’avantage de la seconde.
En termes de population, les agglomérations sont sensiblement du même ordre. Cependant, il existe plus de villes moyennes entre Groningue et Brême et la densité de population est également bien plus importante que les régions rurales de montagne situées entre Pau et Saragosse.
Groningue à Brême | Habitants | Pau à Saragosse | Habitants |
Groningue | 231 299 | Pau | 200 401 |
Hoogezand-Sappemeer | 34 446 | Oloron-Sainte-Marie | 16 550 |
Winschoten | 39 543 | Canfranc | 558 |
Leer | 34 958 | Jaca | 13 122 |
Oldenburg | 168 210 | Sabinanigo | 9 185 |
Delmenhorst | 77 607 | Huesca | 53 956 |
Brême | 569 352 | Saragosse | 681 877 |
Concernant la fréquentation actuelle des trains, le nombre de voyageurs est d’environ 20 fois supérieure sur la Wunderline par rapport à ce qu’elle est sur les sections Pau – Bedous et Canfranc – Saragosse.
Voyageurs par jour de Groningue à Brême (LNVG 2013) | Voyageurs par jour de Pau à Saragosse (SNCF 2019 [7] / RENFE 2015 [8]) | ||
Groningue à Hoogezand-Sappemeer | 5 000 – 10 000 | Pau à Oloron-Sainte-Marie | 250 – 500 |
Hoogezand-Sappemeer à Winschoten | 2 000 – 4 000 | Oloron-Sainte-Marie à Bedous | 0 – 100 |
Winschoten à Leer | 0 – 2 000 | Bedous à Canfranc | 0 – 50 (par car) |
Leer à Bad Zwischenahn | 2 000 – 4 000 | Canfranc à Saragosse | 100 – 150 |
Bad Zwischenahn à Oldenburg | 5 000 – 10 000 | Huesca à Saragosse | 150 – 200 |
Oldenburg à Hude | 10 000 – 20 000 |
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Hude à Brême | 20 000 – 30 000 |
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Au niveau de l’infrastructure actuelle, il existe également de grandes différences :
Situation actuelle | Groningue – Brême | Pau – Canfranc – Saragosse |
Profil de voie | Plate et principalement droite | Déclivités importantes et nombreuses sinuosités |
Ouvrages d’art | Quelques ponts, aucun tunnel | Nombreux ponts, tunnels, remblais et déblais |
Ecartement | UIC | UIC et Ibérique |
Correspondance | Leer | Canfranc |
Type de trafic | Voyageurs | Voyageurs en France Voyageurs et marchandises en Espagne |
Axe principal | Amsterdam – Hambourg dite Lelyline | Toulouse – Saragosse |
Voyageurs frontaliers | 700 | 50 |
Longueur de la ligne | 173km | 312km |
Durée du trajet | 2h43 | 5h36 dont 0h51 de car |
Longueur de la route | 180km | 249km |
Durée du trajet en voiture | 1h50 | 3h28 |
Voie électrifiée Voie non-électrifiée | 107km 66km | 78km 234km |
Voie unique Voie double | 88km 85km | 234km 78km |
Vitesse moyenne | 64km/h | 56km/h |
Vitesse maximale | 120km/h | 100km/h |
Les travaux envisagés permettront d’obtenir les caractéristiques suivantes :
Situation après travaux |
Groningue – Brême Bidbook [1] |
Pau – Canfranc – Saragosse Etudes de convergence [9] |
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Après phase 2 en 2030 |
Après 2025 |
Après 2040 |
Profil de voie |
Plate et principalement droite |
Déclivités importantes et nombreuses sinuosités |
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Ecartement |
UIC |
UIC |
|
Correspondance |
Leer |
Aucune |
|
Type de trafic |
Voyageurs |
Voyageurs et marchandises |
|
Voyageurs frontaliers |
1 900 |
»100 |
|
Longueur de la ligne |
173km |
312km |
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Durée du trajet |
2h11 |
Voyageurs : 4h58 à 5h04 Marchandises : 7h10 à 11h23 |
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Longueur de la route |
180km |
249km |
|
Durée du trajet en voiture |
1h50 |
3h28 |
3h14 |
Voie électrifiée Voie non-électrifiée |
107km 66km |
78km 234km |
312km 0km |
Voie unique Voie double |
70km 103km |
234km 78km |
|
Vitesse moyenne |
79km/h |
59km/h |
|
Vitesse maximale |
130km/h |
100km/h |
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Intermodalité |
Réaménagement des gares, améliorations des correspondances avec les bus, voies dédiées pour vélos et trottinettes |
Quelques places de parkings supplémentaires autour des gares, pas d’intermodalité prévue pour des gares situées loin des centres-villes, perte de l’intermodalité à la gare de Saragosse – Goya avec la ligne de tramway L1 |
Ainsi, une fois les travaux achevés sur la Wunderline en 2030 :
- la fréquentation attendue sera le double de la fréquentation actuelle ;
- la ligne sera fréquentée par des travailleurs, des étudiants et des touristes en été ;
- les coûts des travaux et d’exploitation seront maîtrisés et moindres en renonçant à l’adaptation de la ligne au trafic des marchandises ;
- le trafic des marchandises continuera de circuler par les lignes électrifiées alternatives ;
- les travaux envisagés permettront de diminuer de 20% la durée du trajet ;
- la vitesse moyenne sera de 79km/h et la vitesse maximale sera de 130km/h sur certaines sections ;
- la durée du trajet en train sera très compétitive face à la durée du trajet en voiture ;
- la correspondance nécessaire à Leer n’affectera pas la qualité de service et la durée du trajet ;
- les gares seront aménagées afin de permettre une intermodalité avec les autres moyens de transport.
De même, une fois les travaux achevés sur la ligne Pau – Canfranc – Saragosse, que ce soit après 2025 ou 2040 selon l’étude de convergence [9] :
- la fréquentation attendue sera à peine plus importante que la fréquentation actuelle, et restera certainement 25 à 40 fois moins importante que la fréquentation de la Wunderline ;
- la ligne sera fréquentée par quelques frontaliers, quelques étudiants et un peu de touristes en été ;
- les coûts des travaux exploseront certainement à plus des 450M€ envisagés en 2021, voire 800M€ envisagés en 2024 en raison de l’adaptation de la ligne au transport des marchandises ;
- le planning des travaux est irréaliste d’ici 2025 et 2040 en comparaison du planning des travaux à réaliser sur la Wunderline pourtant bien moins importants et qui se termineront en 2030 ;
- les coûts d’exploitation resteront très élevés en raison des nombreux handicaps que conservera cette ligne : sinuosité, déclivité, météorologie, longueur, non électrification jusqu’en 2040, ouvrages d’art,…
- le potentiel du transport des marchandises est estimé à 700kt par les études en cours, estimation très faible qui s’avère être bien inférieure au potentiel de 1,5Mt sur la Wunderline électrifiée et qui a été jugé pourtant bien trop faible par le consortium pour réaliser les investissements requis ;
- le trafic des marchandises continuera de circuler par les lignes électrifiées au niveau d’Hendaye, de Portbou et du tunnel du Perthus ;
- les travaux envisagés permettront de diminuer la durée du trajet d’au maximum 6% seulement ;
- la vitesse moyenne sera au mieux de 59km/h et certaines sections seront toujours circulées à 40km/h ;
- le trajet en train ne sera jamais compétitif face au trajet en voiture d’autant plus que la mise à 4 voies des routes du côté espagnol sera bientôt achevée ;
- le refus de réaliser une correspondance à Canfranc oblige à réaliser des travaux très coûteux de mise à l’écartement UIC en Espagne ;
- l’intermodalité ne sera pas assurée dans les gares situées souvent loin des centres des villes et villages ;
- l’intermodalité avec la ligne L1 du tramway de Saragosse à la gare de Saragosse – Goya sera supprimée, ce qui constitue une véritable régression.
La différence d’appréciation de l’UE
A la lecture de cette analyse des travaux sur la Wunderline et de la comparaison avec la ligne Pau – Canfranc – Saragosse :
- on comprend pourquoi l’UE ne cesse de faire l’éloge de la Wunderline et l’a désignée comme un projet phare pour l’amélioration des infrastructures transfrontalières ;
- on comprend pourquoi la subvention accordée pour la Phase 1 des travaux est supérieure à ce que le consortium avait initialement demandé ;
- on comprend pourquoi la subvention pour la Phase 2 des travaux est acquise et bien supérieure à ce qui était attendu.
Malheureusement pour nos politiciens locaux et pour les défenseurs de la réhabilitation de la ligne Pau – Canfranc – Saragosse :
- on comprend mieux pourquoi l’UE est très discrète et très peu diserte sur cette réhabilitation ;
- on comprend mieux pourquoi les subventions pour les travaux sont bien loin d’être acquises.
En conclusion
La Wunderline constitue un exemple parfait de ce qui doit être réalisé en matière de coopération transfrontalière. Le consortium local a le soutien des états fédéraux et des gestionnaires d’infrastructure. Le projet est réaliste et justifié avec des chiffres de fréquentation crédibles, un phasage des travaux précis et des coûts des travaux maîtrisés. Avec une telle gestion, il est certain que le succès sera au rendez-vous et l’on comprend l’enthousiasme de l’UE.
Rien de tout cela avec la ligne Pau – Canfranc – Saragosse. Le soutien des états et des gestionnaires d’infrastructure est un soutien de façade. Les chiffres de fréquentation sont irréalistes, le planning des travaux est limite risible, les coûts des travaux sont opaques en attendant la publication des études en cours, si elles daignent arriver un jour. On comprend ainsi très bien la position et les réserves de l’UE.
Quelques références
[1] : Bidbook Beschlussfassung Wunderline – Grenzenlose Verbindung der nördlichen Grenzregion – Provinz Gronigen – Februar 2019
[2] : TTS TRIMODE Transport Solutions GmbH in Zusammenarbeit mit TNO – Güterverkehrspotential der Wunderline – 2016
[3] : Mehr Region, mehr Reisende – Durchführungsprogramm Anschlussmobilität – Wunderline – Provinz Gronigen – 2021
[4] : Newsletter – Februar 2020
[5] : Gesellschaftliche und wirtschaftliche Potenziale im nordwestdeutschen und niederländischen Grenzraum unter besonderer Berücksichtigung der Wunderline – CIMA Institut für Regionalwirtschaft GmbH, University of Groningen (Faculty of Spatial Sciences, Department of Economic Geography) – März 2017
[6] : Optimierung der multimodalen Anschlussmobilität entlang der Wunderline – CIMA Institut für Regionalwirtschaft GmbH Hannover – April 2018
[7] : Fréquentation en gares – https://ressources.data.sncf.com/ – SNCF Gares et Connexions – 3 septembre 2021
[8] : Revisión de los servicios ferroviarios de viajeros declarados como obligación de servicio público – Gobierno de España, Ministerio de Fomento – ineco – 30 noviembre 2017
[9] : Superando las conexiones perdidas entre España y Francia: Estudios para la rehabilitación de la sección ferroviaria Transfronteriza Pau-Zaragoza – 7. Estudios preliminares para la modernización y preparación de la futura explotación de la sección Zaragoza – Canfranc – Ministerio de Fomento, ADIF – abril 2019
[10] : Stapsgewijs naar een snelle internationale verbinding Amsterdam–Kopenhagen – Jans! Infraprojecten – drs. Jans Zwiers – 8 april 2022