Lucien Primaube

Quelques citations extraites de “La lutte pour les Transpyrénéens” dans le Correspondant du 10 janvier 1910, pages 48 à 76 :

p48 : “Un si vaste projet ne pouvait s’imposer sans discussion. Trop d’intérêts étaient en jeu : intérêts économiques généraux et régionaux, intérêts politiques locaux et nationaux; le génie militaire avait d’ailleurs voix prépondérante au chapitre; il n’était point jusqu’aux syndicats d’hôteliers et aux fédérations de touristes qui n’eussent leur mot à dire. De tant de luttes qui ont divisé les hommes et que les poètes ont chantées, celle-ci ne serait pas indigne d’un récit épique – et aussi parfois comique – qui s’est livrée et n’est point apaisée en ces contrées merveilleuses, aux populations si diverses et généralement exubérantes, autour d’un chemin de fer.”

p49 : “Au nord, la montagne s’abaisse d’un coup : c’est le mur immense, déchiqueté, écrasant et riant cependant de la parure des forêts suspendues et des eaux en cascades, des Pyrénées françaises. Vers l’Espagne, la chaîne s’étend, se prolonge en gradins ravinés, enflammés par un soleil d’orient, et s’achève seulement au ressaut des sierras.”

p56 : “La véritable stratégie en cause était une stratégie de guerre civile; et l’argument dominant dans la question, c’était le carlisme.”

p58 : “C’est donc tant comme récompense pour le passé que comme assurance pour l’avenir, que l’Espagne a résolu de doter ces populations d’une grande ligne ferrée internationale.”

p73 : “D’ailleurs les transports de personnes du grand transit international continueront d’une façon générale à suivre les itinéraires rapides existant, et les voies nouvelles n’auront que le contingent habituel des lignes de la région en touristes et voyageurs se déplaçant sur de courtes distances.”

p73 : “Tout particulièrement les échanges intéressant les deux grandes régions industrielles espagnoles Bilbao, Santander et Gijon et d’autre part Barcelone et la vallée du Llobregat (sauf pour cette dernière les relations avec Bordeaux) qui sont aussi très productives au point de vue agricole, principalement Mataro et ses environs en pommes de terre, la Guipuscoa en pommes à cidres, ne seront d’aucun apport pour les lignes nouvelles.”

p73 : “Nous éprouvons le scepticisme le plus absolu sur la possibilité financière et économique, non seulement de trois lignes, mais encore d’une seule ligne transpyrénéenne. Un petit nombre de provinces françaises et espagnoles trouverait à leur établissement quelques avantages par le développement des relations locales, mais les intérêts généraux des deux pays n’en seraient nullement améliorés.”

p74: “La percée des Pyrénées centrales n’a aucune chance d’améliorer les dures conditions de la concurrence avec la voie de mer, parce qu’il n’existe pas de point d’attraction du trafic dans la partie centrale de la péninsule.”

p74 : “Ultérieurement, le premier mouvement propre d’expansion économique de la péninsule sera fatalement vers la mer. C’est du côté de ses sœurs de l’Amérique latine que vont les rêves, parfois fort positifs, d’une « plus grande Espagne ».”

p76 : “Nous conclurons suivant cette formule en reprenant rapidement l’histoire des transpyrénéens, telle que nous eussions voulu qu’elle fût.

En prévision d’un avenir éloigné, un chemin de fer et un seul à travers les Pyrénées peut être désirable. La ligne de Toulouse à Lérida, présentée en premier rang par la France à la conférence de 1886, la plus centrale, ne doublant pas les lignes côtières existantes, reversant vers la France le trafic de la rive gauche de l’Ebre moyenne, la seule directe sur Carthagène, est une bonne ligne d’attente. L’Espagne veut avant tout le tracé anticarliste de Jaca à Oloron. L’accord ne se fait point. Nous temporisons. Arrive le modus vivendi douanier de 1893. Excellente raison pour temporiser encore. Les souvenirs du carlisme s’atténuent. Nous portons notre effort sur les relations douanières, qui s’améliorent. Nous revenons à la conférence. Nous admettons des délais, mais toujours les moins longs en faveur de Toulouse-Lérida. L’Espagne reconnaît qu’elle n’obtiendra rien de nous tant qu’elle n’aura pas poussé le rail jusqu’aux abords de Sort : cet effort fait, elle s’aperçoit de la supériorité économique de ce tracé. Nous lui concédons, pour flatter son parti-pris, une ligne secondaire Oloron Jaca. On admet également une voie étroite, comme la ligne en construction de Villefranche à Bourg-Madame, pour relier Ax à Ripoll. Et nous avons en définitive un troisième grand chemin de fer international, au centre des Pyrénées, et à droite et à gauche, deux petites voies, que pour ne pas les humilier en les traitant de lignes d’intérêt local, nous qualifions de lignes d’intérêt souspyrénéen…

…Et je crois bien être sûr qu’après les années écoulées, les lois naturelles de dévolution du trafic ne se laissant point forcer, à trop grands frais prématurément engagés, ce seront bien ces trois lignes-là que nous aurons.”