Dominique Régis (09/09/1887 Sorèze – 12/11/1914 Mersburg)

Deux derniers chapitres de sa thèse “Contribution à l’étude des Transpyrénéens” éditée par la Librairie Nouvelle de Droit et de Jurisprudence, Arthur Rousseau Editeur, Paris, en 1910, pages 81 à 94 :

”                                                                                                           ENSEIGNEMENTS

Quels enseignements pouvons-nous retirer des faits relatifs aux transpyrénéens présentés ainsi historiquement depuis 1855 jusqu’au moment où parait cette étude ? C’est ce qui fera l’objet de ce chapitre dans lequel, en considérant les faits comme résultats de sentiments individuels ou collectifs, nous découvrirons les raisons psychologiques de l’histoire des chemins de fer à travers les Pyrénées centrales.

Or n’est-on pas, tout d’abord, frappé par la date relativement très reculée (1855) où l’on pensa pour la première fois à l’exécution de transpyrénéens (Simplon : 1851) ? Immédiatement des relations officielles s’établissent entre France et Espagne ; dix projets sont étudiés dont chacun a ses irréductibles partisans ; aucune protestation ne s’élève dans les milieux politiques et économiques pourtant bien susceptibles ; pas un des multiples rapports de fonctionnaires de la guerre, des travaux publics, des parlementaires, ou d’agents de l’administration régionale, n’ose aborder le sujet sans de dithyrambiques éloges des lignes projetées ; on voit même l’inspecteur-général Couche déclarer d’une manière formelle que si les chemins de fer par Hendaye et par Perpignan devaient être faits, ce n’étaient pas les lignes qu’il convenait de construire d’abord en vue de servir le mieux possible les intérêts de l’Espagne et de la France ; les subventions affluent des régions intéressées ; d’ailleurs tous les moyens sont bons pour exciter l’enthousiasme, puisque l’on va jusqu’à inventer de toutes pièces un enthousiasme plus grand en Espagne, évidement afin de faire honte à la France : « l’Espagne s’occupe beaucoup de cette ligne ; la France n’a peut-être pas été aussi vite que nos voisins… » (M. Faure, rapporteur au conseil général de la Haute-Garonne ; séance du 30 août 1879). En un mot, du côté français tout au moins, l’impression première est un enthousiasme général sans bornes.

Or, quel contraste ! en 1909, après 54 ans, les Alpes sont traversées par trois, bientôt par quatre tunnels en plein cœur, là où les monts dépassent de plus de 1 500 mètres les plus hauts massifs des Pyrénées et celles-ci, vierges encore de toute ligne ferrée, sentent à peine les perforeuses mordre leurs flancs. Des trois lignes décidées, deux sont encore en voie de construction, la troisième semble ajournée sine die. Si nous remontons le courant des événements, nous voyons les relations officielles échouer par deux fois malgré leur solennité de commissions internationales ; chaque nation présente à dessein les lignes qu’elle sait devoir être refusées par l’autre : en France les pouvoirs publics, devenus très circonspects vis-à-vis des projets présentés, exigent études sur études, tâchent d’obtenir, en mettant les lignes aux enchères devant les conseils généraux, les subventions les plus fortes qui se puissent. Les multiples rapports si élogieux en première page, le sont beaucoup moins dans leur conclusion ; ainsi M. L. Janet dit dans son préambule : « La France et l’Espagne ont toutes deux un grand intérêt à ouvrir de nouvelles lignes internationales à travers la chaine des Pyrénées », et dans ses dernières pages : « La commission tient essentiellement à dire qu’elle ne s’est nullement laissé prendre aux grandes espérances qu’a fait naître dans certains esprits l’ouverture projetée de trois transpyrénéens… », « les tracés transpyrénéens donneront probablement de très petits bénéfices d’exploitation tout à fait insuffisants pour correspondre à l’intérêt des capitaux engagés… », « mais il serait fâcheux de laisser encore sans solution une question posée depuis un demi-siècle » ; les milieux politiques et économiques qu’intéresse la question, deviennent soudain froids et réservés ; des faux-fuyants sont présentés au dernier moment pour ajourner encore des travaux auxquels on ne tient plus : tel celui de la substitution de la voie étroite à la voie normale. En un mot, du côté français, à l’enthousiasme général viennent s’opposer des froideurs et des hésitations qui, de lenteurs en lenteurs, ont créé la situation presque ridicule, qu’en 1909, après 54 ans d’études et de résolutions diverses, on en est encore à attendre le jour, lointain sans aucun doute, où les deux versants des Pyrénées pourront communiquer entre eux autrement que par diligences.

L’Espagne s’est aussi laissé aller à quelque enthousiasme ; mais d’abord cet enthousiasme s’est reporté sur une seule des lignes projetées ; en second lieu, il dure encore. Quant aux autres lignes dont l’exécution est décidée, nos voisins ont toujours montré beaucoup de froideur ; malgré les subventions allouées et les avances faites, aucun concessionnaire sérieux ne se présente. L’impression se résume en un mauvais vouloir persistant pour les deux lignes de l’Est, en un désir tenace et des efforts continus pour la ligne occidentale.

Ces contradictions du côté français, cette froideur générale sauf pour un des projets de tous temps désiré du côté espagnol, sont le résultat le plus clair que fournit l’analyse psychologique de l’historique des transpyrénéens ; reste à les expliquer.

La cause de l’enthousiasme premier en France, nous la trouvons d’abord dans le caractère national prompt à accepter d’emblée une idée séduisante sans l’approfondir : or quoi de plus séduisant, alors que les chemins de fer transalpins, se débattant dans les questions de concurrence internationale, sont détrônés avant même leur construction par la rivalité des voies d’eau les plus considérables de l’Europe, que de relier deux nations telles que la considération d’aucune autre ni d’aucun lien rival n’interviendra ni au point de vue politique ni au point de vue économique ? Quel projet plus élégant que de relier les plaines méridionales de la France aux plaines septentrionales de la Péninsule ibérique si proches les unes des autres, séparées seulement par une chaîne de montagnes ? Certes cette chaîne est puissante, mais de plus puissantes ont été vaincues, et la difficulté même de la réalisation n’est-elle pas un excitant pour l’esprit français ? Nul individu ni groupement social n’a échappé à ce sentiment ; depuis les communes les plus modestes jusqu’aux plus hautes sommités de notre administration centrale, tous ont été séduits par le projet de chemins de fer traversant les Pyrénées.

En second lieu, l’influence des intérêts locaux et régionaux n’a pas été non plus pour peu de chose dans cet enthousiasme. L’on sait avec quelle âpreté nos départements, nos cantons et nos communes se disputent les voies ferrées que notre budget permet d’inscrire chaque année à la loi de finances. Elle est pourtant dépassée par la véritable frénésie qu’ont mise les départements montagnards du Sud-Ouest à obtenir le choix de leurs vallées pour le passage des chemins de fer transpyrénéens ; ainsi nous voyons le rapporteur au conseil général de la Haute-Garonne déclarer : « Nulle autre œuvre ne peut être comparée au point de vue de l’intérêt de notre département et de la riche région dont Toulouse est le centre et la capitale au percement des Pyrénées centrales par la vallée de la Garonne » (séance du 7 avril 1880). Les offres de subvention étaient à l’avenant. C’est que ces lignes sont considérées comme autant de Pactoles ; le chemin de fer opère, aux yeux de tous, le drainage de l’or vers leurs contrées les plus pauvres, les plus déshéritées. Et qui les contredira ? Qui ne comprendra qu’ainsi pourront être exploitées les richesses minières pyrénéennes stériles faute de voies de communication ; que des milliers de touristes et de baigneurs viendront peupler chaque été les villages de population fixe minime par suite de la faible étendue des terres fertiles et de la rigueur des hivers ; que ces terres recherchées comme terrain à bâtir, propres aussi à la culture maraichère, vont décupler de valeur ? Ainsi ces robustes et sobres populations vont pouvoir faire valoir leur droit à la jouissance, et si elles doivent y perdre leur antique vertu et leur force noueuse, du moins comme le reste de la France elles pourront jouir, prendre contact avec ce qu’engendre le luxe, et perdre dans une vie plus large et plus désirable la noblesse inconsciente de leur existence restreinte et dure.

Aussi, à l’enchère proposée par les pouvoirs publics, la réponse est-elle brillante : les conseils généraux vident avec une prodigalité sans précédent le bas de laine des montagnards devant les représentants étonnés du pouvoir central. Et cela non plus n’a pas peu contribué à l’enthousiasme général qui accueillit les projets de transpyrénéens.

Reste à expliquer la seconde phase psychologique toute d’hésitation et de lenteurs.

Aux constitutions révolutionnaires a succédé l’Empire ; à l’enthousiasme que déchaînèrent les conceptions humanitaires des « années quarante », le ridicule où s’effondra la timide expérience qu’on en fit ; si l’esprit français est facile à enthousiasmer par une idée, il est encore plus facile à décourager par un contact avec sa réalisation quand celle-ci présente de sérieuses difficultés : c’est ce qui arriva pour les transpyrénéens ; à mesure que l’on poussait plus avant l’étude des diverses lignes, les difficultés techniques, le faible intérêt économique national refroidissaient l’enthousiasme, et c’est évidemment par amour-propre, pour ne pas avouer la légèreté de leur premier sentiment, que les rapporteurs qui mettent en doute en fin d’étude le moindre intérêt des lignes à construire, commencent toutefois par de fougueux éloges de ces mêmes lignes.

Car on fut bien obligé de reconnaître que bien restreinte serait la zone de trafic des lignes transpyrénéennes ; il fallait en rabattre ; Paris-Madrid emprunterait peut-être toujours les lignes de Hendaye et Irun ; Paris-Barcelone toujours celles de Cerbère et Port-Bou ; quant à Paris-Carthagène, qui en userait, sinon quelques fonctionnaires français, craignant le mal de mer, rejoignant leurs postes d’Algérie ? On s’aperçut que l’Espagne et la France que l’on voulait relier l’étaient déjà et fort bien ; sur la carte, une ligne droite de Paris à Madrid passe par Irun ; de Paris à Barcelone, entre Bourg-Madame et Port-Bou. Tant d’efforts dépensés en pièces administratives étaient donc dépensés dans le vide ; et tant de sacrifices financiers allaient avoir pour seul résultat de relier les maigres vallées françaises des Pyrénées, le Languedoc et l’Armagnac aux sauvages vallées d’Espagne, la Catalogne occidentale, la plus pauvre, et l’Aragon, de si haute réputation économique, mais en réalité si primitive. Certes ces contrées s’enrichiraient et se civiliseraient, mais quand ? Et cela valait-il des lignes organisées en vue du grand transit international ? Même dans le cas où l’on admettait l’hypothèse la plus favorable et des relations d’intérêt général établies entre France et Espagne par les transpyrénéens, quelle différence avec les chemins de fer analogues à travers les Alpes ! Ici, le centre économique de l’Europe par où passent les diamètres dont les extrémités sont France et Autriche ; Angleterre et Allemagne-Italie, nations de puissance économique incomparable ; là, une extrémité de l’Europe dont s’écarte tout transit (1) et où deux nations seulement se trouvent en présence, dont la plus intéressée sort à peine d’une léthargie économique complète. Aussi les évaluations du trafic probable donnaient de bien faibles chiffres. On rabattait de 50% sur les premières évaluations faites au petit bonheur. En un mot, tant en qualité qu’en quantité, le trafic des lignes projetées paraissait très aléatoire : leur faible intérêt réel suffirait à expliquer les retards et la quasi-indifférence qui succèdent aux premiers élans d’enthousiasme.

Nous en trouvons une seconde raison dans le fait que les deux nations en présence ont des vues divergentes sur la question qu’elles traitent en commun. Jetons en effet un coup d’œil sur la carte de l’Europe : nous voyons immédiatement que la France et l’Espagne sont loin d’être placées sur le même axe ; une ligne à peu près droite qui passerait par Carthagène, Libourne et Caen aurait presque toute la France à l’Est et presque toute l’Espagne à l’Ouest. Dès lors, il est bien évident que l’Espagne désirant voir desservie sa partie centrale et son centre géographique et administratif, Madrid, et non sa pointe Est, aura tendance à rejeter ses projets transpyrénéens vers l’océan Atlantique.

La France, au contraire, et pour des raisons inversement semblables, tiendra surtout à ses projets orientaux. Ajoutons à cela que pour des raisons de reconnaissance politique, l’Espagne tient à favoriser l’Aragon, et que pour des raisons d’intérêt économique, la France tient à multiplier et améliorer ses relations avec la Catalogne et Barcelone, véritable centre et capitale industrielle de l’Espagne. Cette divergence dans les vues des deux nations est la cause de bien des lenteurs ; elle a surtout eu pour résultat l’adoption de plusieurs lignes et non une seule comme il en avait été question au début, et aussi que pour chaque nation il est une ligne préférée qui n’est pas celle que préfère l’autre, en sorte que chaque nation a bien une ligne fort avancée et quasi-prête à être mise en exploitation, mais ce n’est justement pas celle que l’autre a dans ce même état.

Cette divergence de vues est nuisible aux intérêts français comme aux intérêts espagnols, puisqu’elle a empêché jusqu’ici qu’aucun d’eux ait encore reçu satisfaction ; avec elle, nous avons terminé l’étude des cours de l’état psychologique en France. Etudions maintenant le point de vue espagnol. Il se résume, nous le savons, en une indifférence parfaite, sauf pour la ligne dite en Espagne « de Canfranc », du nom de la vallée où passe le chemin de fer d’Oloron à Saragosse. Nous en avons vu les causes dans la différence d’axes des deux nations et dans la dette politique que le gouvernement espagnol a contractée envers les populations aragonaises. Quant à l’indifférence qui entoure les autres lignes, elle a ses causes dans la pauvreté générale du pays, dans la vue fort nette qu’ont eue les autorités espagnoles de la faible productivité des lignes projetées, enfin dans les difficultés techniques considérables que présente leur exécution, difficultés provenant de ce que les Pyrénées qui s’affaissent brusquement sur le versant français et laissent venir la plaine à une trentaine de kilomètres de la crête, se multiplient vers le Sud à l’infini et reculent à 150 kilomètres la plaine de l’Ebre.

Remarquons encore que, tandis qu’en France l’Etat se charge de la plus grande partie des frais de construction et garantit un intérêt très acceptable aux capitaux engagés, en Espagne c’est le concessionnaire qui assume la charge de fournir les capitaux et de les rémunérer, aidé seulement par de médiocres subventions et avances ; il est bien évident que les concessionnaires risquant et risquant beaucoup montreront toujours une extrême réserve jusqu’au jour où de sérieux calculs feront prévoir un gros revenu. Or jusqu’ici ils n’ont donné que de maigres résultats, d’où la froideur dont ne s’est jamais départie l’Espagne pour les deux lignes orientales que lui impose la Convention de 1904.

Après ces grands enseignements de l’historique des transpyrénéens, nous ne pouvons passer sous silence certains détails psychologiques très intéressants. Ainsi voyons-nous ici, mieux que nulle part ailleurs, la tendance des intérêts particuliers à fausser l’intérêt général ; dans la séance du 26 avril 1879 du conseil général de la Haute-Garonne, il est dit en effet : « Nous devons tout faire pour que les chemins de Chaum à la frontière espagnole et de Saint-Girons à Seix soient exécutés aussitôt que possible et qu’ils aient la préférence sur tous les autres chemins pyrénéens ou sous-pyrénéens ; il n’en est pas de plus intéressants pour notre département. » Du reste, second détail non moins intéressant, l’Etat se sert de cette tendance pour obtenir la plus grande aide qui se puisse, des départements intéressés ; c’est ainsi que le secrétaire général du ministère des travaux publics dit au président du conseil général de la Haute-Garonne que si le département consent à fournir une subvention, ce sera un moyen sur d’assurer et de hâter la construction du chemin ; de plus le ministre des travaux publics écrit même une lettre engageant départements, communes et particuliers à se joindre à l’Etat pour les frais et bientôt la subvention par le département est considérée comme condition sine qua non de la déclaration d’utilité publique ; enfin le ministre va jusqu’à indiquer le montant de la subvention désirée par l’Etat, ce qui fait dire à M. Pujos (séance du 7 avril 1880 du conseil général de la Haute-Garonne) : « Tout parait assez étrange dans celle affaire, jusqu’à la manière presque comminatoire dont la question est posée : le département paiera une somme de… ou n’aura pas de chemin de fer. Il y a comme une sorte d’enchère proposée aux départements intéressés, de telle sorte que le tracé semble devoir être déterminé non pas en vue de l’intérêt général, mais d’après la part contributive que le département prendra dans la dépense, et que l’on verra, chose singulière, et anormale, un modeste département avec un budget plus modeste encore, subventionner l’Etat dont le budget est si gros. » Mais il y a mieux encore, car nous voyons l’Etat laisser croire aux départements qu’il a le choix de la ligne à construire, que la construction sera une « faveur » accordée par lui à qui il lui plaira, afin de les exciter aux larges subventions, alors qu’en réalité le choix est bilatéral et qu’il se fixe pour des motifs de politique générale, de stratégie, d’économie générale, d’influences politiques. Malgré cela les conseils généraux s’y sont tous laissé prendre, et s’ils ont pensé à l’Espagne c’est pour croire qu’elle est aux ordres du ministre des travaux publics français (Voyez séance du 7 avril 1880 du conseil général de la Haute­Garonne).

(1) Pour les relations mondiales de l’Europe, l’Espagne est un point mort, dit M. Redelsperger. On a souvent comparé l’Espagne à la Norvège et à la Suède, quant à sa situation extérieure au centre économique européen.

 

                                                                                                               CONCLUSION

Notre étude n’est que le premier chapitre d’un ouvrage complet sur les transpyrénéens.

Nous avons vu, des transpyrénéens, d’abord les causes naturelles, c’est-à-dire physiques et économiques, et ce fut notre introduction ; nous avons vu ensuite les causes humaines, c’est-à-dire politiques et sociales, nous en avons fait la psychologie, et ce fut le corps principal de cette étude : l’historique et ses enseignements. Dans le chapitre « l’Etat actuel », nous avons déterminé la situation respective des deux nations intéressées, leurs obligations et les moyens dont elles disposent pour y faire face.

Nous le savons, cet état actuel des choses se résume dans la période d’exécution des voies. Sommes-nous arrivés à la fin de l’étude qu’on en peut faire ? Après avoir fouillé le passé, précisé le présent, sommes-nous arrêtés par l’ignorance complète de l’avenir ? Les actes humains sont-ils à ce point imprévisibles qu’il faille engager des capitaux presque fabuleux sans pouvoir ni peu ni prou préjuger le bénéfice qu’ils créeront ?

L’économie politique nous répond négativement ; elle ne vit pas seulement de constatations, de faits acquis, mais aussi de raisonnements ; si elle a des affinités profondes avec l’histoire, elle se réclame aussi des sciences déductives ; elle a ses lois, étant soumise à la logique qui découvre les rapports nécessaires dérivant de la nature des phénomènes qui la composent. En ce sens elle est susceptible de prévisions sûres et précises sinon détaillées : l’avenir lui appartient donc dans une certaine mesure. Or quelle question plus économique que celle des moyens de transport qui font l’objet de notre étude ? Aussi devant nous s’offre un champ de travail nouveau. Nous pourrions interroger l’avenir des voies ferrées à travers les Pyrénées ; au moyen des tarifs des futures lignes, déterminer quelles régions de France et d’Espagne auront intérêt à les emprunter plutôt que de recourir aux anciennes voies : nous déterminerions ainsi la zone de trafic, peut-être assez exactement pour la fixer matériellement sur la carte géographique. Rentrant dans le domaine des constatations, nous étudierions l’état économique de cette zone grâce aux nombreuses statistiques que notre époque publie pour la plus grande utilité des économistes. Cela nous amènerait à apprécier l’intensité du trafic probable dont seront susceptibles les transpyrénéens. Et nous terminerions l’étude complète de notre sujet dans le pur domaine du raisonnement, cherchant quels bienfaits économiques peuvent naître des transpyrénéens aux régions qu’ils traversent, bienfaits indubitables en principe, nous le savons.

Il ne nous appartient pas de mener à bien nous-même cet immense travail. Mais puisse-t-il être bientôt entrepris, et puisse notre thèse servir de premier chapitre à l’étude complète des chemins de fer à travers les Pyrénées centrales.”