Léon Janet (06/12/1861 Paris IVème – 29/10/1909 Paris Vème)

Son opinion sur les transpyrénéens est retranscrite par l’article sur “Les chemins de fer transpyrénéens” dans le Journal des Transports : revue internationale des chemins de fer et de la navigation du 24 juin 1905, n°25, pages 297 à 302 :

p297 : M. Janet “… Ce seront des chemins de fer qui rendront de grands services aux provinces françaises et espagnoles contiguës aux Pyrénées, mais n’amélioreront pas les relations rapides à grandes distances.”

p297 : M. Janet “Pour se rendre de Paris et des pays du Nord dans les Castilles, l’Andalousie, le Portugal, on continuera à passer par Irun, et pour se rendre de Paris à Barcelone on continuera sans doute à passer par Port Bou.”

p297 : “On voit qu’aux yeux mêmes de la Commission et de son honorable rapporteur, les transpyrénéens apparaissent en quelque sorte comme des lignes d’intérêt local, du rendement desquelles il serait imprudent de compter qu’on puisse tirer autre chose que de très petits bénéfices d’exploitation, « tout à fait insuffisants pour correspondre à l’intérêt des capitaux engagés ». Le rapporteur n’en attend en réalité aucun bénéfice économique sérieux au point de vue international et dans cet ordre d’idées le moindre arrangement commercial abaissant les « Pyrénées douanières » qui séparent les deux pays, eût bien mieux fait son affaire et les nôtres.”

p298 : “On ne peut donc escompter une création importante de trafic international comme conséquence de l’ouverture éventuelle de lignes transpyrénéennes.”

p298 : “…l’ouverture simultanée de plusieurs voies d’accès à travers les Pyrénées est-elle de nature à dériver vers les lignes ferrées une partie du tonnage maritime? C’est au moins douteux quand on examine les conditions qui seront faites à l’exploitation de ces lignes,…”

p298 : “Et il serait enfantin d’espérer, nous le répétons, que quatre lignes situées deux par deux à chaque extrémité de la chaîne des Pyrénées, puissent, plus qu’auparavant, disputer le trafic à la navigation.”

p299 : “Mais il ne faut pas, d’ailleurs, se faire d’illusions : un service international rapide à travers les Pyrénées centrales, Saragosse et Madrid — en supposant que la vitesse ne se transforme pas en lenteur à la frontière — n’attirerait qu’un trafic voyageurs insignifiant…”

p299 : “On peut déjà se demander si l’obtention d’un tel résultat vaudrait les 80 à 100 millions qu’emportera sa réalisation. Mais sera-t-il même obtenu ?”

p300 : “Passons au Jaca – Oloron … cette autre ligne de club alpin coûtera pour la partie française environ 34 millions.”

p301 : “Dans ces conditions, quelle sera l’utilité de la nouvelle voie capricieuse ? Sa raison d’être apparente est de diminuer la distance entre Paris et Madrid. Mais le résultat est contestable.”

p301 : “Car il semble bien au demeurant qu’aucune de ces lignes n’offre d’intérêt réel pour le trafic international au nom duquel on les a étudiées.”

p301 : “Les voyageurs paieront peut-être un peu moins, mais ils iront moins vite. Quant au trafic marchandises, qui bénéficie actuellement de tarifs spéciaux très économiques, il ne trouvera pas d’avantage à passer par les lignes difficiles à exploiter, où les tarifs devront nécessairement tenir compte des difficultés. En définitive, les relations économiques internationales n’y gagneront ni en économie, ni en rapidité, et le seul intérêt tangible qu’on puisse reconnaître à ces lignes c’est, comme l’a dit le rapporteur, celui très local et très limité des populations mitoyennes des Pyrénées françaises et espagnoles. C’est peut-être un peu maigre en face du gros effort financier— 76 millions au minimum — qu’il représente pour la France…”

Quelques citations extraites du “Rapport fait au nom de la commission des travaux publics, des chemins de fer et des voies de communication chargée d’examiner le projet de loi portant approbation de la convention et du règlement d’exécution y annexé, signé le 18 août 1904, entre la France et l’Espagne, au sujet de l’établissement de communications par voie ferrée à travers les Pyrénées-Centrales” et publié par le “Journal Officiel de la République Française – Documents parlementaires – Chambre”, Annexe n°2420 du 19 avril 1905, pages 490 à 497 :

p490 : “La France et l’Espagne ont toutes deux un grand intérêt à ouvrir de nouvelles lignes internationales à travers les Pyrénées. Le commerce des départements du sud-ouest en profitera dans une large mesure. Les vœux constamment émis par les habitants de toute cette région, les crédits votés pour les services d’étude, l’acharnement des divers départements ou des villes à se disputer les avantages des lignes à établir et à réclamer l’adoption d’un tracé qui les favorisât, toute cette ardeur, depuis bien longtemps éveillée et non encore lassée aujourd’hui, prouvent tout l’intérêt que présente la question.”

p494 : “D’un autre côté, si au lieu de construire un seul transpyrénéen central, on préfère multiplier les liaisons entre la France et l’Espagne, il est plus conforme aux intérêts financiers des deux pays d’établir des chemins de fer électriques de montagne, à voie de 1 mètre, qui permettront, tout en rendant des services analogues, d’importantes économies sur les dépenses qu’auraient occasionnées la voie normale.”

p494 : “M. le ministre des travaux publics, qui a été également entendu a déclaré qu’il n’était pas l’auteur du projet, mais qu’il l’acceptait sans grand enthousiasme, dans le but de solutionner enfin une question depuis si longtemps à l’étude.”

p494 : “Les souterrains de faîte prévus à double voie en 1885 et 1894 seront exécutés pour une voie unique.”

p495: “Il est évident qu’en raison de ses fortes pentes, la nouvelle ligne ne sera pas empruntée par les trains express de Paris à Madrid. A peine aura-t-on intérêt à s’en servir pour aller de Paris à Saragosse. Ce n’est qu’entre Toulouse et Saragosse qu’une amélioration considérable est obtenue. Or, bien que Saragosse, ville de 100,000 habitants, soit un centre agricole important, les relations entre ces deux villes ne sont pas très suivies.”

p495 : “Les évaluations faites vers 1880 pour le trafic probable de la ligne on conduit au chiffre de 20,000 fr. par kilomètre. En 1893, une commission technique réduisit cette recette à 10,000 fr. Ces chiffres ne peuvent être considérés que comme de vagues indications, car on sait combien il est difficile de faire des évaluations de cette nature.”

p496 : “En présence de ces prévisions médiocres, votre commission a examiné s’il ne serait pas sage de construire à voie étroite les trois transpyrénéens projetés en adoptant pour eux des conditions de pente et de courbure analogues à ceux de la ligne récemment concédée de Villefranche-de-Conflent à Bourg-Madame. … Les économies réalisées seraient considérables si l’on observe que les trois lignes projetées coûtent à peu près 700,000 fr. le kilomètre pendant que la ligne à voie de 1 mètre de Villefranche-de-Conflent à Bourg-Madame, traversant une région montagneuse analogue, coûte à peine 200,000 fr. par kilomètre.”

p496 : “Pour les deux lignes à exécuter obligatoirement dans les dix années de cette ratification, les dépenses nouvelles, en ne tenant pas compte du tronçon déjà déclaré d’utilité publique Oloron-Bedous, s’élèvent à 53,750,000 fr.”

p496 : “Votre commission s’est encore demandé si le Gouvernement n’aurait pas agi plus sagement en assurant les moyens d’exécution des lignes avant de signer la convention internationale. Actuellement les transpyrénéens n’ont pas de concessionnaire, et on conçoit facilement dans quel embarras se trouverait le Gouvernement si la compagnie du Midi refuserait de se charger de l’exploitation de ces tronçons. Il est vrai que cette compagnie a été pressentie officieusement et qu’elle s’est montrée disposée à accepter la concession de ces voies ferrées aux conditions des conventions de 1883. Quand bien même leur exploitation serait peu rémunératrice, elles amèneraient sur l’ensemble du réseau du Midi un accroissement de trafic qui ne serait pas négligeable.”

p496 : “Pour tous ces motifs, votre commission s’est décidée à adopter purement et simplement la convention du 18 août 1904 complétée par le protocole additionnel du 8 mars 1905. Mais elle tient essentiellement à dire qu’elle ne s’est nullement laissé prendre aux grandes espérances qu’a fait naître dans certains esprits l’ouverture projetée des trois transpyrénéens. Ce seront des chemins de fer qui rendront les grands services aux provinces françaises et espagnoles voisines des Pyrénées, mais n’amélioreront pas les relations rapides à grande distance.”

p496 : “Les tracés transpyrénéens ne seront pas, au début tout au moins, des lignes productives ; ils donneront probablement de très petits bénéfices d’exploitation, tout à fait insuffisants pour correspondre à l’intérêt des capitaux engagés.”