Eugène Decomble (01/08/1816 Strasbourg – 08/05/1889 Toulouse)

Inspecteur Général Honoraire des Ponts-et-Chaussées, Chevalier de la Légion d’Honneur en 1857 puis Officier en 1881, Commandeur de l’Ordre d’Isabelle la Catholique en 1870

Ingénieur des Ponts-et-Chaussées, Eugène Decomble commença sa carrière dans les Services ordinaire et hydraulique à Bernay puis à Sélestat. Par la suite, il alterna les fonctions entre service hydraulique et chemins de fer dont celles liées à la construction des lignes ferroviaires de Paris à Strasbourg et de Saint-Dizier à Gray. En 1860, il fut muté à Toulouse pour prendre en charge les études, projets et travaux de la ligne ferroviaire de Bayonne à Toulouse et de toutes les antennes pyrénéennes. C’est à ce titre qu’il étudia à partir de mars 1865 la traversée des Pyrénées Centrales. A son admission à la retraite en 1878, il fut nommé Inspecteur Général Honoraire et chargé en cette qualité du service des études internationales des chemins de fer des Pyrénées Centrales jusqu’en septembre 1884.

Il réalisa la première étude complète sur les transpyrénéens en considérant les variations de trafic par voie de terre et par voie de mer de 1854 à 1879. Il estimait intéressant la possibilité d’une ligne ferroviaire pour le trafic de marchandises. A ce propos, il évalua ce trafic de marchandises de 100 à 120kt par an et le trafic voyageurs de 60 000 à 91 560 voyageurs par an. Il étudia les diverses combinaisons de tracés selon les hypothèses précédentes afin de raccourcir les trajets et justifia la voie centrale par la vallée du Salat, le col du Salau et la vallée du Noguera-Pallaresa comme la plus avantageuse, d’autant plus qu’elle permettrait de relier directement Paris au port de Carthagène puis aux colonies d’Afrique et sachant que les techniques de ventilation utilisées au tunnel du Saint-Gothard permettaient désormais de creuser le tunnel de la vallée du Salat sans craindre pour la santé des ouvriers.

Il s’opposait aux volontés politiques de l’Espagne qui plaidait à l’élaboration du transpyrénéen par Canfranc plutôt que par la vallée de Roncal afin d’éviter la Navarre en raison des souvenirs de la troisième guerre carliste de 1872 à 1876. Il expliqua que la proposition de l’Espagne en 1884 fut de faire une ligne de Canfranc à Saragosse plus directe en passant par le vallon d’Atares, puis un tunnel de 3km entre Santa-Cruz-de-la-Seros et Triste puis en allant de Turuñana à Zuera sans passer par Huesca. Il pensait cette proposition comme irréaliste de la part de l’Espagne qui fut faite afin de faire diversion et de justifier le refus de tous les autres tracés. Concernant ce transpyrénéen par Canfranc voulu par l’Espagne, il considérait que les revenus seraient faibles et liés uniquement au trafic local et certainement en dessous de la limite minimale acceptable pour un transpyrénéen ce qui ne justifierait pas les investissements.

Son analyse reflétait la situation que connaîtra le transpyrénéen par Canfranc, c’est à dire une ligne ferroviaire réalisée sous la pression du gouvernement espagnol pour éviter les passages par le Pays Basque et la Catalogne et pour agréger plus fortement l’Aragon à la Castille. L’Espagne ne tiendra pas ses promesses de faire une liaison directe de Canfranc à Saragosse demandant un génie civil important. En définitive, la ligne empruntera les vallées tortueuses des rio Aragon et rio Gallego avec le peu de succès que l’on connaît. Près de 150 ans plus tard, la situation peut aujourd’hui encore paraître analogue : un gouvernement central quelque peu perturbé par les bouillantes Provinces du Pays Basque et de la Catalogne et qui souhaiterait une alternative ferroviaire par l’Aragon. Cependant, le peu d’enclin que met ce gouvernement central à soutenir la réouverture de la ligne Pau – Canfranc – Saragosse ou une Traversée Centrale des Pyrénées s’explique par une situation qui est finalement bien différente. Personne ne songe sérieusement que Basques ou Catalans seraient susceptibles de bloquer les passages littoraux, ceci est d’autant plus vrai que les investissements sont dirigés majoritairement vers le Y Basque et l’amélioration des lignes à grande vitesse au Pays Basque et en Catalogne. L’Espagne a besoin des financements européens pour développer ses corridors atlantique et méditerranéen si bien que le soutien du gouvernement central à la Province d’Aragon est plus un soutien de façade qu’un soutien réel et actif.