Pierre Juppont (05/12/1860 Bugnières – 29/02/1948 Toulouse)

Quelques citations extraites de “Les Transpyrénéens peuvent-ils assurer le grand trafic ou doivent-ils être les affluents internationaux des grands réseaux français et espagnols ?” dans le Bulletin de la Société de Géographie de Toulouse du 25 mars 1905, pages 38 à 62 :

p47 : “Pour faire circuler les trains lourds et rapides d’un grand trafic, il est nécessaire que la voie, outre la solidité et la stabilité indispensables, ne présente que de faibles déclivités. Tout le monde connaît la gêne d’exploitation qui résulte pour la Compagnie du Midi de la rampe de Capvern sur la ligne de Toulouse à Bayonne et cependant la rampe maximum est seulement de 32 millimètres, alors que la convention de 1904 prévoit des rampes de 43 millimètres.”

p48 : “Il faudrait pour lever l’objection employer des machines colossalement puissantes, 2000 chevaux et plus, ce qui augmenterait, dans de larges proportions, les dépenses de premier établissement et les frais d’exploitation, et obligerait à avoir pour moteur, un matériel supérieur comme puissance à celui qui a été essayé en Allemagne, et qui faisait aux essais 180 kilomètres à l’heure, en palier.”

p60 : “Si l’on voulait réaliser du grand transit entre la France et l’Espagne, un seul transpyrénéen serait suffisant et son exécution, devenue possible, s’imposerait par le centre, c’est-à-dire par Luchon.”

Quelques citations extraites de “Les Transpyrénéens et la Convention du 10 août 1904 – Quatrième Congrès du Sud-Ouest navigable, tenu à Béziers les 24, 25, 26 et 27 novembre 1905 – Compte rendu des travaux. Actes et Résolutions du Congrès” à la Librairie Edouard Privat, Toulouse, 1906, pages 210 à 228 :

p211 : “… la convention de 1894 était donc bien de la poudre aux yeux du public, auquel les gouvernements avaient fait entrevoir la possibilité d’un projet financièrement irréaliste.”

p212 : “Il est donc officiellement reconnu que c’est bien la question financière, dont on ne parle jamais, qui domine toutes les négociations.”

p212 : “Puisque l’exécution simultanée des deux voies a été la cause de l’insuccès des conventions de 1885 et 1894, on ne voit pas comment une solution qui implique trois transpyrénéens serait plus réaliste que les précédentes, qui sont devenues lettre morte.”

p214 : ‘Les prix des avant-projets de 1885 étaient à 1 220 000 francs par kilomètre pour la ligne d’Oloron, 1 474 000 francs par kilomètre pour la ligne de Saint-Girons, soit sensiblement le double des prévisions de 1904. Cette réduction considérable des dépenses, acceptée par le rapporteur, n’est cependant justifiée que par la phrase suivante : «Les nouvelles conditions de tracé ont permis de réduire les dépenses aux chiffres suivants» ; cette démonstration est beaucoup plus qu’insuffisante.

L’étude financière faite à l’appui du projet de loi est donc réduite à de simples prévisions de dépenses et de recettes, sans études préalables sérieuses en rapport avec l’importance des travaux.

Retenons seulement des chiffres fournis par le rapporteur, que les recettes des transpyrénéens évolueront de 1,6 p. 100 à 3 p. 100 du capital engagé, pour la partie française, ce qui est notoirement insuffisant et constituera une lourde charge, qui ne sera comblée qu’en faisant jouer la garantie d’intérêt du Midi qui sera probablement le concessionnaire futur de la partie française de ces lignes.”

p216 : “Elles ne permettront pas le grand trafic, parce qu’une locomotive de 100 tonnes, qui remorque 844 tonnes sur des rampes de 3 millimètres en remorque seulement 150 sur une rampe de 30 millimètres, et ne remorque plus que 81 tonnes sur des rampes de 43 millimètres.”

p216 : “Elles ne permettront pas la grande vitesse, parce que, d’une part, la force centrifuge est trop considérable sur des courbes de 200 mètres de rayon et que, d’une part, si une locomotive peut atteindre 90 kilomètres à l’heure sur des rampes de 0 à 3 millimètres, la vitesse de cette même machine pour la même charge tombe à 40 kilomètres sur des rampes de 20 millimètres et à 15 kilomètres sur des pentes de 35 à 40 millimètres.”

p216 : “Donc, à moins d’augmenter d’une façon anormale le poids des locomotives et par la suite la solidité de la voie et son prix de premier établissement, on ne pourra réaliser, ni un grand trafic, ni une grande vitesse sur les tracés prévus à la convention de 1904.”

p221 : “De tout ce qui précède et en raison de l’existence des deux lignes de Cerbère et Irun, qui assurent le grand trafic et les relations rapides ; en raison du voisinage de la Méditerranées et de l’Océan : qui permettent le trafic dans des conditions très favorables, il est permis de conclure que la voie de 1 mètre est capable de suffire au complément des voies de communication à établir entre la France et l’Espagne à travers les Pyrénées.”

p221 : “Les signataires des conventions de 1885 étaient donc dans le vrai lorsqu’ils prévoyaient des rampes de 25 millimètres, légèrement inférieures à celles du Saint-Gothard, tandis que prévoir en 1904 des rampes de 43 millimètres pour des voies principales est contraire aux données les plus certaines de la pratique des chemins de fer. C’est un non-sens technique qu’il faut chercher à expliquer, afin d’y remédier.”

p225 : “En résumé :

Les auteurs de la convention de 1904 n’ont pas proportionné l’instrument de transport qu’ils ont prévu, à la nature et à la valeur du trafic : c’est, à mon avis, une erreur de conception à laquelle il faut remédier, si l’on veut voir exécuter les transpyrénéens, car le passé est là pour démontrer que la question financière a été jusqu’à ce jour, la seule cause de non-exécution des voies franco-espagnoles à travers les Pyrénées.

C’est cette question financière qu’il faut solutionner au moyen d’avant-projets sérieux, si l’on veut que ce grave problème aboutisse, surtout dans l’état actuel des finances françaises, qui doivent faire face à de multiples nécessités urgentes, tant au point de vue technique qu’au point de vue social.”

Quelques citations extraites de “Les Transpyrénéens et les conventions du 18 août 1904” dans La Revue du Mois du 10 novembre 1906, pages 580 à 602 :

p580 : “En ce qui concerne l’amélioration de l’intervalle horaire qui sépare la France de l’Algérie, il est loin d’être démontré que la liaison du midi de la France à Alicante ou à Carthagène, a l’aide de voies ferrées de grand transit par les Pyrénées centrales, offrirait un raccourci suffisant pour justifier certaines espérances; en tout cas, il est évident que la prospérité de ces deux ports espagnols serait acquise au détriment de Marseille et des autres ports de la Méditerranée, ainsi que des voies ferrées qui y aboutissent.”

p581 : “Or, rien ne manifeste de pareilles tendances; on peut donc, pour de très longues années encore, considérer que les transpyrénéens assureront le trafic local des versants contigus et n’influeront en rien sur les grands courants d’échanges internationaux actuellement établis par terre et par mer.”

p587 : “C’est donc bien la question financière dont on ne parle jamais officiellement qui domine ce problème si complexe.”

p589 : “Si, en favorisant Foix et Ax, les plénipotentiaires désignés par M. Delcassé avaient servi l’intérêt général, comme cela a été certainement leur intention, on ne pourrait que les féliciter; mais j’ai la conviction profonde que la convention de 1904, en imposant la voie normale pour les trois lignes d’Ax, de Saint-Girons et d’Oloron dans les conditions de pente et de courbure prévues, a adopté des moyens qui sont techniquement en désaccord absolu avec les services que rendront ces voies ferrées; de plus, les dépenses considérables qu’entraînera leur exécution ne sont pas en rapport avec les recettes.”

p590 : “Les prévisions de dépenses pour la ligne d’Oloron à la frontière sont de 34 millions, soit de 643 000 francs par kilomètre, et les recettes estimées de 10 000 à 20 000 francs, soit de 1,6 p. 100 à 3,1 p. 100 du capital engagé.”

p592 : “L’étude financière faite à l’appui du projet de loi se réduit donc à de simples prévisions de dépenses et de recettes sans études préparatoires sérieuses en rapport avec l’importance des travaux; cette étude est si peu digne du projet que, dans les évaluations de recettes, on n’a pas évalué la part du trafic local par rapport au trafic de transit, ce qui est cependant un élément capital de la question, et que pour la ligne d’Ax il a fallu avouer que l’estimation des recettes n’avait même pas été faite. Et c’est sur de pareils arguments que l’on motive des dépenses se chiffrant par dizaines de millions !”

p595 : “Pour faire circuler les trains lourds et rapides d’un grand trafic, il est nécessaire que la voie, outre la solidité et la stabilité indispensables, ne présente que de faibles déclivités. Tout le monde connaît la gêne d’exploitation qui résulte pour la Compagnie du Midi de la rampe de Capvern sur la ligne de Toulouse à Bayonne, et cependant la rampe maximum est seulement de 32 millimètres, alors que la convention de 1904 prévoit des rampes de 43 millimètres.”

p601 : “Si néanmoins, on voulait réaliser une nouvelle voie de grand transit entre la France et l’Espagne, un seul transpyrénéen serait suffisant, et son exécution, devenue possible, s’imposerait par le centre, c’est-à-dire par Luchon-Vénasque-Monzon.”

Quelques citations extraites de “Les Transpyrénéens et les conventions du 18 août 1904” dans les Mémoires de l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, 10ème série, Tome VI, 1906, pages 183 à 223 :

p203 : “Les rampes de 43 millimètres, prévues à la Convention de 1904, ne permettent donc pas de remorquer pratiquement les trains de lourd tonnage”

p204 : “Les rampes de 43 millimètres, prévues à la convention de 1904, ne permettent donc pas un grand trafic de vitesse. Ce sont là des points indéniables et incontestables. Il faudrait, pour lever les objections relatives au tonnage et à la vitesse, employer des machines colossalement puissantes pour des locomotives, 1 800 à 2 000 chevaux et plus, ce qui augmenterait, dans de larges proportions, les dépenses de premier établissement et les frais d’exploitation.”

p209 : “S’il fallait un dernier argument pour prouver que les voies prévues à la convention de 1904 ne permettront pas le grand trafic, nous rappellerions que les rampes d’accès au Mont-Cenis (1857-1875) sont de 30 millimètres par mètre; qu’au Saint-Gothard (1873-1880), elles ont été abaissées à 26, et qu’elles ont été réduites à 7 millimètres au Simplon.”